Loi immigration : après le rejet du texte, Darmanin va convoquer une Commission mixte paritaire

Par latribune.fr  |   |  1153  mots
Gérald Darmanin a annoncé, ce mardi, que des « mesures de fermeté » contre « l'immigration irrégulière » et la « délinquance des étrangers » soient « adoptées d'ici la fin de l'année ». (Crédits : STEPHANIE LECOCQ)
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'a pas réussi à faire voter son projet de loi immigration. Et pour cause, ce dernier a été contré par une motion de rejet lundi en début de soirée. Après ce camouflet, l'opposition, ainsi que des ONG, ont appelé le gouvernement à enterrer le texte. Mais le ministre entend faire à nouveau voter son projet de loi par une Commission mixte paritaire.

[Article publié mardi 12 décembre 2023 à 10h, mis à jour à 13h10]

Le gouvernement renchéri après le rejet du texte de loi immigration, lundi soir à l'Assemblée nationale en annonçant ce mardi un nouveau vote par une Commission mixte paritaire (CMP). L'éxecutif va convoquer « au plus vite » cette commission réunissant des députés et des sénateurs, pour tenter de trouver « un compromis entre la majorité et les oppositions » sur le projet de loi. Pour rappel, le palais Bourbon a adopté par 270 voix contre 265 une motion de rejet - porté par le groupe écologiste -, dans le but de contrer le projet de loi, et ce, grâce aux voix de la gauche, des LR et du RN. Un camouflet pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui porte ce texte devant le Parlement.

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Critique des opposants politiques...

Juste après le rejet du texte, les commentaires sont allés bon train du côté de l'opposition. Gérald « Darmanin a dompté les groupuscules macronistes. Mais pas l'Assemblée nationale. Ca sent le bout du chemin pour sa loi et donc pour lui », a jugé le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter) lundi soir.

Dans le même temps, au Parti socialiste, le premier secrétaire Olivier Faure a estimé que Gérald Darmanin était « désavoué » et devait en « tirer les conclusions ». « Votre gouvernement a laissé piétiner en commission le texte de fermeté du Sénat », a aussi taclé au ministre le patron du groupe LR, Olivier Marleix. De son côté, la présidente du groupe RN, Marine Le Pen a affirmé, devant les journalistes, avoir « protégé les Français d'un appel d'air migratoire (...) un désaveu extrêmement puissant. »

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Ce mardi matin, le président du parti, Jordan Bardella, a même appelé à la dissolution de l'Assemblée nationale, dans l'optique de renverser le gouvernement. « Face à cette crise politique majeure, il faut revenir au peuple. Et l'un des moyens de revenir au peuple, qui est en démocratie le souverain ultime, c'est la dissolution de l'Assemblée nationale », a fait valoir l'eurodéputé au micro de BFMTV-RMC. En réponse, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a répondu quelques heures après « ne pas être en accord avec cela ». « Nous avons adopté plus de 50 textes en un an et demi au Parlement », a-t-il ajouté lors du compte-rendu du Conseil des ministres. « Les Français ont souhaité qu'on ne puisse pas décider seuls, moi, c'est ainsi que j'entends le message politique envoyé par les Français en juin 2022 ».

De son côté, en plein conseil des ministres ce mardi, Emmanuel Macron a répondu aux critiques des opposants politiques en déclarant que « Le vote d'hier ne révèle pas l'existence d'une majorité de substitution » mais vise « à bloquer le pays », a dit le chef de l'Etat selon une source gouvernementale. Il a critiqué à son tour le « cynisme », « l'incohérence » et « le jeu du pire joué notamment par deux partis de gouvernement qui ont dirigé le pays pendant 40 ans », le PS et LR. « Nous avons besoin d'une loi sur l'intégration et l'immigration (et) nous défendons l'équilibre de notre texte », a-t-il finalement conclut.

Et des ONG contre le texte

Mais les membres de partis ne sont pas les seuls à critiquer le texte. Des ONG ont quant à elles appelé à enterrer ce dernier. En effet, après ce rejet, le gouvernement pouvait choisir d'abandonner le texte, ou de le laisser poursuivre son parcours législatif au Sénat, ou en commission mixte paritaire. Le ministre a donc choisi la deuxième option.

« Tout renvoi du texte vers le Sénat ou une commission mixte paritaire serait une manœuvre politicienne désastreuse », avaient déclarées ce mardi (avant même l'annonce du ministre) 23 organisations engagées dans la défense des droits des étrangers dans un communiqué commun, parmi lesquelles la LDH, le Gisti, Utopia 56 ou encore Solidaires.

« Il faut arrêter de s'entêter et retirer le texte », a tranché auprès de l'AFP Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade, l'une des associations qui avaient organisé un rassemblement contre ce projet de loi en début d'après-midi lundi, près de l'Assemblée nationale.

« Ce qui s'est passé confirme ce qu'on dit depuis plusieurs mois : ce texte est un naufrage annoncé. La communication démagogique du gouvernement a fait peser une pression considérable sur ce projet de loi, dont on sait pourtant depuis le début qu'il n'existe pas de majorité pour le voter », a-t-elle ajouté.

Gérald Darmanin riposte avec le soutien de la Première ministre

Ce dénouement ne semble toutefois pas être au goût du ministre de l'Intérieur. Ce dernier a annoncé, ce mardi (avant même la convocation d'une CMP) qu'il souhaite que des « mesures de fermeté » contre « l'immigration irrégulière » et la « délinquance des étrangers » soient « adoptées d'ici la fin de l'année ».

« Je regrette que nous perdions du temps pour protéger les Français », a-t-il ajouté devant la presse lors d'un déplacement au commissariat de Maisons-Alfort (Val-de-Marne).

Le bras de fer politique entre le gouvernement et l'opposition semble loin d'être terminé, d'autant que Gérald Darmanin s'est attiré les foudres de certains députés LR. Eric Ciotti et Olivier Marleix ont notamment assuré ce mardi qu'ils restaient « ouverts à la discussion » après le rejet du projet de loi mais... avec la Première ministre, « plus respectueuse » selon eux que son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. « Je crois que Monsieur Darmanin n'a rien compris. C'est assez grave d'ailleurs. Comment discuter avec quelqu'un qui nous insulte en permanence ? », a questionné le président de LR au micro d'Europe 1-Cnews.

Pour tenter de fédérer ses soutiens au Parlement, la Première ministre a même dû intervenir. Un compromis sur le projet de loi immigration du gouvernement ne « doit pas se faire au détriment de l'unité de la majorité », a déclaré ce mardi midi la Première ministre, Elisabeth Borne, lors d'une réunion devant les députés du camp présidentiel à l'Assemblée nationale. Car le vote du projet de loi devra sans doute passer par des concessions faites à la droite parlementaire, aujourd'hui remontée contre le ministre de l'Intérieur... Au risque de mécontenter l'aile gauche de la majorité.  « Vous pouvez compter sur moi pour veiller à (l')unité » de la majorité, a donc tenté de rassuré Elisabeth Borne.

(Avec AFP)