Loi Macron : un bilan contrasté

Par Grégoire Normand  |   |  1113  mots
La loi Macron, promulguée le 6 août 2015 au terme d'un parcours législatif semé d'embûches, "a atteint son objectif principal, visant à libérer les énergies créatrices" selon le rapport. (Crédits : Yves Herman)
Un groupe de parlementaires vient d'effectuer une évaluation de la loi phare de l'ancien ministre de l'Économie Emmanuel Macron. Si les auteurs concluent que la loi a en partie atteint ses objectifs, de nombreuses difficultés existent toujours ou ont empiré dans la justice prud'homale, par exemple.

Plus de trois années après sa promulgation, la loi pour "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" dite "loi Macron" vient de faire l'objet d'une évaluation établie par plusieurs parlementaires. Si selon les élus, la loi "a atteint son objectif principal visant à libérer les énergies créatrices et à déverrouiller certains blocages d'ordre réglementaire ou professionnel", de nombreuses zones d'ombre subsistent.

Surtout, certaine réformes, ayant marqué un tournant libéral sous la présidence de François Hollande, n'ont pas abouti "aux effets escomptés." Composé de près de 300 articles, ce texte de loi avait suscité de vifs débats à l'assemblée et provoqué de fortes mobilisations citoyennes et syndicales.

Si ce travail a le mérite d'évaluer le travail législatif, il est loin d'être exhaustif au regard du nombre de domaines pléthoriques concernés par la loi.

Ouverture des magasins le dimanche : flou sur l'impact

L'élargissement de l'ouverture des magasins le dimanche avait provoqué une fronde  chez de nombreux salariés, et de nombreuses négociations entre les directions et syndicats. Quelques années après, la colère semble être apaisée et la part des magasins ouverts le dimanche à Paris a augmenté. Dans la capitale, 28,2% des commerces à l'intérieur des zones touristiques internationales ouvrent désormais le dimanche, contre 17%.

Les auteurs du rapport supposent que "la nouvelle législation a permis un développement notable du chiffre d'affaires et de l'emploi, même si les données en ce domaine demeurent imprécises." Par ailleurs, les députés sont beaucoup plus réservés sur le bilan dans les régions où "le bilan est beaucoup plus contrasté et il est difficile d'en tirer des conclusions précises."

Par ailleurs, les résultats de l'évaluation signalent qu'il existe de véritables divergences en fonction de la taille des entreprises. Si les responsables de grands magasins à Paris témoignent d'un retour favorable de cette réforme avec des embauches supplémentaires, ce n'est pas le cas pour les petites surfaces où le bilan est plutôt mitigé.

Plus de candidats pour les notaires

Du côté des points positifs, les élus de l'Assemblée nationale ont exprimé un avis positif sur la libre installation des notaires qui s'est traduite par une hausse importante des dossiers de candidatures (plus de 36.000). D'après les chiffres mentionnés dans le document, plus de 1.620 notaires ont pu être nommés et 700 nouveaux notaires devraient pouvoir s'installer d'ici 2020.

Libéralisation du secteur des cars

L'ouverture à la concurrence du transport par autocar a "clairement répondu à une demande" selon les rapporteurs. Cette libéralisation aurait permis de de transporter 7,1 millions de passagers contre 770.000 en 2015. Par ailleurs, si l'offre de transport était au début limitée, elle s'est par la suite étoffée avec 279 communes desservies aujourd'hui. Cependant, le marché est loin d'être simple pour les opérateurs, du fait notamment de la multiplication des acteurs pendant les premières années.

Aucun des opérateurs "n'a encore atteint son seuil de rentabilité et l'annonce récente du rachat de Ouibus par Blablacar démontre que ce secteur d'activité est encore en pleine mutation."

Par ailleurs, si le bilan environnemental est globalement positif selon une étude de l'Ademe dès que le taux de remplissage des bus dépasse 38%, une nouvelle évaluation des conséquences environnementales est réclamée par le groupe de parlementaires. En effet, les conclusions de l'agence publique datent déjà de 2016 et le trafic de bus a considérablement augmenté depuis.

Un délai d'attente encore long pour le permis de conduire

Les délais d'attente pour les candidats qui doivent repasser l'épreuve pratique de l'examen du permis de conduire ont pendant longtemps été pointés du doigt. Si l'un des objectifs de la loi était de diviser par deux ces délais, les résultats du rapport indiquent que la loi du ministre de l'Économie sous François Hollande a manqué sa cible.

En effet, si le délai a bien diminué passant de 90 jours à 65 jours en moyenne, il est encore loin de l'objectif des 45 jours. Surtout, il existe encore de véritables disparités territoriales et d'immenses difficultés pour les candidats au permis. D'ailleurs, le Président de la République a annoncé au début du mois de novembre "l'intégration de la partie théorique (le « code ») au cursus scolaire, ainsi qu'une 'baisse drastique' du coût du permis de conduire."

La justice prud'homale toujours en manque de moyens

Du côté des mauvais points, les difficultés sont loin d'avoir disparu pour la justice prud'homale. Si le collectif de députés note une baisse du nombre de contentieux, cela n'a pas permis d'améliorer les délais de traitement des différends. Pire, il a même tendance à légèrement augmenter.

"Pour l'ensemble des modes de jugement, il atteint 17,3 mois fin 2017, au lieu de 17 mois en 2016. La hausse - 0,3 mois - est cependant moins marquée que les années antérieures. "

 Les parlementaires soulignent notamment le manque de moyens matériels et humains "qui doivent accompagner la mise en place de la réforme." Sans moyens supplémentaires, les procédures devraient encore connaître des délais interminables pour les différentes parties prenantes.

Privatisations de la gestion des aéroports : une évaluation encore précoce

Le volet sur la cession des participations de l'État dans le capital des aéroports de la Côte d'Azur et aéroports de Lyon est contrasté. Bien que les auteurs du rapport rappellent que "la vente des participations de l'État a permis de dégager un produit de cession très intéressant de 1,75 milliard d'euros pour les deux opérations cumulées (535 millions pour la société aéroportuaire de Lyon et 1,2 milliard pour celle de Nice)," il est encore trop tôt pour effectuer une évaluation complète de cette opération.

"Davantage de recul serait néanmoins nécessaire pour évaluer l'action des nouveaux actionnaires, ceux-ci ayant poursuivi jusqu'à présent les projets engagés avant la privatisation avec le concours, notamment, des salariés et des équipes de direction des sociétés aéroportuaires en place avant la cession."

Enfin, le dernier écueil soulevé par le rapport est que certaines réformes n'ont pas du tout reçu d'application. C'est par exemple le cas de "BPIfrance qui n'a pas encore pu entrer au capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), faute d'un accord lors de négociations menées entre l'État et BPIfrance en 2015 et 2016."