Malgré un nouveau budget de crise, Bercy anticipe la suppression de "800.000 emplois"

Par latribune.fr  |   |  839  mots
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Le gouvernement a présenté son troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) élaboré depuis le début de la crise, du jamais vu. Si il assure apporter un soutien massif aux secteurs fragilisés, l'État consacre toutefois pas moins de 20% de la richesse créée au sauvetage des entreprises. Emmanuel Macron va à nouveau s'adresser aux Français ce dimanche 14 juin.

Le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre de l'Action et des Comptes publics ont présenté en Conseil des ministres un troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR-III) pour 2020. Au final, ce sont 45 milliards d'euros supplémentaires qui seront débloqués pour soutenir les secteurs les plus fragilisés.

Dans le même temps, la récession s'annonce terrible avec une chute du PIB de 11%.

Tandis qu'il évoquait d'abord des "milliers de suppressions", Bruno Le Maire a finalement précisé le chiffre : ce sont "800.000 emplois" qui pourraient être supprimés selon le ministre de l'Économie qui le décrit comme "un choc considérable."

"Notre évaluation est que nous aurons d'ici les mois prochains la suppression de 800.000 emplois, c'est-à-dire 2,8% de l'emploi total", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Aussi, le gouvernement va renforcer d'environ 5 milliards d'euros le dispositif de chômage partiel et débloquer 1 milliard pour élargir les aides aux entreprises qui embauchent un apprenti.

"20% de la richesse nationale" consacrée au sauvetage

Au total, "l'ensemble des sommes qui sont consacrées à cette réponse à la crise économique représentent, avec ce PLFR 3, 460 milliards d'euros, c'est 20% de la richesse nationale française", a-t-il ajouté.

Ce projet de budget se concentre essentiellement sur les plans de soutien aux secteurs les plus menacés. Dans le détail, il inclut les 18 milliards d'euros du plan au secteur du tourisme, l'un des plus affectés par le confinement, 8 milliards pour l'automobile, 600 millions pour la French Tech, ou encore 15 milliards d'euros de soutien au secteur de l'aéronautique et les aides au secteur du livre. S'y ajouteront des mesures en faveur du petit commerce et du bâtiment.

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Pour le BTP, le gouvernement envisage notamment de compenser les surcoûts engendrés par les mesures sanitaires sur les chantiers.

Avec la reprise de l'activité qui se profile, le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a, lui, appelé dans un entretien aux Echos à accélérer le déconfinement et à "réviser les protocoles sanitaires s'appliquant en entreprise".

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Première ouverture en ce sens: Matignon a annoncé mardi soir son souhait de mettre fin au 10 juillet à l'état d'urgence sanitaire.

13 milliards d'euros de dépenses directes pour l'État

Même si à Bercy on défend une politique de soutien à "l'offre", le budget intégrera aussi des aides exceptionnelles directes pour les 800.000 jeunes précaires de moins de 25 ans et les ménages les plus modestes.

Enfin, il entérine un soutien de 4,5 milliards d'euros de l'Etat pour les collectivités, au moment où leurs recettes fondent avec la crise.

Au total toutefois, les dépenses budgétaires directes supplémentaires ne représenteront que 13 milliards d'euros, le reste étant des mesures de trésorerie (reports de charges, prêts garantis, etc.).

Certains secteurs s'estiment oubliés, comme l'agriculture ou les transports publics.

L'ONG environnementale Greenpeace regrette elle qu'à côté des plans pour l'automobile ou l'aérien, il y ait "toujours zéro pour la relance du ferroviaire".

Récession, déficit et dette records

Outre ces plans d'aides, le gouvernement est contraint d'aggraver encore ses prévisions économiques pour cette année. Il table désormais sur une récession de -11%, contre 8% de baisse du PIB anticipée il y a seulement quelques semaines.

Les difficultés du secteur du tourisme devraient à elles seules amputer le PIB de quasiment un point cette année.

Conséquence: avec des recettes fiscales qui vont fondre de 27 milliards de plus par rapport à l'estimation déjà en baisse du précédent budget rectifié, le déficit devrait encore s'aggraver à 11,4% du PIB et la dette publique gonfler à 120,9% du PIB, estime le gouvernement.

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"En seulement trois mois, les modifications apportées à la trajectoire macroéconomique et de finances publiques sont massives et elles sont évidemment inédites", a commenté le nouveau président de la Cour des comptes et du Haut conseil des finances publiques (HCFP), Pierre Moscovici.

Dans son avis sur ce projet de budget, le HCFP s'est inquiété que le gouvernement ait pu sous-évaluer les dépenses prévues pour faire face à la crise, et à l'inverse minimiser la perte de recettes attendues, ce qui pourrait aggraver le déficit.

De fait, le gestion de la crise commence à être questionnée plus précisément. Ce mercredi, le parquet de Paris a ouvert une enquête sur la gestion de la crise sanitaire, à le suite d'une quarantaine de plaintes reçues - principalement déposées par des proches de victimes - par le parquet.

Pour la cinquième fois depuis le début de la crise du coronavirus, Emmanuel Macron s'adressera aux Français dimanche 14 juin, selon les informations du Figaro.