Martine Aubry veut peser sur l'avenir du PS

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  762  mots
Martine Aubry ne soutiendra François Hollande pour la prochaine présidentielle que si celui-ci renonce à la dérive social-libérale de sa politique...
La Maire de Lille va organiser fin août à Montpellier "une rencontre entre personnalités de gauche". Une façon de peser sur l'avenir du parti socialiste et empêcher la "dérive social-libérale" conduite par Manuel Valls.

Une nouvelle petite piqûre de rappel. Qu'on se le dise, Martine Aubry et son courant comptent toujours peser au sein du Parti socialiste dans la perspective de 2017 et au-delà... Pour ce faire, la maire de Lille va organiser « une rencontre entre personnalités » de gauche les 23 et 24 août à Montpellier pour « engager un travail de fond »... Une initiative très symbolique.

L'ancienne Première secrétaire du PS se rappelle donc encore une fois au bon souvenir des socialistes et de la gauche en général, quelques mois après sa fameuse tribune publiée dans le Monde, co-signée notamment par Daniel Cohn-Bendit, où elle avait critiqué la ligne politique suivie par Manuel Valls, notamment sur le projet de déchéance de la nationalité, qui était alors encore d'actualité et le projet de loi travail. On se souvient aussi, en automne 2015, de son fameux « Macron, comment dire, ras le bol ! ».

"Une invitation assez détaillée" va être adressée à "des responsables politiques de gauche, socialistes, écologistes, animateurs associatifs, syndicalistes, intellectuels qui ne se retrouvent pas dans l'orientation gouvernementale", a déclaré à l'AFP le député PS François Lamy, l'un des principaux lieutenants de la maire de Lille. Au-delà du PS, des personnalités comme Cécile Duflot, Daniel Cohn-Bendit, voire Christiane Taubira pourraient être invitées.

Toujours pour François Lamy, "la gauche doit travailler sur le fond, établir un projet pour les années à venir. Parmi les thèmes qui doivent être creusés figurent par exemple l'impact des nouvelles technologies sur l'économie et l'organisation sociale, la fracture territoriale ".

Contrer Manuel Valls

Même si l'entourage de Martine Aubry jure qu'il ne s'agit pas de « monter » une écurie présidentielle, il n'en reste pas moins que l'initiative de l'ancienne ministre du Travail de Lionel Jospin n'arrive pas maintenant par hasard.

Le rendez-vous de Montpellier, inédit, vient concurrencer de front l'université officielle du PS - baptisée cette année rendez-vous de « La Belle alliance populaire, selon le souhait du premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis - qui se tiendra à Nantes.

Ce n'est un secret pour personne que Martine Aubry s'inquiète des velléités de Manuel Valls de totalement recomposer le PS au lendemain des échéances de 2017 pour en finir avec le parti né à Epinay en 1971, quitte à provoquer un véritable schisme qui se traduira par le départ de l'aile gauche du PS. C'est dans cette optique qu'il faut comprendre les propos de Manuel Valls sur le fait « qu'il existe deux gauches maintenant irréconciliables ».

Martine Aubry, ne goûte pas du tout la politique sociale-libérale du premier ministre. La maire de Lille, elle, revendique toujours et encore sa fibre sociale-démocrate. Elle continue de vouloir se poser au centre du parti. Et c'est pour bien se démarquer des « frondeurs  de gauche » que les députés aubrystes avaient refusé de cosigner la motion de censure « de gauche » élaboré par certains socialistes et le Front de gauche, lors du recours au 49-3 sur la loi Travail. Un refus de se joindre à l'aile gauche du parti qui n'empêche pas Martine Aubry d'être très critique face à la loi El Khomri. Mais, il n'est pour autant pas question de couper les liens avec les « hollandais » du PS. D'ailleurs, selon son entourage, Martine Aubry a discrètement rencontré François Hollande en mai dernier.

Passer un "deal" avec Hollande

Le « deal » avec le président de la République, qui aspire à le rester cinq ans de plus, est clair. Martine Aubry lui apportera le soutien de la majorité du parti s'il infléchit sa politique trop sociale-libérale. Martine Aubry défend ainsi toujours l'idée d'une relance de l'investissement public et souhaite que davantage soit fait pour le pouvoir d'achat... De quoi faire hurler Manuel Valls et les « réformateurs » - l'aile droite - du PS.

Concernant l'élection présidentielle, les aubrystes défendent l'organisation d'une primaire pour le choix du candidat "comme le prévoient les statuts du PS". François Hollande devrait donc passer par cette case pour avoir le soutien du parti. Les instances du PS doivent statuer le 18 juin sur cette question...

Une chose est certaine, si la maire de Lille confirme son retour sur le devant de la scène politique pour éviter la dérive du PS, il va y avoir du sport à gauche à la rentrée de septembre. Ce n'est alors pas que la droite, en pleine primaire, qui affichera le spectacle de la désunion...

 (avec AFP)