Mobilisation contre la réforme des retraites : la CGT réfléchit à retarder les travaux sur des stockages de gaz

Par latribune.fr  |   |  1033  mots
(Crédits : BENOIT TESSIER)
Selon Claude Martin, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, différentes stratégies pourraient se mettre en place en fonction des sites. Outre les baisses de production d'électricité, la CGT envisage de retarder les travaux sur des stockages de gaz, ou d'empêcher le déchargement des méthaniers.

La CGT fourbit ses armes à l'approche de la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 19 janvier. Alors que son secrétaire général, Philippe Martinez, rêve d'un « remake » de 1995, la fédération de l'énergie du syndicat, première organisation syndicale de l'électricité et du gaz, espère une grève reconductible et ne s'interdit « rien » dans son « plan de bataille ». Un conflit « dur » est de manière générale à prévoir dans l'énergie, compte tenu de la suppression du régime spécial des électriciens et des gaziers, avait prévenu jeudi Francis Casanova, délégué syndical central CGT chez le gestionnaire des lignes à très haute et haute tension RTE.

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Plusieurs stratégies

Selon Claude Martin, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, différentes stratégies pourraient se mettre en place en fonction des sites : des grèves reconduites « chaque soir pour le lendemain », des mouvements sur plusieurs jours, sur plusieurs périodes, « en laissant des pauses au milieu » (« mais il n'est pas impossible que ça parte en dur d'entrée un peu partout » selon le syndicaliste si la journée du 19 janvier est un succès) des « coupures ciblées » dans des bâtiments administratifs, comme des ministères, ou sur des radars routiers, et des actions en appui d'autres secteurs en grève. Les grévistes des transports, de la métallurgie, de la pétrochimie, ou des ports et docks pourraient ainsi compter sur des électriciens et gaziers pour stopper leur outil de travail : « il n'y aura pas des fédérations isolées chacune dans leurs coins », a indiqué à l'AFP Claude Martin, dont la fédération entend « travailler à la convergence des luttes ».

« L'énergie, l'électricité et le gaz sont au cœur de toute l'économie, donc, pour que l'ensemble des employeurs expriment leur mécontentement, il va peut-être falloir que l'économie malheureusement soit impactée et que certaines entreprises se retrouvent aussi en difficulté pour fonctionner », ajoute le leader syndical.

Outre les baisses de production d'électricité, la CGT envisage de retarder les travaux sur des stockages de gaz, ou d'empêcher le déchargement des méthaniers.

« Il n'y a rien d'arrêté, il y a des réflexions en cours », a indiqué Claude Martin.

Lundi soir, la CGT se réunira, avec l'ensemble des fédérations de l'énergie, pour voir si elles sont sur la même ligne qu'elle et si elles peuvent mettre en oeuvre « un plan d'action commun ».

Front syndical uni

Faisant front uni pour la première fois depuis douze ans, les huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) prévoient une « puissante » mobilisation contre la réforme des retraites présentée mardi par Elisabeth Borne. Ils espèrent que la journée de grève et de mobilisation du 19 janvier  « donne le départ d'une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée, même si, sous couvert d'anonymat, un responsable syndical confiait jeudi à l'AFP qu' »on ne sait pas si ça va vraiment marcher ». Des sources sécuritaires notent néanmoins un climat social tendu, et craignent une large mobilisation dans la foulée des annonces de la Première ministre.  Une intersyndicale aura lieu dès le 19  pour décider des suites du mouvement, avec peut-être une nouvelle journée de mobilisation dès la semaine suivante.

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En pointe dans le conflit de l'hiver 2019-2020, lors de la précédente tentative de réformer les retraites, les syndicats de la RATP ont promis de « mettr(e) tout en oeuvre pour s'opposer » à la réforme portée par Elisabeth Borne. D'autres fédérations appellent elles aussi à la mobilisation. FO-Transports et logistique, qui rassemble aussi bien les routiers que les ambulanciers, chauffeurs de car ou transporteurs de fonds, souhaite aller « au bout du possible dans ce combat La fédération souhaite lancer un mouvement « en illimité » à partir du 19 janvier pour préparer « la riposte massive et dure ». A la SNCF, l'intersyndicale composée de la CGT, l'Unsa, SUD et la CFDT appelle dans un communiqué « à une grève puissante » dans le rail le 19 janvier. Les enseignants de la FSU prévoient eux d'ouvrir le bal en se mobilisant dès le 17.

Gabriel Attal en tournée

De son côté, le gouvernement tente de rassurer les Français. Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal a décidé de partir une tournée du pays jusqu'à l'examen du texte au Parlement en février pour essayer d'amadouer l'opinion sur une réforme décriée. Jeudi soir, il était dans une salle polyvalente de Juvisy-sur-Orge, au sud de Paris. Ceci alors qu'une majorité de Français est contre la réforme.

Présentée comme « un projet de justice » par le gouvernement, la réforme des retraites peut difficilement être perçue comme équitable car elle demande plus d'efforts aux classes moyennes qu'aux cadres, selon plusieurs économistes interrogés par l'AFP. L'argument a été martelé une dizaine de fois par Elisabeth Borne, lors de sa présentation de la réforme des retraites: le projet vise à « rendre le système plus juste ». En particulier « pour les femmes », mais aussi « les plus fragiles », sans oublier « ceux qui ont commencé à travailler tôt ».

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Autant de catégories faisant l'objet d'aménagements censés amoindrir l'effet du report de l'âge légal de 62 à 64 ans, « qui va rester comme une marque de dureté », estime Eric Heyer, directeur du département Analyse et prévision de l'OFCE. Ce sera particulièrement le cas pour « des salariés peu qualifiés qui ont commencé à travailler entre 19 et 21 ans, (et qui) vont avoir l'effort le plus important à faire, tandis que les cadres et ceux qui ont commencé à 23 ans auront très peu à contribuer », explique-t-il.

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