Retraites : pourquoi les anciens critères de pénibilité n'apparaissent pas dans la réforme

La réforme des retraites prévoit de garder les six critères de pénibilité actuels et de ne pas réintégrer les quatre critères supprimés en 2018, comme le réclamaient les syndicats. En contrepartie, le gouvernement promet d'établir une liste des métiers à risque, branche par branche, et d'offrir un suivi médical personnalisé aux travailleurs concernés. Une position en phase avec le patronat.
(Geoffroy Roux de Bézieux - le patron du Medef) Le patronat craignait que la réintégration des anciens critères de pénibilité n'aboutisse à recréer des formes de régimes spéciaux.
(Geoffroy Roux de Bézieux - le patron du Medef) Le patronat craignait que la réintégration des anciens critères de pénibilité n'aboutisse à recréer des formes de régimes spéciaux. (Crédits : Reuters)

Les syndicats ont bataillé, en vain. Tout au long des négociations de cet automne avec le gouvernement, la CFDT, en tête, et les autres organisations ont milité pour que la réforme des retraites reprenne les quatre anciens critères de pénibilité supprimés en 2018. À l'époque, l'exécutif dirigé par Edouard Philippe avait réduit les dix critères de pénibilité instaurés en 2015 par la réforme Touraine à six critères. Furent exclus du compte professionnel de prévention (C2P) : les postures, les charges lourdes, les vibrations mécaniques et l'exposition aux agents chimiques.

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Ces dernières semaines, plusieurs personnalités politiques comme Xavier Bertrand ou Yannick Jadot ont également plaidé pour la réintégration des critères abandonnés. Le projet de loi présenté le 10 janvier ne leur a pas donné satisfaction. Sous l'insistance du patronat, qui avait obtenu la suppression des quatre critères en 2018, Elisabeth Borne n'a pas étendu les critères existants du C2P, se contentant d'assouplir les seuils de prise en compte du travail de nuit et des équipes alternantes.

Les anciens critères, un « casse-tête » selon le patronat

Si les postures, les charges lourdes, les vibrations et le risque chimique avaient été à nouveau retenus d'office comme facteurs de pénibilité, les chefs d'entreprise craignaient de devoir encore - comme entre 2015 et 2018 - mesurer eux-mêmes le degré de pénibilité de chaque salarié. « Techniquement, c'était une usine à gaz, les entreprises devaient noter, codifier et enregistrer le niveau de pénibilité », rapporte l'économiste Bertrand Martinot, spécialiste du marché de l'emploi à l'institut Montaigne.

« Les quatre critères qui ont été supprimés en 2018 entraînent objectivement une usure, mais ils ne sont absolument pas mesurables. J'ai un commerce à Chartres avec un service de livraison de deux salariés. En 2015, j'ai dû leur ouvrir un compte pénibilité. Pour évaluer l'usure des charges lourdes, j'étais censé peser le poids qu'ils portaient chaque jour. À part en plaçant des capteurs sur eux, c'était un casse-tête », se remémore Eric Chevée, vice-président de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME) en charge des affaires sociales.

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Pour faire valider la pénibilité des postures, les salariés devaient par exemple certifier garder « les bras à une hauteur située au-dessus des épaules ou (des) positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés (...) au minimum quatre heures par jour ». Une complexité qui décourageait certains salariés et patrons au moment de faire valoir l'usure professionnelle.

Résultat : à peine 650.000 salariés sont déclarés chaque année comme exerçant une activité pénible. D'après le ministère du Travail, 13,6 millions de personnes sont pourtant exposées « à un ou plusieurs facteurs de pénibilité lors de la semaine précédant leur visite médicale ».

Le gouvernement veut un suivi personnalisé, branche par branche

Devant les limites du système actuel, le gouvernement assure que 60.000 personnes supplémentaires pourront cumuler des droits à une retraite anticipée grâce à la modification des six critères actuels. Le travail de nuit sera désormais comptabilisé comme facteur d'usure à partir de 120 nuits par an (contre 100 auparavant), celui en équipes successives alternantes à partir 30 nuits par an (contre 50 auparavant) et l'exposition à plusieurs risques donnera davantage de « points pénibilité » dans le C2P.

Au lieu de fixer davantage de critères universels de pénibilité, la future loi sur les retraites prend le parti d'un suivi personnalisé de l'usure au travail, comme le souhaite, là aussi, le patronat. Il revient aux branches professionnelles d'établir la liste des métiers à risque. Lesquels recevront un suivi médical au fil de leur carrière, avec des possibilités de reconversion si leur santé l'exige. À 61 ans, ils passeront une visite médicale pour savoir s'ils sont aptes à continuer à travailler ou peuvent partir en retraite à 62 ans. Ce nouveau dispositif se cumulera avec le C2P, mais permettra de couvrir des métiers qui ne rentrent pas dans les six critères actuels.

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« Ce dispositif proposé par la réforme permet d'évaluer la pénibilité réelle, métier par métier. La CFDT voulait davantage de critères pénibilité, les mêmes pour tous les métiers qui donneraient automatiquement des points à la retraite anticipée. Cela reviendrait à créer de nouveaux régimes spéciaux », pointe Eric Chevée de la CPME, qui sait comment convaincre le gouvernement décidé à supprimer, par sa réforme, la majorité des régimes spéciaux.

Commentaires 7
à écrit le 14/01/2023 à 14:57
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Il n'y a que le fric qui dirige tout, je suis partenaire social dans mon entreprise, ancien secrétaire du défunt CHSCT, nous avons mis dix ans pour avoir une salle de sieste pour les employés qui travaillent en équipes alternée et donc de nuit. À fu...

à écrit le 14/01/2023 à 14:55
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Il n'y a que le fric qui dirige tout, je suis partenaire social dans mon entreprise, ancien secrétaire du défunt CHSCT, nous avons mis dix ans pour avoir une salle de sieste pour les employés qui travaillent en équipes alternée et donc de nuit. À fu...

à écrit le 14/01/2023 à 0:18
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Beizieu sur la photo semble en roue libre, serait ce Parce que son successeur dans 4 mois est déjà connu. En tout cas, il ne faudrait pas qu'il nous fasse une le grenat avant de partir.

à écrit le 13/01/2023 à 19:07
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Les gouvernements successifs nous on pris pour des benêts et jeter dans les bras du Rn… va falloir qu ils assument…

à écrit le 13/01/2023 à 3:02
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Comme cela ne fait pas partie de la LOI, bien évidemment que cela ne sera jamais fait.

à écrit le 12/01/2023 à 21:48
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Bonne méthode de réduire les bénéficiaires du compte «  pénibilité « … sur que le petit patron de Chartres était le bon et unique interlocuteur pour le définir… on nous infantilise et nous prend vraiment pour des c.. la classe moyenne qui est la gr...

à écrit le 12/01/2023 à 19:15
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"le gouvernement promet d'établir une liste des métiers à risque, branche par branche" Il suffit d'aller sur le net ,ils sont déjà indiqué.

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