Normes : amies ou ennemies des entreprises ?

Par Fabien Piliu  |   |  881  mots
Les normes techniques, garants de la sécurité des bâtiments
Le gouvernement veut simplifier le quotidien administratif des entreprises. Cette stratégie repose notamment sur une clarification de l’environnement normatif.

Nombreuses sont les enquêtes réalisées auprès des dirigeants d'entreprises qui témoignent de la complexité de l'environnement fiscal, social, réglementaire et normatif dans lequel ils évoluent.

Cette complexité serait, selon ces enquêtes, l'obstacle principal à leur développement. Elle expliquerait presque à elle seule les difficultés des entreprises françaises à grandir ! Interrogés en février 2015 par Opinion Way pour CCI France La Tribune et Europe 1 dans le cadre de la « Grande Consultation des entrepreneurs », 55% des chefs d'entreprises estimaient que la complexité et l'instabilité administrative et fiscale était la représentait la plus grosse pression s'exerçant sur leur entreprise, très loin devant le niveau des prix de vente et les retards de paiement !

Un plan de simplification est en marche

Décidé à résoudre cette question, l'exécutif a décidé de prolonger les efforts de simplifications réalisés lors du quinquennat précédent et dont les effets tardent toujours à être perceptibles. Placé sous la tutelle de Matignon, un secrétariat d'Etat chargé de la Réforme de l'Etat et à la Simplification a été créé en 2012.

Une centaine de mesures ont d'ores et déjà été engagée pour simplifier l'environnement des entreprises. En juin, 52 nouvelles mesures ont été annoncées Dans le domaine social, la prochaine réforme du code du Travail s'inscrit officiellement dans cette stratégie de simplification.

Depuis la remise du rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative dirigée par Alain Lambert, le président de la Commission consultative d'évaluation des normes, et Jean-Claude Boulard, le maire du Mans en mars 2013, les normes sont spécifiquement dans le collimateur de l'exécutif. Selon ce rapport, il en existerait 400.000, bien souvent dictée par le principe de précaution qui est inscrit dans la Constitution française En raison de leur absurdité, certaines normes juridiques, réglementaires ont défrayé la chronique lors de la publication de ce rapport.

Des normes curieuses

On peut citer celles réglant la consommation d'œufs selon les âges dans les crèches et les cantines scolaires. On peut aussi citer l'impasse juridique provoquée par un petit insecte protégé par la Convention de Berne de 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe. Ainsi, " a découverte sur le tracé projeté pour l'autoroute A28 du scarabée Pique-Prune protégé par la Convention de Berne a conduit à retarder pendant dix ans un chantier jusqu'à ce que l'on découvre que, très répandu dans le département de la Sarthe, la réalisation de l'autoroute ne le menaçait nullement ", précisait le rapport.

Tailler à la hache ?

Faut-il jeter les normes aux oubliettes et tailler à la hache dans cette impressionnante liste ? Jacques Levet, directeur des affaires techniques et de la normalisation au sein de la Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication (FIEEC) rappelle la nécessité de distinguer les normes réglementaires et les normes techniques :

" Il ne faut pas faire d'amalgame. Les normes techniques sont absolument nécessaires car elles garantissent l'état de l'art. Ce sont des règles du jeu auxquelles on ne peut se souscrire sans prendre un certain nombre de risques, notamment dans le domaine de la sécurité. Il ne faudrait que ce choc de simplification conduise l'Etat à faire des erreurs."

Concrètement, si certaines normes techniques sont supprimées, dans le bâtiment par exemple, quels seront les garants de la sécurité et de la solidité des bâtiments ? Nombreux sont les cas de non-respect des normes dans ce secteur, de la part des TPE-PME ou des grands groupes. En 2010, un scandale avait éclaboussé le groupe Vinci, accusé d'avoir fait des économies sur les volumes de béton nécessaires pour la construction de l'université de Paris VII Diderot.

Dans le même ordre d'idées, si l'on raye d'un trait de plume les normes d'hygiène, les conséquences en termes de santé publique pourraient être désastreuses.

Une stratégie de normalisation

Plutôt que de vouloir les contourner, l'expert recommande plutôt aux entreprises d'accompagner le développement de leurs produits par une stratégie de normalisation. « Comme le brevet dans le domaine de la propriété intellectuelle, c'est un moyen d'imposer ses produits sur le marché et de placer la concurrence à distance », avance Jacques Levet.

Même si apposer les marquages NF ou CE sur ces produits est aisé pour les contrefacteurs, c'est également un moyen de lutter contre la contrefaçon. " Ce ne sont pas les normes qui doivent être mises en cause mais leur contrôle. Dans le bâtiment par exemple, beaucoup de produits contrefaits sont vendus sans que le consommateur s'en rende compte ", observe Jacques Levet.

Selon les experts, la contrefaçon représente actuellement 5 à 9 % du commerce mondial. Ses conséquences : 200 à 300 milliards de manque à gagner pour les entreprises, environ 30 000 emplois de perdus et de graves accidents de santé et de sécurité. Les secteurs les plus touchés sont le luxe, l'industrie pharmaceutique et le matériel électrique. C'est notamment le cas de certains disjoncteurs qui ne sont que des coquilles vides que les fraudeurs ont lesté de plomb pour ne pas éveiller les soupçons du distributeur et du consommateur.