Plan eau : ce qu'il faut retenir des annonces d'Emmanuel Macron

Par latribune.fr  |   |  1674  mots
Emmanuel Macron présentait ce jeudi son plan eau. (Crédits : JOHANNA GERON)
Le président de la République présentait, ce jeudi, depuis les Hautes-Alpes, sur le lac de Serre-Ponçon, un plan eau qui comprend des mesures mises en œuvre dès cet été avec notamment un « Ecowatt de l'eau » et un investissement pour les communes qui ont manqué d'eau potable l'été dernier.

[Article publié le jeudi 30 mars à 14h31 et mis à jour à 15h27]

« On est ici, et c'est tout un symbole », a déclaré le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, en préambule de la présentation du plan eau par Emmanuel Macron, ce jeudi, au sein de la commune montagnarde de Savines-le-Lac, où se trouve le lac de Serre-Ponçon, particulièrement touché par la sécheresse l'été dernier.

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Il a ainsi rappelé que « nous avons commencé l'automne avec un niveau plus bas dû à la sécheresse estivale, connu 32 jours de sécheresse hivernale et le mois de mars n'a pas permis de récupérer le niveau des nappes », ajoutant que « certains départements n'ont pas quitté les restrictions depuis l'été dernier ». Un été durant lequel 700 communes ont été privées d'eau potable, 300 ont dû être alimentées avec des citernes, 200 avec des bouteilles d'eau minérale. Et de rappeler que, « cet été n'est pas exceptionnel compte tenu du dérèglement climatique ». Ainsi, « nous aurons entre 10 et 40% d'eau en moins dans les années qui viennent ».

Les assises de l'eau, lancées le 29 septembre dernier, ont donc abouti à un plan de 53 mesures présenté par Emmanuel Macron. « On doit d'abord préparer l'été prochain », a-t-il débuté. C'est le premier objectif détaillé par le président de la République. Celui-ci passe par « un plan d'urgence et de sobriété ». Il a ainsi rappelé que de premiers arrêtés avaient déjà été pris par les préfets et qu'une quinzaine de départements ont été placés en vigilance. Une dizaine sont d'ailleurs déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones avec des restrictions à l'œuvre pour les agriculteurs, les arrosages, etc...

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Un « Ecowatt de l'eau »

« Mais on doit tous aller beaucoup plus loin », a prévenu Emmanuel Macron, promettant, d'ici à début mai, un « Ecowatt de l'eau », similaire à celui en place pour l'électricité, « qui va permettre de responsabiliser chacun, car chaque geste compte ». « Dans chaque territoire, en fonction des ressources en eau disponible, on aura cet outil disponible pour que chaque Français, agriculteur, chef d'entreprise puisse connaître les gestes à adopter et voir l'évolution de la situation », a-t-il expliqué.

En plus, un « plan de sobriété » sera demandé à chaque secteur (énergie, industrie, tourisme, agriculture...), d'ici à l'été.

Soutenir les communes qui ont manqué d'eau potable l'été dernier

Enfin, le chef de l'Etat a annoncé des investissements pour accompagner les territoires les plus vulnérables, c'est-à-dire les 2.000 communes fragiles qui ont manqué d'eau potable l'été dernier. Dans ce but, 180 millions d'euros supplémentaires seront mobilisés.

Ils serviront également à aider les 170 points noirs, ces communes qui perdent plus de 50% de l'eau en raison de vétusté des lieux. « Une situation aberrante qu'on doit corriger en urgence », a-t-il commenté, indiquant que des travaux ont d'ores et déjà été entrepris pour sécuriser les 2000 communes en question.

10% d'économie d'eau dans tous les secteurs d'ici à 2030

Pour autant, « toutes les crises ne seront pas évitées dès cet été », a-t-il rappelé. Si des mesures sont prévues en prévision de l'été 2023, Emmanuel Macron veut voir plus loin, promettant que ce plan eau est « avant tout un plan de sobriété et d'efficacité pour l'eau dans la durée » et fixant un cap à 2030 pour faire 10% d'économie d'eau dans tous les secteurs. Et « certains sont à mobiliser tout particulièrement », a-t-il insisté, avant de détailler les 5 axes qui composent le plan.

A travers le premier, dédié à « la sobriété partout et dans la durée », l'exécutif entend d'une part investir pour réduire la consommation d'eau pour la production d'électricité, actuellement de 12%. « Sur le nucléaire, on doit adapter nos centrales au changement climatique pour fonctionner beaucoup plus en circuit fermé », a-t-il énoncé, dénonçant le fait que « les centrales utilisent l'eau et la rejettent ce qui a un effet sur la température et joue sur le niveau dans la durée ».

D'autre part, l'hydroélectricité. « Nous devons adapter le rythme de nos barrages aux enjeux du climat ». L'objectif : définir dans chaque territoire les règles les plus adaptées aux différents usages et au partage de l'eau. Vient ensuite l'industrie. Les ministres devront, en effet, réunir les 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de réduction d'eau.

Lutter contre les fuites et moderniser le réseau

Deuxième axe, lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux. Et pour cause, à l'échelle nationale, un litre sur cinq est perdu à cause des fuites, ce qui est « inacceptable », a fustigé Emmanuel Macron. Un chiffre qui grimpe à un litre sur deux dans certains territoires. Ainsi, les 180 millions d'euros mobilisés dans les communes en difficulté et ayant manqué d'eau potable l'été précédent, seront chaque année confirmés.

En outre, « nous allons aussi mobiliser la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations pour un grand plan sur nos infrastructures, car c'est le fruit de sous-investissements historiques », a promis le chef de l'Etat, annonçant, en parallèle, 35 millions d'euros supplémentaires d'investissement pour l'eau en outre-mer.

« Passer de 1% à 10% d'ici à 2030 d'eau usée retraitée et réutilisée »

Autre objectif mis en avant lors de la présentation du plan eau : la réutilisation des eaux usées, à commencer par les eaux de pluie. Emmanuel Macron a, ainsi, appelé le gouvernement à travailler avec les régions pour aider les particuliers à s'équiper pour récupérer les eaux de pluie.

Au-delà des eaux de pluie, il s'agit de récupérer les eaux usées pour qu'elles soient traitées et permettent de faire de grandes économies d'eau. Car, aujourd'hui, en France, moins de 1% de l'eau usée est retraitée pour être utilisée, a pointé le chef de l'Etat citant les résultats d'autres pays qui parviennent à 10%, 15% ou encore 20%.

« Notre ambition est de passer de 1% à 10% d'ici à 2030 d'eau usée retraitée et réutilisée », a donc annoncé Emmanuel Macron. En d'autres termes, « nous voulons réutiliser 300 millions de mètres cubes, soit trois piscines olympiques, par commune », précisant que 1.000 projets seront, en outre, lancés en cinq ans dans ce but. « Nous devons aussi faciliter et accélérer les procédures administratives et lever quelques verrous administratifs », a-t-il admis.

Le secteur agricole appelé à évoluer

Le quatrième axe concerne, lui, le monde agricole, très gourmand en eau pour sa production.

Détaillant trois piliers, Emmanuel Macron a annoncé que toutes les nouvelles installations agricoles seront adaptées au climat agricole de demain. « Pour cela, nous accompagnerons chaque jeune qui s'installe pour adapter son choix de production, son organisation, etc...en ce sens », a-t-il précisé.

Au total, 30 millions d'euros seront dégagés pour renforcer les économies d'eau, notamment avec le système de goutte-à-goutte. Au-delà des économies, il faut également des plans d'adaptation des filières et des territoires, a-t-il ajouté.

« Il faut que chaque territoire se demande : "est-ce que les filières d'aujourd'hui sont encore adaptées au climat de demain ?". Je crois en notre agriculture et en notre souveraineté alimentaire, mais il est évident que certains territoires devront se rapprocher d'autres schéma agricole, ou opérer une migration et réinventer des modèles agricoles dans d'autres territoires de notre République », a-t-il expliqué.

« Une tarification de l'eau progressive et responsabilisante »

Dernier point abordé par le chef de l'Etat et dernier axe du plan : la mise en place d'une « tarification progressive et responsabilisante ». S'il faut garantir à chacun des Français l'accès à une eau potable de qualité pour ses besoins essentiels, Emmanuel Macron s'est prononcé en faveur de cette tarification qui sera généralisée à toute la France.

Se voulant rassurant, il a affirmé que « ça ne veut pas dire que le prix de l'eau va augmenter ». Ainsi, si les premiers mètres cubes seront facturés à un tarif peu élevé, proche du prix coûtant, ce tarif va ensuite s'élever pour les mètres cubes suivant, qualifié par le chef de l'Etat de « consommation de confort ». A nouveau, l'objectif est « d'inciter à la sobriété », a-t-il conclu.

« Conforter le rôle des élus »

Ce plan a aussi été l'occasion pour Emmanuel Macron d'insister sur l'importance des régions pour mener à bien ce plan. « L'eau est une compétence décentralisée », a-t-il martelé, assurant que « l'esprit du plan est de conforter le rôle des élus ». Le chef de l'Etat a toutefois soulevé le problème « des communes isolées », invitant à un travail collectif à ce sujet « pour trouver les bonnes solutions ».

Pas d'effort « supplémentaire » pour les agriculteurs

L'agriculture, très consommatrice d'eau, n'aura pas à baisser ses prélèvements pour irriguer les cultures, a affirmé le ministre de l'Agriculture jeudi, devant le syndicat majoritaire FNSEA, à Angers, au moment où Emmanuel Macron présentait le plan eau dans les Alpes.

« Je suis heureux de l'arbitrage qu'on a, qui est un arbitrage de dire "stabilisation des prélèvements", donc on ne redemande pas un effort supplémentaire » aux agriculteurs, a déclaré Marc Fesneau au dernier jour du congrès de la fédération agricole majoritaire.

Avec le changement climatique, « sans doute on aura besoin de plus de surfaces à irriguer » donc, à prélèvements constants, il faudra consommer moins d'eau à l'hectare, a-t-il brièvement esquissé, mentionnant une forme de « sobriété à l'hectare ».

L'agriculture est la première activité consommatrice d'eau en France avec 58% du total, devant l'eau potable (26%), le refroidissement des centrales nucléaires (12%) et les usages industriels (4%). Selon un récent rapport sénatorial, « environ 20% des exploitations agricoles sont équipées d'un système d'irrigation (soit environ 75.000 irrigants)" et "60% des surfaces irriguées concernent des productions de maïs ».