Malgré la sécheresse, Eléphant Bleu ne veut pas fermer ses centres de lavage

Les centres de lavage auto Eléphant Bleu sont visés par des mesures administratives de restriction d'eau en période de sécheresse. Cet été, des fermetures contraintes pourraient être fatales à l'activité des franchisés.
Le lavage en station haute pression consomme 60 litres d'eau en moyenne, selon Eléphant Bleu.
Le lavage en station haute pression consomme 60 litres d'eau en moyenne, selon Eléphant Bleu. (Crédits : DR)

Le message n'est pas passé au ministère de la Transition écologique. Depuis deux ans, Yves Brouchet, directeur général du groupe Eléphant Bleu à Hoerdt (Bas-Rhin), a pourtant tenté de convaincre les autorités publiques de la mission d'intérêt général exercée par ses centres de lavage auto. « Quand les automobilistes lavent leur voiture dans nos centres, nous récoltons des boues polluées qui contiennent des hydrocarbures et des métaux lourds, et nous les recyclons. Si nous fermons, les gens laveront chez eux. Ils consommeront davantage d'eau et les polluants partiront dans la nature », sermonne Yves Brouchet, chiffres à l'appui.

Le dirigeant a effectué ses calculs. Quand il lave sa voiture dans un centre équipé de lances à haute pression, un automobiliste consomme en moyenne 60 litres d'eau. Pour un lavage en tunnel, la consommation atteint 120 litres. Elle s'élève à 340 litres d'eau en moyenne pour le lavage à domicile au tuyau d'arrosage, pratique interdite en théorie par le code de la santé publique et par le code de l'environnement. « Chaque centre de lavage renvoie 95 % de l'eau utilisée vers les stations d'épuration et collecte 16 kilogrammes de polluants par jour », précise Yves Brouchet.

Le lavage interdit par les préfets, comme le remplissage des piscines

Dans son "Guide de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l'eau en période de sécheresse" publié en 2021, le ministère de la Transition écologique détaille les arrêtés-cadres préfectoraux et les mesures à appliquer face aux sécheresses hydrologiques. En période d'alerte, d'alerte renforcée ou de crise, le lavage des véhicules dans des installations professionnelles est formellement interdit, classé au même titre que le remplissage des piscines parmi les « usages non prioritaires ».

En août 2022, lors du pic estival des mesures de restriction, 93 départements ont ainsi été touchés par de telles mesures. 69 % des sites Eléphant Bleu ont subi des fermetures administratives. Soit « une perte moyenne de 19.122 euros de chiffre d'affaires » pour chaque exploitant dans le réseau. L'Eléphant Bleu compte 450 centres de lavage, dont 400 sont exploités en franchise.

La même situation risque de se reproduire en 2023 : les premières interdictions sont déjà en vigueur dans le département des Pyrénées-Orientales, où la préfecture a adopté dès le 22 mars un plan de crise contre la sécheresse.

« On ne pourra pas mettre les salariés au chômage technique, parce qu'ils sont franchisés et donc gérants », prévient Yves Brouchet. Le réseau Eléphant Bleu, qui a réalisé 80 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022, voit se préciser des menaces de dépôts de bilan chez ses franchisés. « Si nos stations doivent fermer entre avril et octobre, ce sera la fin », regrette Yves Brouchet.

Des métaux lourds sur les jantes et sous les passages de roues

Co-leader en France avec le groupe Wash (ex-Total) sur le marché du lavage de voitures, Yves Brouchet prévoit de poursuivre sa campagne de lobbying, pourtant mal engagée. Il espère obtenir des assouplissements en s'adressant aux préfets. « Le ministère de la Transition écologique n'entend pas nos arguments. Il fait de l'autisme », accuse le dirigeant, qui est aussi élu dans la commission ad hoc de Mobilians, le syndicat patronal des métiers de l'automobile. « Quand une voiture n'est pas lavée régulièrement, la pollution ruisselle sur les routes. Un million de kilomètres de routes en France ne sont pas reliées aux réseaux d'assainissement. Sur les jantes, sous les passages de roues, on trouve des métaux lourds, du mercure, de l'arsenic, du cadmium, du plomb, du zinc. En interdisant le lavage, le ministère envoie ces micro-polluants dans la nature », insiste Yves Brouchet.

Pour le ministère de la Transition écologique, la solution consisterait à équiper chaque station de lavage d'une installation pour le recyclage de l'eau. « Nos exploitants ont déjà investi entre 130.000 euros et 300.000 euros en génie civil pour aménager des fosses de décantation, pour installer des filtres à hydrocarbures et se connecter aux réseaux. La mise en place du recyclage renchérirait ce prix de 30 %. Ce serait une absurdité économique parce que les points de consommation sur lesquels on met du recyclage doivent être des points de consommation importants », répond Yves Brouchet.

Le lobbying n'a pas porté ses fruits. « On casse un réseau qui capte une partie considérable des polluants générés par la mobilité. C'est incompréhensible », regrette Yves Brouchet. En 2023, les assureurs refusent déjà de couvrir les franchisés Eléphant Bleu contre les aléas du risque climatique.

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