
C'est une ordonnance qui est attendue avec impatience par les professionnels de l'assurance et du bâtiment et qui doit être publiée au plus tard le 22 février 2023. Prévue par la loi de décentralisation, de déconcentration, de différenciation et de simplification de l'action publique (« 3DS »), elle doit « améliorer la prise en charge des conséquences exceptionnellement graves sur le bâti et sur les conditions matérielles d'existence des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ».
La moitié des 19 millions de maisons individuelles est concernée
Autrement dit, il s'agit d'adapter le régime de catastrophe naturelle à ces spécificités. D'après le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), il existe en effet plus de 10,4 millions de maisons individuelles « potentiellement très exposées » au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, répartis sur 48% des sols métropolitains. Soit la moitié des 19 millions de maisons individuelles.
Toujours selon cet établissement public d'Etat, il demeure « une méconnaissance » des sinistrés et des acteurs locaux. Aussi, recommande-t-il de « considérer les impacts sociologique et psychologique ».
« 50% des dossiers pas pris en charge par les assureurs »
« Depuis 2017, les dossiers liés à la sécheresse sont supérieurs à 60% dans les cas de catastrophe naturelle. De 30% en 2018, nous sommes passés à 50% en 2019-2020, mais 50% des dossiers ne sont pas pris en charge par les assureurs », a pointé, le 14 décembre lors d'une audition, Jean-François Longeot, président (UDI) de la commission de l'aménagement et du développement durable du Sénat.
« D'après la Caisse centrale de réassurance, la facture s'élève à 285 milliards d'euros pour installer des équipements correcteurs, et ce, uniquement pour 3,8 millions de maisons », a appuyé sa collègue Nicolas Bonnefoy, vice-présidente (PS) de ladite commission.
Le coût de la sécheresse va tripler sur les trente prochaines années
Ce n'est pas près de s'arranger. Présent à cette table-ronde, le directeur général de France Assureurs, qui représente « 99% du marché », a rappelé que depuis la reconnaissance en 1989 de la sécheresse comme catastrophe naturelle, il y a près de 30.000 sinistres par an pour un total d'environ 16 milliards d'euros sur trente-trois ans.
En 2022, la facture devrait ainsi atteindre entre 1,9 et 2,8 milliards d'euros, contre 2,1 milliards d'euros en 2003, date de l'avant-dernière canicule historique. Pis, si le coût des sinistres climatiques va doubler dans les 30 prochaines années, il va tripler pour la sécheresse, a ajouté Franck Le Vallois.
Sauf que les arbitrages sur la prise en charge du retrait-gonflement de l'argile (RGA) n'ont pas encore été rendus par le cabinet de la Première ministre Elisabeth Borne, a expliqué le seul représentant de l'administration, Mayeul Tallon, chef du bureau marchés et produits d'assurances à la Direction générale du trésor à Bercy. Aussi, le DG de France Assureurs s'est-il opposé à « deux fausses bonnes idées » : sortir la sécheresse du régime de catastrophe naturelle et supprimer ledit arrêté de catastrophe naturelle. Au contraire, il plaide, notamment, pour « conditionner l'indemnisation à la réparation effective ».
« Ne croyez pas que le gouvernement est sourd à cette situation »
Dans le domaine des « fausses bonnes idées », Christophe Boucaux, délégué général du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment, a, lui, relevé celle qui consisterait à transférer le RGA dans la garantie décennale des constructeurs. D'autant que la loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan, 2018) prévoit, déjà, dans les zones identifiées comme à moyenne ou forte exposition, l'information du potentiel acquéreur du terrain non-bâti via une étude géotechnique préalable. Dans ce cadre, le maître d'ouvrage doit, à son tour, fournir une étude géotechnique de conception, avant d'en suivre les recommandations.
« Ne croyez pas que le gouvernement est sourd à cette situation », a ensuite martelé le chef du bureau marchés et produits d'assurances à la Direction générale du trésor à Bercy, Mayeul Tallon, qui a réaffirmé l'existence de propositions visant à indemniser « davantage » les sinistrés. Si aujourd'hui, ces derniers, comme tout assuré, s'acquittent d'une surprime à 12% de 25 euros, ils devront sans doute payer plus dans les cinq prochaines années.
C'est « inévitable » a souligné le haut-fonctionnaire s'inquiétant d'un régime de catastrophe naturelle qui pourrait devenir « insoutenable ».
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