Mais pourquoi l’État n'a-t-il pas mieux anticipé le désastre de l’ouragan Irma ?

Par Michel Cabirol  |   |  799  mots
Le ministère de l'Intérieur en charge de la protection civile aurait-il pu mieux anticipé les secours des populations antillaises touchées par l'ouragan Irma?
Alors qu'Emmanuel Macron est ce mardi à Saint-Martin et Saint-Barthélémy, des questions se posent sur la façon dont l’État a géré cette situation de crise inédite. L'Etat a-t-il bien anticipé les conséquences douloureuses de l'ouragan Irma?

Emmanuel Macron est attendu mardi matin dans les Antilles françaises, où il devra répondre aux critiques sur la gestion par les autorités de l'ouragan Irma, qui a dévasté les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Le chef de l'État doit se poser à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) à 05H45 locales (11H45 à Paris), puis gagner Saint-Martin et enfin Saint-Barthélemy, les deux îles meurtries où l'heure est désormais à la remise en état.

"L'investissement est complet et la reconstruction le sera, rassurez-vous", avait affirmé lundi Emmanuel Macron, qui fait le déplacement accompagné des ministres de l'Éducation et de la Santé. "La reconstruction doit sans attendre mobiliser toute notre énergie", a renchéri le Premier ministre Édouard Philippe, à l'issue de la première réunion à Matignon du comité interministériel pour la reconstruction des deux îles.

Le Premier ministre a une nouvelle fois dénoncé "ceux qui s'improvisent experts en gestion de crise (...) pour faire naître des polémiques", après les critiques de membres de l'opposition, certains réclamant une commission d'enquête parlementaire. Une proposition que le gouvernement "accepte volontiers", selon le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. "Pas une heure n'a été perdue (...) l'État a fait tout ce qu'il pouvait faire", certifie dans Le Parisien mardi le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot. Et pourtant...

Des questions, beaucoup de questions

Pourquoi dans le contexte de cette situation d'urgence prévisible quelques jours avant, dont on savait que ce serait nécessaire au vu des expériences précédentes, l'État n'a pas anticipé en prépositionnant au moins partiellement les moyens envoyés seulement après le passage d'Irma le 6 septembre? Pourquoi des moyen humains supplémentaires, des secouristes pour aider les populations de Saint Martin et Saint Barthélémy et des gendarmes pour lutter contre les pillages - n'étaient-ils pas prévisibles? -, n'ont-ils pas aussi été prépositionnés? Qu'a fait le ministère de l'Intérieur en charge de la protection civile pour mieux organiser par anticipation les secours des populations antillaises? En clair, l'État n'a pas très bien anticipé ou sous-estimé l'impact du passage d'Irma même si son intensité es inédite. L'État a surtout réagi, massivement mais avec retard.

Heureusement, les forces armées positionnées dans les Antilles ont pu réagir rapidement sous la direction opérationnelle du préfet de la Guadeloupe. Dans un premier temps, dès le 4 septembre, deux frégates de surveillance, équipées chacune d'un hélicoptère, deux avions de reconnaissance Falcon, un avion de transport tactique CASA ont été mis en alerte sur zone. Deux hélicoptères de manœuvre Puma venus de Guyane, ainsi qu'une centaine de militaires du 33e régiment d'infanterie de marine de la Martinique ont été mis rapidement à la disposition des opérations de secours. Quelques 40.000 rations de combats ont également été acheminées.

Des moyens envoyés en retard?

C'est après le passage d'Irma que des actions supplémentaires ont été décidées avec l'envoi depuis la métropole d'un A340 puis d'un A400M qui a décollé samedi 9 septembre, avec à son bord notamment un hélicoptère Puma supplémentaire. Un A310 et un second A400M sont arrivés dimanche avec des renforts en militaires et leurs équipements. Un deuxième avion CASA rejoindra également la zone ce mardi. Le BPC Tonnerre (Bâtiment de projection et de commandement) est en mesure d'appareiller dès ce mardi de Toulon.

Le Tonnerre apportera notamment quatre hélicoptères supplémentaires (2 NH90 Caïman et 2 Puma) et des moyens lourds du Génie pour participer aux travaux de reconstruction, du matériel et des véhicules de la sécurité civile et de la gendarmerie ainsi que 1.000 tonnes de fret et de vivres. Doté d'engins de débarquement permettant de s'affranchir des facilités portuaires endommagées, le BPC offre les capacités d'un véritable hôpital flottant, avec des équipes médicales expérimentées, deux blocs opératoires et plus de 70 lits médicalisés. Pourquoi ces équipements lourds n'ont-ils pas été envoyés avant le passage de l'ouragan...

Enfin, afin de protéger les populations des pillards, un état-major et trois compagnies ont été déployés à Saint-Martin : 100 hommes du 33e régiment d'infanterie de marine (Martinique), 150 hommes du 3e régiment d'infanterie étrangère (Légion étrangère, Guyane), et 165 hommes du 3e régiment parachutistes d'infanterie de marine (Carcassonne). Ces militaires, en lien avec les forces de sécurité intérieure, ont pour mission de patrouiller et de participer à la sécurisation des sites sensibles, des convois logistiques et bien sûr des populations face aux éventuelles exactions ou tentatives de pillage.