Pouvoir d'achat : baisser la TVA est « toujours une solution de facilité relativement inefficace », rappelle Pierre Moscovici

Par latribune.fr  |   |  521  mots
En baissant la TVA, impossible de cibler les plus vulnérables, ou encore de mesurer les effets sur les prix, juge le CPO dans un rapport. (Crédits : Francois Lenoir)
Comment faire pour que les impôts ne deviennent pas la double peine - en pleine inflation - pour les ménages en France, pays champion mondial des prélèvements obligatoires ? La question refait surface dans le contexte de la flambée des prix. Mais la taxe sur la valeur ajoutée est un dispositif qu'il serait coûteux de retoucher et dont l'allègement ne ferait pas nécessairement chuter les prix.

Le sujet est un serpent de mer qui revient régulièrement, à chaque période d'inflation. Faut-il baisser (voir supprimer la TVA, un impôt inventé en France) pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages ? L'idée avait par exemple été avancée par Marine Le Pen, alors candidate à l'élection présidentielle, sur les produits alimentaires, particulièrement frappés par la hausse des prix. Mais une nouvelle fois, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a jugé jeudi inefficace une telle mesure.

Baisser cet impôt direct, imputé à chaque achat pour le consommateur, est tentant, dans un contexte où l'inflation a atteint +5,2% en 2022, un plus haut depuis le milieu des années 1980.

Mais en matière de produits alimentaires, le CPO affirme qu'une baisse de la TVA est « moins efficace pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages modestes que des transferts monétaires ». Autrement dit, avec cette mesure, impossible de cibler les plus vulnérables, ou encore de mesurer les effets sur les prix, juge le CPO dans un rapport.

Le coût pour l'Etat

L'organe rattaché à la Cour des comptes plaide au contraire pour un recentrage de cet impôt sur son objectif premier de rendement pour les finances publiques, alors que ce sont multipliées les affectations fléchées et les dérogations (restauration, travaux de réhabilitation...)

De même, diminuer la TVA pour relancer l'économie française aurait « des effets limités pour un coût élevé », souligne-t-il.

Concernant la hausse des prix de l'énergie, alors que d'autres pays européens ont choisi de réduire la TVA, le « chèque énergie » distribué en France aux ménages sous conditions de revenus ou le « bouclier tarifaire » plafonnant en France les tarifs de l'électricité et du gaz apparaissent également au CPO comme plus efficaces.

Comme outil de politique économique, « il n'y a pas de domaine dans lequel (la TVA) soit le meilleur outil disponible », a résumé Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et président du CPO.

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Le rendement de la TVA est « menacé »

« C'est toujours une solution de facilité qui est relativement inefficace », a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.

Impôt sur la consommation inventé par la France dans l'après-guerre et adopté presque partout dans le monde, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affichait un rendement de 186 milliards d'euros en 2021.

Mais le budget de l'Etat n'a perçu que 51% des recettes en 2021 (contre 93% en 2015), la TVA étant aussi affectée aux collectivités territoriales et aux organismes de protection sociale notamment.

Le rendement de la TVA est par ailleurs « menacé », selon le CPO, par le développement de la fraude et la multiplication des taux réduits. Ces dérogations représentent un manque à gagner d'au moins 47 milliards d'euros et sont « très difficiles à remettre en cause, même lorsque leur efficacité paraît limitée », note le CPO.

(Avec AFP)

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