Près d'un tiers des entreprises asphyxiées par des retards de paiement

Par Grégoire Normand  |   |  691  mots
Près de 35% des entreprises ont subi un retard de paiement selon un récent bulletin de la Banque de France entre 2014-2017. Si le risque de défaillance existe, l'étude indique que "seules 8 entreprises défaillantes sur 100 sont potentiellement exposées a ce risque, dont les trois quarts à cause de retards supérieurs à 30 jours".

Les retards de paiement sont loin d'être un épiphénomène. Selon un bulletin de la Banque de France rendu public ce vendredi 21 février, 34,7% des entreprises implantées en France ont subi de tels désagréments sur la période 2014-2017. Ces retards peuvent entraîner de sérieuses difficultés de trésorerie pour les dirigeants et accroître les risques de défaillance si ces délais dépassent un certain seuil. Face à tous ces aléas, la loi de modernisation économique de 2008 a instauré un plafond légal fixé à 60 jours. Malgré un renforcement de l'arsenal législatif, les retards ont loin d'avoir disparu. Dans une récente note, le centre de réflexion Terra nova parle même d'une véritable "culture" du retard de paiement.

"Les entreprises victimes de ces retards se trouvent souvent dans l'incapacité d'agir pour préserver la relation commerciale qu'elles entretiennent avec leurs clients, et ce particulièrement lorsque le rapport de force de marché joue en leur défaveur. Les acteurs à l'origine des retards de paiement, majoritairement les grandes entreprises et les acheteurs publics (collectivités locales, hôpitaux, etc.), doivent intégrer les bénéfices globaux que pourraient engendrer des pratiques plus rigoureuses en la matière".

Des résultats en amélioration

Les chiffres communiqués par la banque centrale dans cet article intitulé "Les retards de paiement des clients impactent-ils la probabilité de défaillance des entreprises ? indiquent que la proportion d'entreprises ayant connu ce type de déboire a tendance a baissé sur la période s'étalant entre 2004 et 2017. Sur la période 2004-2008, la part des établissements ayant enregistré un retard supérieur à 90 jours s'élevait à 20,5% contre 15,6% sur la période 2009-2013 et 14,5% sur la période 2014-2017. La part des entreprises ayant connu des retards compris entre 60 et 90 jours a également reculé. À l'opposé, les entreprises à connaître des délais de paiement inférieurs à 60 jours augmente pour passer de 57,1% sur la période 2004-2008 à 65% sur l'intervalle 2014-2017.

Les retards fragilisent les entreprises

Sans surprise, les travaux de la Banque de France montrent que l'allongement des délais de paiement augmente sérieusement les risques de défaillances. Au delà du seuil de 60 jours, le risque pour une entreprise de mettre la clef sous la porte augmente significativement.

"Les retards de paiement clients créent donc un risque d'accroissement de la probabilité de défaillance de près de 25% en moyenne par rapport à la probabilité de défaillance  des entreprises dont les délais clients sont sous le plafond légal de 60 jours" notent les auteurs de l'étude.

Et aucune catégorie de firme n'est épargnée. Elles peuvent aussi bien concerner les jeunes sociétés ayant moins de 5 ans comme les sociétés bien implantées ayant plus de 25 ans. En cas de retard, le taux de défaillance peut néanmoins diminuer en fonction de la taille.

Un impact à relativiser

L'autre résultat intéressant de cet article est qu'il montre que ces retards sont loin d'être le premier facteur de défaillance des entreprises tricolores. Selon les modélisations opérées dans l'étude, une dégradation des structures financières de l'entreprise accroît amplement les risques de défaillance. En outre, la longueur des délais peut varier en fonction de facteurs sectoriels spécifiques. La position d'une entreprise dans une chaîne de production/commercialisation peut évidemment jouer sur les délais de paiement. "Les délais diminuent de l'amont vers l'aval" rappelle le bulletin. Enfin, les stratégies commerciales adoptées par les entreprises peuvent avoir des répercussions sur les délais de paiement des clients.

"Les différences tiennent dans ce cas à l'utilisation de délais clients plus longs notamment pour favoriser la croissance des ventes, partager le risque associé à l'incertitude de la demande et prendre en charge le coût du stockage des produits. L'allongement des délais clients permet aussi de fournir des liquidités aux clients si ces derniers rencontrent des problèmes de trésorerie ou d'accès au crédit"signale l'organisme bancaire.