Présidentielle 2017 : Bruno Le Maire s'attaque au logement social

Par Mathias Thépot  |   |  939  mots
Bruno Le Maire compte faire voler en éclat la loi SRU qui structure le marché du logement social en France.
Candidat à la primaire de droite et du centre, Bruno le Maire souhaite démonter le système du logement social actuel et faire de la France un pays de propriétaires.

Réduire fortement le champ d'action du logement social et faire de la France un pays de propriétaires... Les 21 pages du programme présidentiel de Bruno Le Maire dédiées au logement sont politiquement très ancrées à droite. Il faut dire que l'exercice de la primaire de la droite et du centre s'y prête très bien. Le candidat Le Maire n'hésite ainsi pas à s'attaquer à « l'invasion du social » en matière de logement et propose de détricoter le système actuel en mettant « fin à la préférence pour le logement social » qui serait selon lui responsable de la crise du logement en France. Son postulat de base est le suivant : le secteur du logement social nuit à la production de logements du secteur privé pour les classes moyennes car il est coûteux et bloque le marché.

Détricoter la loi SRU

Pour remédier aux problèmes qu'il a identifiés, Bruno Le Maire compte ainsi en premier lieu « libérer les maires des contraintes contre-productives de la loi SRU qui les obligent à construire 20 % ou 25 % de HLM, même là où c'est totalement inutile ». L'ancien ministre de l'Agriculture souhaite recentrer les aides de l'Etat vers les plus démunis, c'est-à-dire les logements très sociaux. Aujourd'hui, dans les 25 % de logement sociaux exigés à chaque commune, trois types de logements sociaux définis par les plafonds de ressources des locataires sont éligibles : ceux que l'on pourrait définir comme destinés aux classes les plus défavorisées (PLAI), ceux pour les classes modestes (PLUS), et ceux pour la partie basse des classes moyennes (PLS).

Bruno le Maire souhaite en fait restreindre les aides de l'Etat à la construction de logements sociaux pour « les 20 % des français les plus défavorisés » qu'il relie à la catégorie de logements sociaux dits PLAI. « En France, le social a tué la solidarité. La solidarité doit prendre la place du social », estime Bruno Le Maire.

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Avantages fiscaux pour les bailleurs privés

Concrètement, si Bruno Le Maire est élu, ne seront plus subventionnés les logements destinés à des ménages dont les plafonds de ressources - revenus fiscaux de référence - sont supérieurs, pour prendre l'exemple d'une personne vivant seule, à 12.725 euros en Île-de-France et 11.060 euros en province. Jusqu'ici, l'État subventionne encore en partie les logements dits PLUS dont les plafonds de ressources s'établissent entre 12.725 euros et 23.132 euros en Île-de-France, et entre 11.060 euros et 20.111 euros dans le reste de la France.

Si Bruno Le Maire l'emporte, ces ménages devront donc à l'avenir se loger dans le secteur privé, qui leur mettra toutefois à disposition des logements à loyers intermédiaires, avec des avantages fiscaux à la clé pour les bailleurs particuliers et institutionnels qui louent. Bruno Le Maire a donc une vision très minimaliste de l'intervention de l'Etat dans le secteur du logement qui serait, s'il était élu, réservée uniquement aux plus démunis. Sans surprise, ces propositions de Bruno Le Maire ont eu le don d'énerver la ministre du Logement Emmanuelle Cosse qui a indiqué sur tweeter que le « renouveau » proposé par le candidat à la Primaire de droite en matière de logement sentait « la naphtaline ».

Une France de propriétaires...

Bruno Le Maire rêve donc de moins de locataires dans le parc social... mais surtout de (beaucoup) plus de propriétaires. Un thème cher à la droite. On se souvient des dernières campagnes présidentielles de Nicolas Sarkozy qui disait vouloir faire de la France un pays de propriétaires. Et comme beaucoup de candidat à cette primaire, Bruno Le Maire reprend à son compte cette vision du marché du logement. Il compte par ce biais privilégier le « logement pour chacun, en particulier pour la classe moyenne ». La propriété privée étant selon lui, « le fondement de notre société ».

Bruno Le Maire propose ainsi d'utiliser les fonds d'épargne du la Caisse des dépôts - qui centralisent les deux tiers des encours du livret A - non plus pour financer ou garantir le logement social, mais pour soutenir les nouveaux accédants à la propriété. Ainsi « chacun pourra plus aisément acquérir son propre logement ou investir pour loger ses concitoyens en vue, par exemple, de préparer sa retraite », note le candidat.

... gage de stabilité ?

Du reste, Bruno Le Maire fait globalement fi de la demande des locataires, pourtant bien présente en France, même si la culture de la propriété domine. Cette obsession du « tous propriétaires » est en fait un vieux biais idéologique. Elle prend ses racines dans la propriété privée, un socle qui garantirait les libertés individuelles, en opposition à la propriété collective, une vision socialiste, mais qui n'est, il faut l'avouer au regard des propositions du PS, plus d'actualité en France.

La droite se trompe donc peut-être de débat. D'autant que rien ne dit que forger un pays de propriétaires soit gage de stabilité et de pérennité économique, bien au contraire. Bruno Le Maire a par exemple oublié dans son programme de noter qu'en Europe, l'Allemagne, le Danemark, les Pays Bas, l'Autriche et même désormais le Royaume-Uni sont des pays qui possèdent des taux de propriétaires inférieurs ou égaux à celui de la France, selon Eurostat. Alors que l'on retrouve les taux de propriétaires les plus élevés dans les anciens pays du bloc de l'est et dans les pays du sud de la zone euro...