Projet de loi Travail : l'opération déminage peut-elle réussir ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  780  mots
Manuel Valls, Myriam El Khomri et Emmanuel Macron profitent des deux semaines qui restent avant l'examen en conseil des ministres du projet de loi travail pour tenter de déminer le terrain ... Ce n'est pas gagné
Entretiens dans les médias, consultation des partenaires sociaux, rencontre avec les députés socialistes... Le Premier ministre est à la manœuvre pour tenter de déminer le terrain du très contesté projet de loi sur le travail. L'importance des modifications apportées au texte va dépendre du succès des premières manifestations attendues le 9 mars.

L'opération déminage a commencé mais va t-elle réussir ? Après avoir décidé de reporter de deux semaines - du 9 au 24 mars - la présentation en conseil des ministres du projet de loi réformant le code du Travail, le Premier ministre multiplie les initiatives pour tenter de faire baisser la pression. Dans un entretien au Journal du Dimanche  du 6 mars, Manuel Valls s'est dit d'accord pour apporter des "améliorations" au texte... Puis ce lundi , Le premier ministre  accompagné par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, et le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, débutent  une série de consultations bilatérales avec l'ensemble des organisation patronales et syndicales. Le but de ces rencontres est bien sûr d'écouter les doléances syndicales... alors que les organisations patronales vont demander aux ministres de ne pas dénaturer un texte qui, globalement, leur convient.

Casser le fragile front syndical et amadouer la CFDT

Mais, surtout, l'objectif de Manuel Valls est de parvenir à casser le front syndical d'ailleurs très fragile. Si, la CGT, FO ou encore Solidaires souhaitent un retrait pur et simple du texte, au contraire, le camp des réformistes (CFTC, CFDT, CFE-CGC) est prêt au dialogue si le projet de loi est amendé. « Je ne négocie pas un plat de lentilles, on veut le repas complet », a ainsi lancé à son arrivée Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière. Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, n'est pas sur cette longueur d'ondes. Lui demande des aménagements sur au minimum deux points: le plafonnement des indemnités prud'homales et la définition du licenciement économique. Or, c'est justement sur ces questions que Manuel Valls à évoqué des "améliorations". Ainsi, selon des sources syndicales, le gouvernement devrait bouger sur le plafond maximal de quinze mois de salaire (pour un salarié ayant 20 ans d'ancienneté) des indemnités prud'homales, tel qu'il est fixé actuellement par l'avant projet de loi. In fine, ce plafond pourrait être relevé à 20, voire 27 mois de salaire... Un montant d'ailleurs prévu dans le projet initial de plafonnement des indemnités prud'homales, issu de la loi Macron de 'été 2015, mais censuré par le Conseil constitutionnel.

Toujours pour donner l'impression de lâcher un peu de lest et pour "séduire" la CFDT, le Premier ministre pourrait revoir la définition du licenciement économique telle qu'elle est prévue par l'avant projet de loi. Le nombre des trimestres avec perte de chiffre d'affaires, pour justifier un licenciement économique, pourrait ainsi être revu à la hausse.

Mais, au-delà de la CFDT,  il en faudra beaucoup plus pour calmer la hargne syndicale. Il faudrait aussi que le gouvernement bouge sur les autres points litigieux: referendum d'entreprise, "contournement" des 35 heures, etc. Or, Manuel Valls a bien précisé qu'il n'y aurait pas de "statu quo", donc les éventuelles évolutions se feront à la marge.

Des manifestations surveillées de très près

Sauf si... François Hollande prend peur en cas de succès de la journée de mobilisation du 9 mars contre le projet de loi, lancée a l'appel essentiellement des organisations de jeunesse (Unef en tête) de la CGT et de FO. Depuis le drame de la mort de Malik Oussekine, le 6 décembre 1986 après une manifestation étudiante contre un projet de réforme universitaire, tous les présidents de la République  craignent les dérapages lors des manifestations de jeunes. Il faudra donc attendre de voir si le mouvement "'prend" le 9 mars, avant de savoir jusqu'où le gouvernement sera prêt à mander le texte.

Mais il n'y a pas que le terrain syndical et "la rue" qui auront une influence. Il y a aussi... le Parti Socialiste. Et là aussi i faut déminer

Opération séduction auprès du PS

Ainsi, fait assez rare, Myriam El Khomri va se présenter ce lundi soir devant le bureau national du PS pour défendre son texte... Ce n'est pas gagné. Puis, les députés socialistes se réuniront les 8 et 14 mars "en séminaire" avec les ministres concernés pour plancher sur le projet de loi. A cet égard, il n'est pas impossible qu'une commission spéciale soit créée à l'Assemblée nationale pour discuter du projet de loi afin d'éviter de passer par la commission des affaires sociales considérée par le gouvernement comme un repère" de frondeurs".

L'opération déminage a donc bien commencé mais, son ampleur dépendra tant des mouvements dans la rue  - la "sauce" va t-elle pendre? - que de l'attitude des députés socialistes