Quels sont les sacrifices que les Français ont fait depuis la crise ?

Par Fabien Piliu  |   |  866  mots
Malgré la crise, les ménages ont continué à consommer. Mais moins qu'avant.
Dans sa nouvelle édition de l'Economie française, l'Insee dresse un tableau détaillé du paysage économique et social. L'institut fait un point sur le comportement des consommateurs depuis la crise. Certaines dépenses ont été sacrifiées.

Au cours de la première décennie des années 2000, les dépenses de consommation faisaient figure de pilier de la croissance. La crise financière qui a secoué l'économie française et la quasi-totalité des économies des pays industrialisés en 2008-2009, a-t-elle changé la donne ? Pas vraiment. L'investissement et le commerce extérieur étant en berne, ou presque, la consommation des ménages est encore et toujours le principal moteur de la croissance tricolore.

Seule différence, elle ne progresse pas au même rythme. Quand elle affichait une progression comprise entre 2% et 3% en moyenne de 1998 à 2008, la consommation augmente désormais à un rythme bien plus limité. Selon l'Insee, elle n'a progressé que de 0,3% en 2013 et de 0,6% en 2014.

Le rôle des stabilisateurs économiques

Comment expliquer cette relative résistance de la consommation des ménages ? En dépit de la chute de l'activité, le pouvoir d'achat des ménages n'a cessé de progresser depuis 2008. Il a en effet été stimulé par l'augmentation des transferts sociaux, la diminution automatique des impôts provoquée par la baisse des revenus - les stabilisateurs automatiques - et la faiblesse de l'inflation. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a augmenté de 2,2% en 2009, l'année la plus sombre de l'économie française depuis 1945. Cette année-là, le PIB a chuté de 2,2% en France.

Bien souvent incompressible, le poste Logement n'a pas été touché. Au contraire, les dépenses nécessaires pour se loger ont augmenté, marquées par la hausse des prix des loyers et de l'énergie. Les dépenses alimentaires, et c'est heureux, ont également été peu affectées par la crise et le ralentissement du pouvoir d'achat. Elles progressent simplement à un rythme plus modéré. les dépenses des ménages. Elles ont augmenté de 0,4 % en volume en moyenne par an entre 2007 et 2014, après avoir progressé de 0,6 % en moyenne entre 2000 et 2007.

Beaucoup de dépenses ont été reportées

Si ces deux postes de dépenses n'ont pas été touchés par la crise, dans quelle dépenses les Français ont-ils donc coupé ? Toutes les dépenses qui ne sont pas indispensables et urgentes, et qui peuvent donc être reportées. C'est notamment le cas des achats des biens durables - les automobiles, les meubles - ou semi-durables, comme les textiles et l'habillement.

Précisément, la consommation des ménages en transports a diminué de 1,3% en moyenne et par an, pénalisée par le recul des achats de véhicules (- 2,7 % par an) et des dépenses d'utilisation (- 1,6 %). " Facilement reportables, notamment pour les achats de véhicules, ces postes pâtissent aussi du renchérissement du prix des carburants et des services d'entretien et réparations ", précise l'Institut. L'instauration du bonus/malus écologique en janvier 2008 et la mise en œuvre d'un mécanisme de prime à la casse entre décembre 2008 et décembre 2011 a-t-il permis de relancer les ventes ? Selon l'Insee, ces dispositifs n'ont stimulé " que transitoirement " le marché. Quant à la consommation des ménages en articles d'habillement et chaussures, elle a diminué de 1% par an et moyenne depuis 2008, en dépit de la mise en place des soldes flottantes en 2008 et des innovations technologiques.

Les Français ont également restreint la consommation de certains services. Ainsi, depuis 2008, la consommation des ménages en communication, loisirs et culture a progressé de 1,2 % par an en volume, alors qu'elle augmentait à un rythme annuel supérieur à 5 % en volume durant les années 2000. " Ses prix chutant, la part dans le budget des ménages atteint 14,7 % en 2014, soit son plus bas niveau depuis 1998. Ces évolutions reflètent d'abord celles des produits de l'économie de l'information, qui, en plus des effets de la crise, pâtissent d'un fort taux d'équipement des ménages. Les innovations technologiques et les prix en nette baisse ne parviennent pas à redynamiser globalement cette consommation. Toutefois, les téléphones mobiles et les services de télécommunications soutiennent la dépense en produits de l'économie de l'information ", détaille l'Insee qui constate également une contraction des dépenses en produits d'édition, " en raison notamment de la diffusion de l'information via des journaux gratuits et internet ". Quant aux autres dépenses dites de loisirs et de culture (hôtels, cafés, restaurants, voyages, jeux de hasard,...), elles sont stables, voire se contractent.

Les dépenses de santé sont épargnées

Les Français ont-ils également taillé dans leurs dépenses de santé ? Pour l'instant, l'Etat providence joue toujours son rôle. " Les dépenses bénéficiant d'une importante prise en charge publique (dépenses de santé et d'action sociale) ont une place à part. Elles ne sont pas en effet directement affectées par le ralentissement du pouvoir d'achat du revenu. Mais, face au ralentissement des ressources disponibles pour les financer, des mesures sont prises par les pouvoirs publics pour en limiter la croissance ", constate l'Insee. Résultat, la consommation effective en biens et services de santé, dont les trois quarts sont pris en charge par les administrations publiques, ralentit en valeur, mais continue de croître significativement en volume au même rythme qu'entre 1994 et 2007 (+ 2,8 % par an après + 2,9 %).