Quels problèmes pose réellement Airbnb  ?

Par Mathias Thépot  |   |  796  mots
Les professionnels de l’hôtellerie sont vent debout contre le traitement fiscal d'Airbnb.
La plateforme de locations de courte durée Airbnb cause des maux de tête à la quasi-totalité des grandes métropoles occidentales. Elles craignent que certains de leurs quartiers se vident de leurs locataires.

Le développement exponentiel des plateformes de type Airbnb accentue chaque jour la pression sur le politique. Dans la plupart des grandes villes occidentales, ces plateformes de location de courte durée ont complètement révolutionné les usages en matière de tourisme. Les voyageurs du monde entier ont désormais le choix entre d'une part louer un appartement ou une chambre chez l'habitant par le biais d'Airbnb et de ses concurrents, et d'autre part payer une chambre d'hôtel. La mode Airbnb fait ainsi émerger de nouveaux loueurs et de nouveaux touristes. Elle a donc élargi le marché de la location de courte durée. Toutefois, un tel développement s'accompagne de nombreuses dérives. Certains utilisateurs de ces plateformes s'improvisent en effet professionnels de l'hôtellerie ou de l'immobilier, sans être soumis aux réglementations sectorielles. Ce qui peut créer des distorsions de concurrence.

Eviter la « colonisation » des centre-villes par Airbnb

Mais au-delà des plaintes des lobbys hôtelier et immobilier, la principale préoccupation des grandes villes internationales reste la « colonisation » de leurs quartiers par Airbnb et ses concurrents. En effet, pour un bailleur, louer sur une courte durée à des touristes peut être beaucoup plus rentable que de louer sur le long terme à un résident local. « Quand Airbnb devient un marché juteux pour des propriétaires qui agissent en professionnels sur le marché de la location saisonnière, cela réduit l'offre de logements d'habitation, fait monter les prix du mètre carré, et transforme complètement la vie des quartiers », déplorait récemment Anne Hidalgo à La Tribune. Dans les quartiers les plus prisés, le risque de voir des « villes musées » se former est grand. Les maires des grandes villes en sont bien conscients. « Nous ne voulons pas que Paris devienne comme Venise », expliquait par exemple Anne Hidalgo.

Cadre réglementaire

Les politiques tentent donc progressivement d'instaurer un cadre réglementaire pour éviter qu'Airbnb dissimule des activités professionnelles sur son site. Après New-York, San Francisco, Berlin ou Barcelone, Londres vient par exemple de négocier avec Airbnb pour qu'elle applique strictement, à partir du printemps 2017, une limite de 90 jours par an à la durée de location des logements par ses membres.

De même, à Amsterdam, Airbnb va rendre impossible la location d'un appartement pendant plus de 60 jours par an. En France, la loi limite ce délai à 120 jours. On y est donc beaucoup moins coercitif qu'ailleurs. Les enjeux pour le secteur du tourisme, durement affecté par les attentats, sont, il faut dire, majeurs. De 85 millions de visiteurs en 2015, l'objectif du gouvernement est d'atteindre 100 millions de touristes en 2020.

Mais la France reste tout de même très active dans la lutte contre les dérives des plateformes de locations de courte durée, sur le terrain fiscal notamment. Comme la plupart des géants de l'économie numérique, Airbnb voue en effet une aversion totale à l'impôt et pratique l'évasion fiscale à grande échelle. Elle paie pour l'instant un impôt ridicule sur le bénéfice au regard de sa croissance exponentielle et de ses faibles coûts. Certes Airbnb s'acquitte de la taxe de séjour - la mairie de Paris a récolté 5,5 millions d'euros sur 12 mois grâce à cette taxe - mais cela reste peu au regard de l'ampleur de l'activité des plateformes touristiques. La mairie de Paris souhaiterait d'ailleurs augmenter le montant de cette taxe en 2017.

Équité fiscale

Surtout, le modèle Airbnb pose un problème en matière d'équité fiscale, puisque les revenus des particuliers louant sur cette plateforme ne seront pas soumis aux cotisations sociales en dessous de 23.000 euros par an, si la loi de finances était votée en l'état. Ce qui a le don d'agacer l'association pour l'hébergement et un tourisme professionnels (Ahtop), un lobby hôtelier. L'Ahtop estime que ce niveau de plafond est beaucoup trop élevé puisque cela correspond à un revenu de près de 2.000 euros par mois pour un utilisateur, c'est à dire beaucoup plus qu'un simple complément de revenu.

Par ailleurs, si les revenus générés par le biais d'Airbnb sont assujettis à l'impôt sur le revenu dès le premier euros, tous les utilisateurs de la plateforme ne le savent pas, même si Airbnb a depuis peu l'obligation de les informer. Plus globalement, Airbnb entretient une grande opacité sur l'identité de ses utilisateurs. Mais la situation pourrait dans ce cadre changer : les députés ont adopté en commission un amendement au projet de loi de finances rectificative 2016 pour obliger les plateformes en ligne à une déclaration automatique au fisc des revenus de leurs utilisateurs. De quoi, peut-être, en finir avec le manque de transparence parfois troublant chez ce type de plateforme.