Réforme de l'apprentissage : le gouvernement annonce la couleur

Par latribune.fr  |   |  1097  mots
Les régions perdent donc la main sur les 51% de la taxe d'apprentissage qui leur était reversés pour financer le secteur. (Crédits : Vincent Kessler)
Avec le premier volet "apprentissage" de son tiercé de réformes (avec la formation professionnelle et l'assurance chômage), le gouvernement entend s'attaquer au chômage des 15-24 ans. Retour sur ce que prévoit cette modification.

Le gouvernement a présenté vendredi sa réforme de l'apprentissage, prochain chantier social du quinquennat d'Emmanuel Macron avec ceux de la formation professionnelle et de l'assurance chômage.

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Le Premier ministre veut faire de cette nouvelle voie de formation un levier pour endiguer le taux de chômage des jeunes, d'environ 22% en France pour les 15-24 ans.

"L'ambition c'est (...) de transformer le dispositif actuel d'organisation et de fonctionnement de l'apprentissage pour en faire un élément clé, la meilleure des solutions peut-être pour lutter contre le chômage des plus jeunes", a dit Edouard Philippe.

Pour cela, il souhaite engager une "révolution copernicienne", avec la volonté de remettre les entreprises au cœur du dispositif de financement et de gestion.

On passerait d'une logique dite "administrée" dans laquelle les centres de formation d'apprentis (CFA) se finançaient en grande partie auprès des régions à une logique dite de marché.

Les régions perdent la main sur la taxe d'apprentissage

Le financement se fera ainsi au nombre de contrats signés. Les branches professionnelles détermineront le "coût contrat" de chaque diplôme ou titre professionnel. Les partenaires sociaux "co-écriront" les diplômes professionnels de l'Etat pour correspondre davantage aux besoins en compétences des entreprises.

Les régions perdent donc la main sur les 51% de la taxe d'apprentissage qui leur était reversés pour financer le secteur.

Elles disposeront toutefois encore d'une capacité de subvention de 250 millions d'euros par an auprès des CFA pour tenir compte des spécificités de l'aménagement du territoire, ainsi que d'une dotation de 180 millions d'euros par an pour investir dans la création de nouveaux CFA ou procéder à des rénovations importantes.

Modifications de l'âge, de la rémunération et des aides à l'embauche

Le gouvernement a également souhaité lever certains freins à l'apprentissage. Cette formation sera dorénavant ouverte aux jeunes jusqu'à 30, et non plus 26 ans aujourd'hui. Elle sera accessible tout au long de l'année et non plus seulement pendant les quatre derniers mois de l'année, selon le cycle scolaire.

Les apprentis de 16 à 20 ans verront leur rémunération augmenter de 30 euros par mois. Tous ceux de plus de 18 ans bénéficieront d'une aide de 500 euros pour passer leur permis de conduire. Les indicateurs de performance - taux d'insertion dans l'emploi, de succès au diplôme, de poursuite d'études de chaque CFA et de chaque lycée professionnel - seront également rendus publics.

Les aides à l'embauche seront unifiées et ciblées sur les TPE et PME et les niveaux bac et prébac. Cette aide, supérieure à 6.000 euros pour deux ans, sera payée par l'État et distribuée par les régions, qui pourront l'abonder si elles le souhaitent.

Certification et passage devant les prud'hommes

Point sensible avec certains syndicats, le passage obligatoire et préalable devant les prud'hommes pour rompre le contrat d'apprentissage après 45 jours sera supprimé.

Une certification de maître d'apprentissage sera finalement créée. Elle sera accessible par la formation professionnelle ou la reconnaissance des acquis de l'expérience. Le rapport de synthèse sur la concertation de l'apprentissage de France Stratégie, allait cependant plus loin en recommandant de leur verser une indemnisation minimale.

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L'apprentissage en chiffres

  • 8,2 milliards d'euros

L'apprentissage représente un coût de 8,2 milliards d'euros par an, selon le rapport de France Stratégie. Il est financé, entre autres, par l'Etat (2 milliards), les entreprises (3,8 milliards) et les régions (1,8 milliard).

Les entreprises versent la "taxe d'apprentissage" qui représente 0,68% de leur masse salariale : 51% de cette taxe est redirigé vers les régions, 26% vers les centres de formation d'apprentissage (CFA), établissements le plus souvent gérés par des branches professionnelles sous tutelle pédagogique du ministère de l'Education nationale ou du ministère de l'Agriculture, et 23% vers des organismes de type grandes écoles et universités (appelé hors quotas).

Les entreprises de plus de 250 salariés versent également une contribution supplémentaire à l'apprentissage, qui varie de 0,05% à 0,4%, si elles ne comptent pas un quota de jeunes en alternance dans leur effectif.

  • 412.300 apprentis

Au 31 décembre 2016, 412.300 personnes suivaient une formation en apprentissage, principalement dans des CFA.

Les deux tiers (259.812) suivaient une formation de niveau secondaire (diplômes de CAP, baccalauréat professionnel, etc.). Le tiers restant (152.454) suivait une formation de niveau supérieur (BTS, DUT, licence, masters et grandes écoles).

  • Baisse de 20% du nombre d'apprentis en secondaire

Le nombre d'apprentis dans le secondaire a connu une baisse continue entre 2008 et 2015 (-20%). On comptait 330.129 apprentis en 2008 contre 261.192 en 2015, selon le ministère de l'Education.

Cette baisse a été en partie compensée par une hausse du nombre d'apprentis dans le cursus supérieur (+47%). On comptait 97.521 apprentis en 2008 dans les niveaux supérieurs contre 144.013 en 2015

  • Taux de chômage : une différence de 9 points

Les apprentis ayant un faible niveau d'éducation (CAP et BEP) qui ont obtenu leur diplôme en 2010 affichaient un taux de chômage de 26% en 2013, selon le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), de neuf points inférieur à celui de jeunes sortis d'un cursus régulier à niveau équivalent.

Les jeunes qui ont obtenu un diplôme de niveau Bac+2 en apprentissage affichaient un taux de chômage de 10% en 2013, contre 16% pour ceux des cursus réguliers.

Pour les masters, le taux de chômage était de 7% en apprentissage contre 13% en régulier.

  • Contrats d'apprentissage et de professionnalisation

Il existe deux types de contrats en alternance : le contrat d'apprentissage, qui décerne un diplôme élaboré par l'Education nationale, et le contrat de professionnalisation, qui décerne un diplôme élaboré par les branches professionnelles.

Le premier s'adresse uniquement aux jeunes de 16 à 25 ans. Le deuxième aux jeunes de 16 à 25 ans ainsi qu'aux plus de 26 ans.

Près de 288.650 contrats d'apprentissage ont été signés en 2016, selon le ministère du Travail. Le nombre de contrats de professionnalisation était de 195.330 la même année.

Les contrats d'apprentissage sont financés à 36% par l'Etat, 33% par les régions et 22% par les entreprises, selon la Fédération de la formation professionnelle. Les contrats de professionnalisation sont financés à 100% par les entreprises.

Ces derniers ont connu une croissance de 9% entre 2012 et 2016, alors que le nombre de contrats d'apprentissage a baissé de 8,6%.

"Les contrats de professionnalisation sont construits par les branches et correspondent donc davantage aux besoins des entreprises", explique-t-on au ministère du Travail. "Même si, finalement, ils sont plus coûteux" pour ces dernières.

(avec Reuters)