Réforme des retraites  : le Sénat adopte la fin des régimes spéciaux

Par latribune.fr  |   |  910  mots
La question de la suppression des régimes spéciaux de retraites entre au Sénat. (Crédits : Reuters)
Penché sur la réforme des retraites depuis jeudi, le Sénat a adopté samedi soir l'article 1 sur la fin des « régimes spéciaux ». Une mesure qui suscite une vive opposition politique dans les rangs de la gauche, mais aussi sociale avec des électriciens et gaziers déjà en grève reconductible.

[Article publié le 4 mars 2023 à 11:15, mis à jour dimanche 5 mars avec l'adoption de l'article 1]

Après s'être emparé du projet de réforme des retraites en séance publique jeudi dernier, le Sénat s'est attaqué à un sacré morceau samedi : la suppression des régimes spéciaux. Entre l'opposition politique et la mobilisation des professions concernées, c'est sans doute l'une des mesures les plus explosives qui arrive sur le pupitre des sénateurs.

L'article 1 du projet de loi sur les retraites relatif à la disparition d'une partie des « régimes spéciaux » a été adopté samedi soir, à deux jours d'une journée de mobilisation nationale, avec 233 voix pour et 99 contre.

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a commenté sur Twitter : « Article 1 voté. Extinction progressive des régimes spéciaux ».

Celui prévoit « la fermeture des régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières (IEG), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire (CRPCEN), de la Banque de France, et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour les agents qui seront recrutés à compter du 1er septembre 2023 ». Dès lors, les nouveaux embauchés seront affiliés au régime de droit commun pour l'assurance vieillesse.

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Grève reconductible déjà enclenchée

De quoi déclencher l'ire d'une partie des salariés dans ces secteurs, même s'ils ne sont pas eux-mêmes touchés par cette casse du statut. L'AFP indique ainsi qu'électriciens et gaziers ont débuté dès vendredi une grève reconductible afin de protester contre « le débat qui s'ouvre au Sénat » sur les régimes spéciaux comme l'annonce la CGT. Ce mouvement entraîne des baisses de production d'électricité dans plusieurs centrales nucléaires, et quelques centrales hydrauliques, mais sans provoquer de coupures pour les clients.

Les agents d'EDF grévistes ont procédé dans la nuit de vendredi à samedi à plusieurs baisses de production d'électricité, de près de 3.000 mégawatts, soit l'équivalent de trois réacteurs nucléaires, a appris l'AFP auprès de la CGT et sur le site d'EDF. Ces baisses sont également très encadrées par le gestionnaire du réseau de lignes à haute et très haute tension RTE pour éviter le risque de coupures.

« On vient d'appeler à généraliser, y compris dans l'hydraulique. Ça va s'organiser aujourd'hui, ce soir et demain samedi », a indiqué vendredi soir à l'AFP Sébastien Ménesplier, secrétaire général de la CGT Energie. Il a également déclaré que le mouvement durera « a minima jusqu'au 7 (mars) et a maxima jusqu'à la gagne ».

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La droite aux manettes

Dans l'hémicycle, la gauche a tenté aussi de faire barrage. Elle a déposé quelque 350 amendements sur le sujet, qui devrait occuper les débats toute la journée de samedi. Le groupe écologiste a également tenté d'obtenir le renvoi en commission de l'article 1er en déposant une motion, en vain. La sénatrice Raymonde Poncet Monge a argué que celui-ci « mérite d'être plus largement débattu » car les personnels sont bien « exposés à des facteurs de pénibilité », mais la motion a été repoussée par 251 voix contre 91 dans un Sénat largement dominé par la droite, Les Républicains en tête, et le centre.

Le Sénat avait déjà rejeté vendredi une demande de référendum portée par la gauche, avant de s'attaquer à l'article liminaire sur les prévisions de déficit. Celui-ci a été voté seulement en soirée après de nombreuses interventions de la gauche, radicalement opposée au passage de l'âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans. Le Sénat a jusqu'au 12 mars à minuit pour tenter d'achever la première lecture des 20 articles du texte et les près de 4.000 amendements.

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Les mains tendues de l'exécutif

Le projet de réforme a déjà été adopté en commission des affaires sociales mardi dernier, même si plusieurs amendements ont été ajoutés. L'un d'entre eux, jugé essentiel par la droite, vise à accorder une « surcote » aux mères de famille qui ont une carrière complète. Les sénateurs proposent aussi un CDI nouvelle formule, exonéré de certaines cotisations sociales, pour faciliter l'embauche des seniors. Les amendements approuvés ce mardi devront être votés à nouveau en séance, comme le veut la règle applicable aux textes budgétaires.

De son côté, l'exécutif avait multiplié les gestes d'ouverture à l'égard de la droite avant l'arrivée du texte au Sénat. « Je souhaite que le Sénat puisse enrichir » le texte, a ainsi déclaré la semaine dernière le président Emmanuel Macron dans les travées du Salon de l'agriculture. « On va écouter les propositions du Sénat et on va trouver un chemin ensemble », avait ensuite abondé Elisabeth Borne. La cheffe du gouvernement s'est aussi dite prête, dans le magazine Elle, à étudier « des bonifications » salariales pour les femmes « avant le troisième enfant », une nouvelle main tendue aux Républicains.

(avec AFP et Reuters)