Réforme du dialogue social : le gouvernement planche, les DRH aussi

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  941  mots
Le projet de loi réformant la représentation du personnel dans les entreprises sera examiné en juillet par le Parlement
Le gouvernement planche actuellement sur le futur projet de loi réformant la représentation du personnel en entreprise qui sera devant le Parlement en juillet. Les Directeurs des ressources humaines font part de leur préférence pour l’institution d'une instance unique de représentation.

Après l'échec en janvier de la négociation entre le patronat et les syndicats sur la modernisation du dialogue social et les « seuils sociaux » dans les entreprises, le gouvernement a décidé de reprendre la main. Le 25 février, le Premier ministre Manuel Valls a indiqué qu'il présenterait en avril un projet de loi sur la question.
C'est dans ce contexte que l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) a décidé de sonder ses quelque 5.000 membres pour connaître leurs desiderata sur cette question.

Les DRH plébiscitent l'idée de l'instance unique de représentation

Il s'avère que les directeurs des ressources humaines (DRH) plébiscitent l'idée d'instaurer une instance unique de représentation du personnel dans les entreprises. Plus exactement, 87% des DRH sondés sont favorable à l'idée de de transformer l'actuelle « Délégation unique du personnel » (DUP) en instance unique pour les entreprises de moins de 300 salariés.

La DUP est une possibilité offerte par le Code du travail, depuis une loi de 1995, qui permet aux entreprises de moins de 200 salariés de regrouper dans une seule institution les délégués du personnel et le comité d'entreprise. En revanche, le comité d'hygiène sécurité et conditions de travail (CHSCT) est maintenu. La DUP permet ainsi d'éviter la double convocation et d'édicter deux ordres du jour distincts. Il s'agit donc d'une réelle simplification... qui reste largement sous-utilisée...

Cette idée fortement défendue par les DRH est partagé par Manuel Valls qui, dans le prochain projet de loi, suggère de monter de 200 à 300 salariés le plafond possible pour instituer une DUP. Les DRH sont aussi 74% à vouloir instituer une commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein du comité d'entreprise ou d'établissement dans les entreprises de moins de 300 salariés.


Débat autour de l'avenir du CHSCT

Là aussi, Manuel Valls réfléchit à cette piste. Mais ce n'est pas encore très clair. L'idée développée par le gouvernement serait a priori de pouvoir englober les actuels CHSCT dans une DUP. Actuellement la DUP ne peut que fusionner DP et Comité d'entreprise... pas le CHSCT. Il s'agirait donc d'une véritable novation : le CHSCT actuel deviendrait une simple commission obligatoire au sein de l'instance unique mais elle garderait toutes les prérogatives des actuels CHSCT. Il s'agit là d'un point très important, notamment à l'origine du désaccord entre le patronat et les syndicats lors de la dernière négociation. En effet, si, à l'avenir, le CHSCT n'est plus qu'une simple commission, il perdra sa qualité de personne morale et ne pourra plus ester en justice. Et pour les syndicats, Force Ouvrière et CGT en tête, il n'est pas question de toucher à cette capacité. Manuel Valls sait aussi pertinemment qu'il s'agira là d'un point de friction avec les « frondeurs » du PS... Le débat n'est donc pas encore totalement tranché.

Les DRH avancent d'autres propositions qui pourraient avoir l'oreille du ministère du Travail en peine préparation du projet de loi. Ainsi, 91% des DRH sont d'accord pour permettre aux entreprises de 200 salariés et plus, dès lors qu'elles n'ont pas de délégués syndicaux, de négocier avec les élus. Actuellement, une telle possibilité n'est ouverte que dans les entreprises de moins de 200 salariés.

Et en cas de conclusion d'un accord avec ces mêmes élus, 84% des DRH envisageraient la validation de l'accord par referendum en lieu et place de la réunion d'une commission paritaire de branche actuellement nécessaire pour valider un tel accord.


Une représentation spécifique dans les TPE

Les DRH souhaitent aussi faciliter la technique du « salarié mandaté » pour négocier des accords d'entreprise lorsqu'il n'y a pas de délégué syndical, notamment dans les entreprises de moins de 11 salariés. A ce stade, ce n'est pas l'idée défendue par le gouvernement qui suggère plutôt, pour assurer une représentation aux salariés des TPE, d'instituer des « commissions régionales paritaires » où des représentants des employeurs et des salariés pourraient dialoguer. Il s'agirait donc d'une instance extérieure à l'entreprise, sur le modèle de ce qui existe déjà notamment dans l'artisanat.

Il faudra attendre encore quelques semaines avant de connaître avec précision le contenu du projet de loi. Le sujet est politiquement ultra-sensible et il pourrait valoir quelques déboires à Manuel Valls à l'Assemblée nationale. Il n'est en effet pas certain que le texte trouve une majorité, surtout s'il remet en cause l'existence des CHSCT.

Un calendrier très politique

Manuel Valls l'a parfaitement compris en adaptant en conséquence le calendrier. De fait, si le projet de loi bien sera examiné en Conseil des ministres en avril, il n'arrivera qu'en juillet devant l'Assemblée nationale. Et ce pour deux raisons. Il s'agit, d'abord, de passer l'échéance du congrès du parti socialiste qui se tiendra en juin à Poitiers. Ensuite et surtout, en juillet, l'Assemblée nationale sera en session extraordinaire, ce qui permettra si besoin au Premier ministre, en cas de forte grogne de nombreux députés socialistes face à son texte, de « dégainer » à nouveau l'article 49-3 de la constitution pour faire adopter le texte sans vote. En effet, depuis une réforme de 2008, l'article 49-3 ne peut être utilisé qu'une seule fois par session. Or, Manuel Valls y a déjà eu recours dans l'actuelle session pour « faire passer » la loi Macron sur la croissance. D'où la nécessité d'attendre la prochaine session extraordinaire de cet été.