Repas casher, voile, prosélytisme... comment traiter le fait religieux en entreprise ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  821  mots
Un guide pratique sera édité dans une dizaine de jours par le ministère du travail pour aider employeurs et salariés à gérer la question "du fait religieux" dans les entreprises. Il permet de savoir ce qui est autoriser ou interdit.
Le ministère du Travail édite un "guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées" qui répond à de très nombreuses questions sur ce qui est autorisé ou non: salle de prière, tenue vestimentaire, congés pour fait religieux, etc.

Est-il obligatoire pour une entreprise de prévoir des repas sans porc à la cantine ? Faut-il instaurer des salles de prière ? Le port de la kippa est-il prohibé ? Que faire si un salarié fait du prosélytisme religieux ? Autant de questions que se posent souvent les entreprises, déconcertées devant ce que l'on appelle la « montée du fait religieux ».

C'est pour répondre à toutes ces interrogations que le ministère du Travail a décidé de publier un « guide pratique du fait religieux dans les entreprises privées » qui répond à 39 questions qui peuvent se poser dans la vie courante d'une entreprise. Le ministère explique que dans le contexte post-attentats, « sans qu'il y ait pour autant de déferlante », davantage de questions sur ces sujets ont été posées aux pouvoirs publics par les organisations patronales et syndicales ou par les associations de responsables des ressources humaines.

Un vade-mecum pour répondre à des questions très pratiques

Élaboré par le ministère avec l'appui des partenaires sociaux et des représentants des différents cultes, ce guide se présente comme un « vade-mecum » tant à l'usage des employeurs que des salariés. Mais attention, ce livret n'a aucune force juridique, c'est une simple base documentaire permettant un rappel des règles existantes prévues par les textes (nationaux et européens) et la jurisprudence. Rédigé de façon claire, il devrait également être accessible aux responsables de TPE dépourvues d'un service de ressources humaines.

Fort opportunément, le guide commence par présenter quelques notions-clés à connaître alors que la question du fait religieux donne souvent lieu à pas mal de fantasmes ou à des incompréhensions. Par exemple, comment définir la liberté de religion ? Qu'est-ce que la laïcité ? Que signifie le principe de non-discrimination ? etc.

On rappellera aussi que, contrairement à une idée répandue, l'entreprise est un lieu privé, il est donc impossible d'en exclure toute liberté religieuse mais celle-ci doit être encadrée pour éviter les débordements. Tout est donc une question d'équilibre.

Ceci dit, une disposition de la loi Travail du 8 août dernier, nettement moins médiatisée que celle sur les heures supplémentaires, a donné une base juridique claire aux entreprises qui souhaitent instaurer une « neutralité religieuse » dans leur règlement intérieur. Mais cette neutralité doit pouvoir être justifiée par l'employeur (sécurité, « paix civile », etc.), sinon elle serait considérée comme illégale.

Prosélytisme, repas sans porc, tenue vestimentaire...

Le guide traite de plusieurs grands thèmes : l'offre d'emploi et l'entretien d'embauche, l'exécution du travail, le comportement dans l'entreprise, l'organisation du temps de travail et la vie collective.

Sous forme de questions/réponses, le livret rappelle quelques principes de base, comme l'interdiction de demander sa religion à un candidat ou de la mentionner dans une offre d'emploi, de désobéir à sa supérieure parce qu'elle est une femme, de faire du prosélytisme en entreprise, de s'absenter sans autorisation pour célébrer une fête religieuse, de ne pas se soumettre à la visite médicale obligatoire en raison de ses convictions ou encore de refuser une demande de congé en raison de son motif religieux.

Des "situations concrètes" sont aussi abordées. Exemple : « Plusieurs salariés demandent la mise à disposition d'une salle pour pouvoir prier. Suis-je tenu de leur accorder ?

Réponse : "non, vous n'êtes pas tenu d'accéder à cette demande. Pour autant, rien ne vous interdit d'y faire droit."

Autre exemple, l'employeur peut-il sanctionner un salarié qui "refuse d'être en contact avec la viande de porc" alors qu'il a été "recruté comme boucher" et n'a fait valoir "aucune objection lors de son recrutement" ? Oui, répond le guide.

Ou encore, le règlement intérieur d'une entreprise peut-il prévoir l'interdiction de porter le voile, la kippa ou le turban sikh? Oui, si ces tenues ont une "conséquence en matière de sécurité, ou d'hygiène ou d'organisation du travail", mais "pas en raison de (leur) caractère religieux".

 Autre cas assez sensible: un employeur peut-il "interdire" à son salarié de "faire le jeûne du ramadan"? "Non", mais il doit le "retirer de son poste de travail" s'il n'est pas en capacité de travailler "dans les conditions de sécurité requise". L'employeur peut aussi "procéder à un changement d'affectation" ou "aménager les horaires de travail". En dernier recours, "si aucun aménagement ne peut être mis en place" et "si l'impossibilité d'exécuter le travail désorganise" l'entreprise, "le licenciement peut être envisagé" pour "trouble objectif causé dans l'entreprise", mais "pas pour faute".

Au ministère, on insiste sur le fait que dans la plupart du temps les conflits apparus dans les entreprises en raison d'une question religieuse se sont réglés sans heurt. Mais il est vrai que quelques cas très médiatisés ont provoqué un effet loupe...