Retraites : le rapport du COR met le gouvernement en difficulté

Par Grégoire Normand  |   |  815  mots
Le premier ministre Edouard Philippe a officiellement reçu le rapport du COR jeudi après des fuites dans la presse. (Crédits : Reuters/Charles Platiau)
La remise du rapport du conseil d'orientation des retraites au Premier ministre Edouard Philippe a attisé les tensions chez les syndicats. La CFE-CGC et la CFDT-Cheminots ont appelé à faire grève le 5 décembre alors qu'une semaine de concertation doit débuter à partir de lundi prochain.

La pression monte sur l'exécutif. Selon le rapport du conseil d'orientation des retraites (COR) remis au Premier ministre jeudi 21 novembre, le déficit du système de retraites devrait s'établir entre 7,9 milliards et 17,2 milliard d'euros d'ici 2025 selon le taux de croissance moyen (entre 1 et 1,8%) et le type de convention comptable retenus. Edouard Philippe avait saisi cette instance indépendante, composée entre autres de parlementaires, de partenaires sociaux et de représentants des retraités, en septembre pour évaluer "la situation financière" du système actuel et de proposer des mesures "pour en garantir l'équilibre en 2025", comme le souhaite Emmanuel Macron, au grand dam des syndicats.

À partir de lundi prochain, le Premier ministre doit recevoir l'ensemble des organisations syndicales et patronales afin de faire le point sur la future réforme des retraites, la transition et le retour à l'équilibre d'ici 2025 d'après l'ordre du jour communiqué par les services de Matignon. Le Premier ministre a ainsi déclaré à la suite de la remise du document que :

"l'équilibre financier n'est pas une question de paramètre ou de technique. C'est un enjeu de justice sociale. Lui seul peut garantir un haut niveau de protection sociale aux futures générations, ce qui est le cœur de la promesse présidentielle, et permettre de regagner la confiance perdue par nos concitoyens et en particulier par les jeunes".

Des dépenses en % du PIB relativement stables

Les simulations réalisées par le conseil d'orientation indiquent que les dépenses rapportées au produit intérieur brut (PIB) seraient relativement stables peu importe le scénario macroéconomique retenu. La part des dépenses de retraite, qui s'élevait à 13,8% en 2018, "serait stable ou très proche de son niveau de 2018 sur la projection envisagée, c'est à dire jusqu'en 2030". Sur cet ensemble, 12% sont consacrés aux pensions de droit direct de retraite de base et de retraite complémentaire.

Les rapporteurs expliquent que cette relative stabilité est liée aux multiples réformes des retraites mises en oeuvre depuis trois décennies. En outre, les hausses de dépenses liées au vieillissement de la population seraient compensées par une évolution des pensions moins rapide que celle du revenu d'activité, "en raison notamment des mécanismes d'indexation des modes de calcul des retraites reposant sur l'inflation".

Une diminution des ressources à prévoir

Le creusement du déficit du système de retraites ne serait donc pas dû à une hausse des dépenses mais à une baisse des ressources allouées au système de protection sociale. Les experts anticipent notamment que la part des recettes issues du régime de la fonction publique d'Etat (FPE), qui représente une part non négligeable du financement, serait en baisse sur la période étudiée passant de 2,3% du produit intérieur brut à 2% en 2030 par exemple. La diminution prévue des effectifs dans la fonction publique pourrait ainsi peser sur le recettes du système de retraites. Quant aux dépenses de l'Argirc-Arrco, les dépenses resteraient relativement stables passant de 3,5% du PIB en 2018 à 3,6% en 2030. Ce régime serait proche de l'équilibre dans tous les scénarios. L'organisme en charge de l'évaluation et du suivi des retraites prévoit également une baisse des versements de l'Unédic et de la CNAF.

Un risque de coagulation

À l'approche de la grève du 5 décembre, le risque de coagulation des syndicats et des professions concernées par la réforme n'a jamais été aussi fort depuis le début des débats sur cette réforme explosive. Ce jeudi, la CFDT-Cheminots a décidé de rejoindre les rangs des manifestants pour contester la réforme de l'exécutif. De son côté, la CFE-CGC a également signifié qu'elle allait rejoindre le mouvement social après une réunion du comité confédéral.

"Cette réforme est uniquement politique et inutile sur le plan économique. Derrière un slogan qui pourrait donner l'illusion d'une recherche d'équité ('un euro cotisé génère les mêmes droits'), se cache une réforme exclusivement financière dont le seul objet est de diminuer le poids des retraites, considéré comme une dépense publique [...] Elle ne vise qu'à permettre à l'État de mettre la main sur les réserves accumulées par les régimes complémentaires et notamment AGIRC-ARCCO" dénonce la confédération dans un communiqué. 

Le gouvernement s'attend déjà à une grève dans les transports sur plusieurs jours. "Nous préparons bien sûr le plan de transports pour le 5, le 6, le 7, le 8, bref les jours possibles de grève, de manière à faciliter le transport des Français, et nous serons très vigilants sur les aspects d'ordre public", a-t-il indiqué,le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari sur la chaîne BFMTV, sans détailler ce "plan".