Réforme des retraites : faute de majorité, le gouvernement se résout à utiliser le 49.3

Par latribune.fr  |   |  1210  mots
Afin d'engager la responsabilité du gouvernement via l'article 49.3, l'exécutif a réuni un Conseil des ministres « immédiat » en début d'après-midi. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
La Première ministre a annoncé le recours à l'article 49.3 afin de permettre l'adoption de la réforme des retraites, en évitant un vote défavorable à l'Assemblée nationale. Elisabeth Borne sera au 20H de TF1 ce jeudi soir.

[Article publié le 16.03 à 14h45 et mis à jour à 17h15]

Coup de tonnerre à l'Assemblée. Dans une ambiance survoltée, plusieurs députés ayant entonné la Marseillaise, la Première ministre, Elisabeth Borne a annoncé engager la responsabilité du gouvernement, en recourant à l'article 49.3, afin de permettre l'adoption de la réforme des retraites.

« On ne peut pas faire de pari sur l'avenir de nos retraites », a-t-elle déclaré, malgré les huées de l'opposition. Aujourd'hui, sur le texte du Parlement, l'incertitude plane à quelques voix près. On ne peut pas prendre le risque de voir 175 heures de débat parlementaire s'effondrer. On ne peut pas prendre le risque de voir le compromis bâti par les deux Assemblées, écarté. On ne peut pas faire de pari sur l'avenir de nos retraites, et cette réforme est nécessaire »

Marine Le Pen annonce le dépôt d'une motion de censure

La Première ministre sera au JT de 20 heures de TF1, ce soir, a annoncé la chaîne. D'ores et déjà une forme d'échec pour Elisabeth Borne, qui a déployé de nombreux efforts depuis plusieurs mois pour tenter de nouer un accord avec la droite. Mais un nombre visiblement trop important de députés LR risquaient de manquer à l'appel.

Marine Le Pen a annoncé qu'elle déposera une motion de censure. Elle estime qu'Elisabeth Borne « ne peut pas rester à Matignon » dans ces circonstances. « C'est un constat d'échec total » pour Emmanuel Macron, a complété la présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblé, qui compte 88 députés, en estimant que la situation est celle d'une « crise politique ».

« Nous espérons que ceux qui s'apprêtaient à voter contre cette réforme des retraites voteront cette motion de censure. En ce qui nous concerne, nous déposerons une motion et nous voterons l'intégralité des motions de censure qui seront déposées », a-t-elle ajouté.

LR ne votera « aucune motion de censure »

Eric Ciotti indique que LR ne votera « aucune motion de censure ».« Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure »,a-t-il déclaré. « Nous ne voulons pas rajouter du chaos au chaos », a justifié le patron de LR, toutefois contredit peu après par le député Aurélien Pradié, opposé à la réforme, qui a pour sa part estimé que « chaque député reste totalement libre d'aller participer à une autre motion de censure ». « Je n'écarte aucune hypothèse par définition », a ajouté le député du Lot.

Ce jeudi, en fin d'après-midi, des opposants à la réforme des retraites se sont rassemblés place de la Concorde pour une manifestation spontanée.

Les syndicats promettent de nouvelles mobilisations

Secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger annonce de « nouvelles mobilisations » après le 49.3. « Evidemment qu'il y aura de nouvelles mobilisations, parce que la contestation est extrêmement forte, on a déjà énormément de réactions de la part des équipes syndicales. On décidera ensemble dans une intersyndicale », qui se tiendra jeudi soir au siège de la CGT, a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez lui a fait écho en affirmant à l'AFP que « la mobilisation et les grèves doivent s'amplifier ». « La mobilisation des citoyens sous l'impulsion des organisations syndicales n'a pas permis au président de la République d'avoir une majorité pour voter sa loi. Le passage en force avec l'utilisation du 49.3 doit trouver une réponse à la hauteur de ce mépris du peuple », a-t-il écrit dans un message.

Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, a estimé que « si le 49.3 est constitutionnel et légal, ce n'est pas légitime, surtout après avoir déjà utilisé le 47-1 à l'assemblée et le 44-2 au Sénat ». « Le 49.3 sur la réforme des retraites c'est 100% déni de démocratie », a twitté le co-délégué général de Solidaires, Simon Duteil.

« En utilisant le 49.3, le président choisit de répondre à une crise sociale par un affaiblissement démocratique. C'est pour l'exécutif une triple défaite: populaire, morale et politique. L'Unsa ne laissera pas faire », a twitté le secrétaire général de l'Unsa, Laurent Escure.

« On ne peut pas jouer avec l'avenir du pays »

Afin d'engager la responsabilité du gouvernement, l'exécutif a réuni au préalable un Conseil des ministres « immédiat ». Pas moins de quatre réunions se sont tenues en moins de 24 heures à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron pour décider si le gouvernement engageait le 49.3 ou laissait ce texte soumis à un vote.

« Mon intérêt politique et ma volonté politique étaient d'aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège », a-t-il dit lors d'un Conseil des ministres extraordinaire, selon un participant.« Mais je considère qu'en l'état, les risques financiers, économiques sont trop grands », a-t-il ajouté.

« Il y aura un vote sur le texte. Il est prévu par nos institutions. C'est la motion de censure », a dit le chef de l'Etat. « On ne peut pas jouer avec l'avenir du pays », a-t-il martelé, selon ce participant.

La réforme des retraites adoptée au Sénat

Un compromis scellé mercredi entre sept députés et sept sénateurs, après plus de huit heures de débats derrière les portes closes d'une commission mixte paritaire (CMP), avait pourtant ouvert la voie à un vote dans les deux assemblées pour ce projet reculant à 64 ans l'âge de départ à la retraite.

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Au palais du Luxembourg, le texte a été validé par 193 voix contre 114. Les groupes LR et centriste ont majoritairement voté en faveur de la réforme. Néanmoins, 6 sénateurs LR ont voté contre, de même que 7 centristes. 19 sénateurs LR se sont abstenus, ainsi que 13 centristes.

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Jusqu'à présent, la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne avait repoussé l'idée d'employer l'arme institutionnelle du 49.3. Celle-ci est perçue comme un passage en force par les oppositions et la rue.

(avec AFP)