Réforme des retraites : le pari perdant-perdant d'Emmanuel Macron

La commission mixte paritaire, chargée de trouver une version sur la réforme des retraites qui convienne à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, s'est réunie ce mercredi 15 mars. Elle a validé le coeur de la réforme, l'article 7, c'est-à-dire le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et est tombée d'accord sur un texte. Pendant ce temps, les syndicats unis ont organisé une 8e journée d'action pour signifier à Emmanuel Macron leur opposition à son projet. Le président, lui, prépare déjà l'après.... mais les blessures à l'issue de cette séquence politique et sociale promettent de ressembler à des plaies ouvertes.
Fanny Guinochet
Ce conflit autour de la réforme des retraites laissera des fractures.
Ce conflit autour de la réforme des retraites laissera des fractures. (Crédits : STEPHANE MAHE)

49.3 ou pas ? Vote favorable étriqué ce jeudi à l'Assemblée nationale? Vote défavorable? Quelle que soit l'issue, Emmanuel Macron aborde une séquence difficile. Car même si le projet de loi est adopté, il promet de laisser de profondes traces et le président risque d'en ressortir perdant sur de nombreux tableaux.

L'image d'un président qui passe en force

Certes, le locataire de l'Élysée pourra se targuer d'avoir tenu bon face aux oppositions, face à la rue, d'avoir sauvé un système de retraites par répartition en difficulté financière, mais sa victoire risque d'être teintée d'amertume. En effet, ce serait oublier un peu vite que la majorité des Français reste hostile à l'article 7 du texte, celui qui instaure le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans. Aussi, l'adoption de ce texte, quel qu'en soit le moyen, restera comme un passage en force. Un passage en force politique et social.

Pourtant, à peine élu après son second mandat, Emmanuel Macron avait promis de faire preuve de plus d'écoute et d'être moins « jupitérien ». D'exercer le pouvoir de façon moins autoritaire, moins solitaire, et plus concertée. Las, les huit journées d'action en deux mois, réunissant souvent plus d'un million de manifestants, organisées par les syndicats, qui se sont opposés de façon unie et pacifiste à cette réforme, n'y auront rien changé. Idem pour la pétition en ligne qui a dépassé le million de signatures.

Pas plus que la demande très officielle, via un courrier, par ces mêmes organisations - de la CFDT à la CGT - d'être reçues à l'Elysée, dans la dernière ligne droite. Elle est restée lettre morte. Le président a choisi de tracer. De quoi nourrir aigreur et ressentiment chez une partie importante de la population.

Comment, après, retrouver de la cohésion politique ? Emmanuel Macron espère  renouer le dialogue avec les partenaires sociaux en proposant dans la foulée une loi « Plein emploi ». Mais ces derniers ne sont pas dupes, et risquent de présenter quelques résistances....

Sans oublier, qu'en optant pour une réforme des retraites uniquement paramétrique, ayant pour axe central le recul de l'âge légal de départ à la retraite, Emmanuel Macron perd le caractère novateur qui était le sien en 2017, lorsqu'il proposait de changer de logiciel, en travaillant sur une réforme pour un passage à un système universel par points. Il revient à de vieilles recettes très classiques, qui, en prime, sont jugées injustes par l'opinion. Ses ministres auront beau répéter que cette réforme est juste, elle n'apparaît pas comme telle aux yeux des Français.

Un affaiblissement du politique

Par ailleurs, pour faire passer son texte, le président aura surtout négocié avec la droite, parti affaibli, tiraillé entre plusieurs chapelles. « Un deal », dont le pilier était le recul de l'âge, qui inévitablement laissera une teneur particulière à cette réforme des retraites, alors même qu'Olivier Dussopt, le ministre du Travail, ou même Elisabeth Borne, la chef du gouvernement, auront tenté de démontrer au fil des semaines, et par tous les moyens, que cette « réforme est de gauche. »

Sans compter que cette difficulté à convaincre entre les deux bords, aura des incidences sur la majorité présidentielle. Pas sûr que celle-ci ne réussisse à se maintenir à l'issue de ce passage des retraites. Celle-ci était déjà toute relative.

À quoi va-t-elle ressembler à l'issue de cette réforme ? Et comment gouverner dans ces conditions ? Comment faire passer des textes sur le nucléaire et les renouvelables, sur l'immigration, voire les institutions ? La tâche ne sera pas aisée pour Emmanuel Macron.

Plus globalement, alors que l'Assemblée nationale a souvent été comparée lors des débats à une cour de récréation, et que les esprits se sont aussi échauffés au Sénat, toute la classe politique ressort de ces débats abîmée avec une crédibilité amoindrie.

Des retombées économiques relatives

Emmanuel Macron s'est lancé dans cette réforme pour réduire le déficit de notre régime des retraites. Il visait 13,5 milliards d'euros d'excédents d'ici 2030. Reste qu'à l'issue de la séquence parlementaire, les mesures dites « de compensation », sociales ont considérablement amoindries ces retombées. En début de semaine, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie estimait la facture à plus de 6 milliards pour financer les aménagements carrière longue, le CDI sénior, etc. Ce qui réduit de facto la portée de la réforme.

Et ce, d'autant plus que le coût politique est important. Car les dispositifs plus sociaux ne sont pas perçus dans l'opinion. Par exemple, peu de Français se disent - à raison- que la promesse d'une retraite minimale à 1.200 euros bruts les concernera. Idem pour les femmes actives ayant des enfants : certes, le Sénat leur a ajouté une petite surcote de 5%, mais la réforme leur fait perdre (en partie) le bénéfice des trimestres maternité. Elles sont donc largement perdantes.

Par ailleurs, sur de nombreux points de la réforme, l'efficacité des mesures engagées est discutable. Que penser d'un « CDI senior », même expérimental, pour inciter les employeurs à engager des plus de 60 ans alors que le CDD Senior a été un flop ? Que dire d'un « index senior », là aussi pour encourager les patrons à maintenir les plus âgés dans l'emploi, quand on sait que « l'index égalité hommes-femmes » n'a pas permis d'améliorer les progressions de salaires ou les déroulés de carrière des femmes...

Peu importe, rapporte un conseiller ministériel, « le décalage de l'âge légal reste LE signal fort de ce texte, notamment pour les marchés et nos voisins européens. »

Avec une charge de la dette qui monte en flèche, dans un contexte de fébrilité boursière, cette réforme sera perçue comme une réelle avancée pour négocier les emprunts français. Ce sera au moins ça de gagné !

Fanny Guinochet
Commentaires 25
à écrit le 16/03/2023 à 12:51
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Faire une fausse réforme des régimes spéciaux effective à 43 ans d'ici, bien joué mais c'est vraiment prendre les gens pour des imbéciles ...

le 17/03/2023 à 8:11
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il est devenu le temps de faire le point sur les mandat de m macron et la conclusion est d'un totale negatif gilet jaune pour taxe infonde reforme de la sante a la trape celle de l'education national toujours la construction de neant et detruire l...

le 30/04/2023 à 10:14
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Il fait du bien à la France , il a créé 1.7 millions d'emplois , 700 mille apprentis , relancer le nucléaire , relancer la réindustrialisation de la France , pays européen avec le plus d'investissement étranger , ouvert les yeux sur le complot allema...

à écrit le 16/03/2023 à 12:26
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Oui, Macron n’aura ni le beurre ni vraiment l’argent du beurre. La réforme, rude mais inévitable, va créer le mécontentement, sans équilibrer les comptes autant qu’elle aurait dû. Ceci à cause des multiples concessions et reculades, qui n’auront p...

le 16/03/2023 à 16:27
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"Par exemple, qui trouve encore anormal d’être passé de 60 à 62 ans ? Et de 58 à 60 ? " Tu as oublié : À la suite de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy abaisse l’âge légal ...

à écrit le 16/03/2023 à 8:07
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Les grands perdants sont les partenaires sociaux. Plus aucune crédibilité dans leurs actions. La prochaine fois, la crise des gilets jaunes paraîtra comme une petite balade de sante pour les forces de l'ordre. Attention à Macron qu'ils ne viennent ...

à écrit le 15/03/2023 à 21:21
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Aucun pari perdant perdant mais accord gagnant gagnant comme à chaque fois entre la France et le Président Macron. Le Président va encore s’assurer d’un succès, quel beau parcours ! L’auteur de cet article oublie que sur les 4 derniers tours des élec...

le 15/03/2023 à 21:54
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dans un avenir proche la réforme va accélérer la fin du vote barrage. fait au F N

le 16/03/2023 à 4:12
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Le président Macron et sa non écoute depuis plus de 10 ans car il le faisait déjà rn tant que ministre de Hollande montre bien qu'un extrémiste comme lui au pouvoir reste dangereux dans notre constitution, le plus etrange c'est qu'il semble tout fair...

le 16/03/2023 à 8:05
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presenter comme definitive et rassurante cette action devenue reformette et qu'il faudra rectifier tout les 5ans est une escroquerie une arnaque de l'etat sur les cotisations social et tout ceci pour ne pas reformer l'etat dans son ensemble

le 16/03/2023 à 10:16
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"le Président et ses troupes sont toujours arrivés en tête. Les oppositions, derrière, morcelées." C'est vrai ,environ 30 % lui suffise pour accéder au 1er tour car son électorat en majorité des retraités se déplacent aux urnes contrairement à d'a...

le 16/03/2023 à 13:00
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@ c tout "dans un avenir proche la réforme va accélérer la fin du vote barrage. fait au F N " Si cette réforme passe pour le gouvernement à une voix prés , la nupes pourra s'en mordre les doigts car pour rappel dans la deuxième circonscription...

à écrit le 15/03/2023 à 20:23
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"d'un million de manifestants, organisées par les syndicats" : surtout la défense de la caste des bénéficiaires des régimes spéciaux qui constituent leur électorat..

le 15/03/2023 à 22:33
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Alors battez vous pour obtenir un régime égale aux leurs et non l'inverse. Macron compte sur des gens comme vous: des travailleurs pauvres qui jalousent les travailleurs à peine moins pauvre. Pendant ce temps, ses copains remplissent leurs poches.

à écrit le 15/03/2023 à 19:07
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Les Français auraient' ils oublié qu'ils ont élu et réélu ce Président qui avait annoncé clairement le projet de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans et de n'augmenter les retraites que pour les nouveaux retraités...au départ d'aill...

le 15/03/2023 à 20:30
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Cela profite aux syndicats qui ont joué le jeu avec le pouvoir et ont fait manifester les gens , ils en seront récompensés ,on en est pas à quelques millions d'euros prés ...

le 15/03/2023 à 22:42
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La majorité des électeurs n'ont pas voté POUR Emmanuel Macron, mais CONTRE la représentante de la PME familiale du clan Le Pen et le fait est que l'électorat de premier tour de Macron est essentiellement constitué de vieux privilégiés ayant pour dire...

le 16/03/2023 à 14:04
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@O : Vous écrivez que les vieux "ont pour dire toujours profité en laissant l'ardoise aux générations suivantes" En refusant toujours les réformes vous continuez la politiques des petits vieux. 3000 milliards de dette ne vous suffisent pas. Continuon...

le 16/03/2023 à 15:01
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Élection de Macron : 38.5% des inscrits, il n'a pas été élu par les Français, mais par une minorité. C'est le problème de la représentativité des élus. Noua avons également des maires et des députés qui sont légitimes, mais ne sont pas représentatifs...

à écrit le 15/03/2023 à 18:11
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49/3 en ligne de mire ? et apres sa passe au milimetre ou sa craque de toute façon Maccron vat etre bien diminue pour finir sa carriere ce n'etait deja pas brillant mais en a t il concience ? monsieur 100000 voltes ne mesure plus grand chose !!!

à écrit le 15/03/2023 à 18:01
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Où peut-on parier ? Moi je miserais bien 5 euros sur « Vote défavorable et pas de 49.3 » qui rapporterait beaucoup puisque personne n’y croit.

à écrit le 15/03/2023 à 17:01
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McKron est sous influence, n'ayant pas le temps de réfléchir, il se fie a des "conseils" au service des marionnettistes ! ;-)

à écrit le 15/03/2023 à 16:27
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Je n'ai pas d'avis sur la réforme des retraites, mais j’espère qu'elle va être adoptée, idéalement par 49.3, et que les français comprennent enfin qui dirige ce pays. Rdv en 2024...

à écrit le 15/03/2023 à 16:27
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C'est bon on va pouvoir passer à autre chose. Avec l'inflation et la diminution du pouvoir d'achat qui l'accompagne les envies de grève vont vite se calmer. En outre la récession qui se profile avec son cortège de plans sociaux va alimenter le flux...

à écrit le 15/03/2023 à 15:59
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Un dossier mal monté bourré d'erreurs techniques qui va a l'encontre de l'image d'un président et d'un gouvernement i ,compétents et professionnels. Le vrai visage de nos politiques . Heureusement les français par leur abstention ont compris que pol...

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