
Moins de présence militaire, plus de coopération économique. Ainsi pourrait-on résumer à grands traits la stratégie africaine de la France esquissée ce lundi par Emmanuel Macron. Très attendu sur la question du déploiement des soldats français en Afrique, le chef des Armées a confirmé qu'aucune des grandes bases françaises à Libreville, Dakar, Djibouti ou Abidjan ne serait fermée.
Néanmoins, les effectifs militaires français doivent y être réduits et les installations pourraient être reconverties en académies militaires, directement gérées par les pays hôtes. En rupture affichée avec la « Françafrique », dont il dit n'avoir aucune « nostalgie », le Président désire que les relations franco-africaines ne soient plus régies par les seuls enjeux de sécurité.
Pas de rivalité militaire mais de la compétition économique
En clair, la France ne compte pas entrer en rivalité militaire avec les mercenaires russes qui débarquent au Mali ou en Centrafrique. Mais elle veut participer pleinement à l'âpre compétition économique qui se joue sur le sol africain. Et rien n'est gagné à écouter le Président de la République, qui a adressé son mécontentement aux milieux économiques français présents de l'autre côté de la Méditerranée.
Son discours, tenu sous les ors de la salle des fêtes de l'Elysée, a établi un premier bilan de l'influence française en Afrique depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Et d'un point de vue économique, il n'en est pas satisfait. En Afrique, les entreprises françaises ne « vont pas dans la bonne direction » et perdent des parts de marché au profit de « pays moins présents historiquement et moins armés que nous », a-t-il pointé.
Des « N-10 face à des chefs d'Etat africains »
En cause selon Emmanuel Macron : « la logique de rente » qui prévaut dans la tête des dirigeants économiques français vis-à-vis du continent et « les travaux de moindre qualité » qu'ils livrent sur place. A l'écouter, les entreprises tricolores ne sont pas suffisamment « prêtes à se battre » pour décrocher des contrats, lors de ces déplacements, a-t-il affirmé, déplorant que certains groupes français envoient lors de rencontres officielles leur « N-10 face à des chefs d'Etat africains » aux côtés des délégations élyséennes.
Son message fait écho à celui délivré à Yaoundé lors d'une tournée au Cameroun en juillet dernier. Dans ce pays où les entreprises françaises ne représentent par exemple plus que 10% de l'économie camerounaise contre 40% dans les années 1990, il y avait admis que les groupes français étaient « bousculés, et parfois peut-être (...) endormis. En nous disant, c'est notre pré carré, c'est "chez nous". Beaucoup d'entreprises raisonnaient comme ça. La concurrence est arrivée et a bousculé les positions acquises ».
« Il faut un réveil collectif »
« Je ne défendrai plus ces entreprises. Il faut un réveil collectif. On doit y aller et se battre », a-t-il clamé ce lundi, insistant sur les atouts dont jouit la France sur le marché africain. « La France est forte des ses diasporas, de ses réseaux d'entrepreneurs. Notre intérêt, c'est de positionner l'Europe comme partenaire de référence », a insisté Emmanuel Macron dans son propos, exhortant les patrons français à contribuer à la co-industrialisation du continent.
Plus concrètement, l'Agence française de développement (AFD) compte lancer une deuxième édition de son programme de financement de l'entrepreneuriat africain « Choose Africa », déclinaison africaine dotée de trois milliards d'euros de financement du projet « Choose France ». Un premier pas pour concurrencer les prêts massifs de la Chine aux gouvernements africains en difficulté, désignés par Emmanuel Macron comme de la « prédation financière ». Pour le chef de l'Etat, il faut passer d'une logique « d'aide » à une logique « d'investissement. »
Sur le plan monétaire, Emmanuel Macron ambitionne de poursuivre la réforme du franc CFA déjà à l'œuvre, et rêve in fine de participer à la création d'une monnaie unique et supranationale en Afrique.
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