"S'il veut réduire le chômage, le gouvernement doit agir maintenant"

Par Fabien Piliu  |   |  493  mots
" Si le cours de l'euro se redresse face au dollar, si les cours du brut repartent à la hausse, l'amorce de reprise sera étouffée dans l'œuf ".
Dans un entretien accordé à La Tribune, Nicolas Bouzou, économiste au cabinet d'analyses Asteres, revient sur la performance de l'économie française au premier trimestre, performance qu'il relativise. Selon l'économiste, le gouvernement doit profiter de cette amorce de reprise pour réformer le marché du travail. Sinon, les créations d'emplois resteront faibles.

La Tribune - Le PIB a progressé de 0,6% au premier trimestre. Ce rebond est-il surprenant ?

Nicolas Bouzou - Le rebond n'est pas surprenant, compte tenu du triptyque de facteurs exogènes qui stimulent la croissance, à savoir la dépréciation de l'euro face au dollar, la chute des cours du brut et la faiblesse des taux d'intérêt. En revanche, l'ampleur de ce rebond a un peu surpris. Une hausse de 0,4%-0,5% était plus envisageable.

Cette performance peut-elle se prolonger au cours des prochains trimestres ?

Je ne pense pas que le PIB progresse de 0,6% à chaque trimestre. Ce serait trop beau. Une hausse comprise entre 0,2% et 0,4% est plus certaine. Dans ce contexte, la prévision de croissance annuelle du gouvernement fixée à 1% est atteignable.

Manuel Valls, le Premier ministre, et Michel Sapin, son ministre des Finances, n'excluent pas une hausse de 1,5% du PIB. Vous y croyez ?

Pourquoi pas ? Mais il faudrait que l'investissement reparte enfin. La bonne surprise du premier trimestre s'explique essentiellement par la bonne tenue de la consommation des ménages, elle-même stimulée par la désinflation. La reprise est donc exogène. Si le cours de l'euro se redresse face au dollar, si les cours du brut repartent à la hausse, l'amorce de reprise sera étouffée dans l'œuf. Il faut bien avoir en tête que le redémarrage actuel de l'activité n'est en rien le résultat de la politique publique ! Si les ressorts exogènes de l'activité disparaissent, le gouvernement n'a pas de plan B. Certes, comme nous l'indiquent les statistiques de l'Insee, la dépense publique reste encore dynamique. Mais celle-ci devrait bientôt ralentir.

Les mesures prises par le gouvernement pour relancer l'investissement peuvent-elles être efficaces ?

Le tempo est bon. Soutenir l'investissement quand le cycle conjoncturel se retourne, ce qui est le cas actuellement, est judicieux. Mais je regrette que certains investissements, notamment dans le numérique, ne soient pas concernés par le suramortissement accéléré, la principale mesure du plan gouvernemental. L'exécutif ne semble pas avoir pris conscience que l'économie française, comme celle de ses voisins, est à un tournant. Si la France veut rester une grande puissance économique et notamment dans le domaine industriel, elle doit se moderniser, se numériser. Je ne crois pas que le gouvernement ait bien conscience des mutations économiques en cours.

Pour l'instant, la reprise ne s'accompagne pas de créations d'emplois. Est-ce une surprise ?

Compte tenu des sureffectifs dans les entreprises, des incertitudes conjoncturelles, cette absence de créations d'emplois s'explique facilement. Mais, si la reprise se prolonge, et s'il veut réduire le chômage, le gouvernement doit agir maintenant. Dans ce domaine, la loi Macron 1 a fait quelques avancées, comme la barémisation des indemnités de licenciement ou la professionnalisation des conseillers prud'hommes; mais l'ampleur de ces mesures est nanoscopique si on la compare à la taille des chantiers qu'il reste à mener pour inciter les chefs d'entreprises à embaucher.