Tabac : l'Etat va (encore) frapper au portefeuille des fumeurs

Par Margot Ruault  |   |  1038  mots
Début mai, les paquets de cigarettes avaient déjà subi une hausse de 20 à 90 centimes, passant ainsi en moyenne à 11 euros pour de nombreuses marques. (Crédits : Regis Duvignau)
En janvier 2024, les paquets de cigarettes augmenteront de près de 50 centimes. Les buralistes dénoncent des hausses successives, qui alimentent le commerce parallèle et fragilisent leurs commerces. Explications.

Les consommateurs de tabac ne vont pas apprécier la nouvelle. Le prix du paquet de cigarettes devrait encore augmenter à partir de 2024. La hausse devrait être comprise entre 40 et 50 centimes, selon la Confédération des buralistes, confirmant ainsi une information dévoilée par Les Echos ce lundi. Il faudra toutefois faire preuve de patience pour connaître les prix définitifs. En effet, ceux-ci sont doivent être dévoilés par les Douanes, sur leur site Internet, en décembre.

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Le sujet n'en demeure pas moins sensible pour autant. Preuve en est, le gouvernement reçoit les buralistes, ce lundi après-midi. Une rencontre qui intervient à la veille de la présentation du nouveau plan national de lutte contre le tabagisme.

« C'est un véritable coup de massue pour certains buralistes », se désole Serdar Kaya, président départemental de l'Oise de la Confédération nationale des buralistes, auprès de La Tribune, pointant notamment les professionnels ayant déjà des difficultés de trésorerie.

Début mai, les paquets de cigarettes avaient déjà subi une hausse de 20 à 90 centimes. Résultat, de nombreuses marques ont vu le prix du paquet de 20 unités atteindre 11 euros. Pour rappel, Emmanuel Macron avait, durant la campagne présidentielle, réclamé un paquet de cigarettes à 10 euros.

Entre 2017 et 2022, le prix du paquet de la marque la plus vendue est passé de 7,05 euros à 10,50 euros, soit une hausse de 48,9%, d'après un bilan sur le tabagisme publié par l'OFDT. D'autres produits dérivés du tabac - à l'image du tabac à rouler, des cigares et des cigarillos - n'ont pas été épargnés non plus par les augmentations de prix.

Une nouvelle hausse justifiée...

La nouvelle augmentation rapportée ce lundi est-elle pour autant une surprise ? Elisabeth Borne avait donné le ton en septembre : pas de hausse de la fiscalité portant sur le tabac dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024.

En revanche, les tarifs du tabac sont calculés sur la base de l'augmentation prévue de l'inflation, et ce, depuis le PLFSS 2023... voté en 2022 ! Résultat, les prix ne prennent plus en considération la hausse générale des prix de l'année N-2, mais celle de l'année N-1, rapporte la Direction de l'information légale et administrative. D'où les précédentes hausses en mai. Qui plus est, Les Echos précise que le plafond de 1,75% limitant la hausse des taxes a également été supprimé.

Les hausses ne seraient donc pas près d'en finir. « C'est une évolution progressive qui a été votée l'an dernier », a confié le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, au micro de Sud Radio. Avant d'ajouter : elle « nous amènera, cela dépend de l'inflation, autour de 13 euros le paquet à la fin du quinquennat ».

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... par un enjeu de santé publique

Pour justifier sa stratégie, l'exécutif peut s'appuyer sur les répercussions sociales et sanitaires du tabagisme. « L'augmentation des taxes sur le tabac est la solution la plus efficace et la plus rentable pour réduire le tabagisme », a estimé l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une vision partagée par le Comité national contre le tabagisme (CNTC). Ce dernier indique que « les hausses de taxes régulières et significatives sont le levier le plus efficace et le plus rentable pour faire diminuer le tabagisme ».

Dans les faits, la consommation de tabac s'est stabilisée. En 2017, 27% des adultes âgés de 18 à 75 ans consommaient quotidiennement du tabac, à l'origine de près de 75.000 morts en France chaque année. En 2021, ce chiffre a légèrement diminué pour atteindre 25,3%.

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Cigarettes de contrebande

L'augmentation des prix du tabac pousse toutefois certains consommateurs à acheter leurs cigarettes à l'étranger ou dans des marchés parallèles. De son côté, Serdar Kaya, président départemental de l'Oise de la Confédération nationale des buralistes, estime qu' « un paquet sur quatre » est vendu illégalement.

« Avec l'augmentation des prix, on pousse les consommateurs vers le marché parallèle, alors que le tabac y est encore plus nocif, car la composition n'est pas du tout encadrée », s'inquiète le buraliste.

En 2022, 649 tonnes de tabacs ont été saisies par les forces de l'ordre, soit 1,6% des volumes vendus par les bureaux de tabac, d'après les chiffres de l'OFDT, contre 402 tonnes en 2021. Plusieurs usines clandestines ont également été démantelées sur le territoire français.

Les buralistes vont pouvoir vendre des munitions de chasse en 2024

Le ministère de l'Intérieur a indiqué samedi dernier à l'AFP que les certifications nécessaires pour exercer les activités périphériques au métier d'armurier seraient « allégées » au 1er janvier 2024. A travers cette décision, l'exécutif a ainsi ouvert la voie à la vente de munitions de chasse par les buralistes. Les buralistes « se sont déjà déclarés intéressés par ce nouveau dispositif par le biais de leur confédération », a confirmé le ministère. Leur maillage territorial « permettra non seulement de limiter les déplacements pour l'acquisition de munitions de chasse, mais également des stockages importants », a-t-il fait valoir.

« Pour la seule vente de munitions des catégories C (pour la chasse principalement) et D (munitions variées dont l'acquisition est libre aux majeurs), il conviendra d'obtenir uniquement la nouvelle certification "vente exclusive de munitions" » à compter du 1er janvier prochain, a précisé la place Beauvau.

Cette certification, en lieu et place du diplôme d'État d'armurier ou du certificat de qualification professionnelle d'armurier, sera délivrée « après réussite à un examen faisant suite à une formation adaptée et ciblée de deux jours », a poursuivi le ministère. Il conviendra ensuite d'obtenir un agrément pour la vente de munitions auprès du préfet ainsi qu'une autorisation d'ouverture de commerce, délivrée également par le préfet après avis du maire de la commune.

(Avec AFP)