Télétravail : le gouvernement va sanctionner financièrement les entreprises indisciplinées

Par latribune.fr  |   |  907  mots
Le gouvernement veut s'attaquer au portefeuille des entreprises en cas de manquement, sans pour le moment préciser le montant des sanctions. (Crédits : Reuters)
Pour s'assurer de la bonne tenue par les entreprises des nouvelles directives contre le Covid-19, Elisabeth Borne a annoncé ce mardi que des sanctions administratives et financières pourraient toucher les employeurs récalcitrants aux 3 jours de travail à distance par semaine.

Après la suggestion, l'obligation. Le gouvernement a annoncé hier imposer aux entreprises et aux salariés un minimum de trois jours de télétravail par semaine, à partir du 3 janvier. C'est l'une des mesures déployées hier par Jean Castex pour lutter contre la propagation de la vague Omicron, qui pourrait entraîner une paralysie de l'économie au cours du janvier.

Et pour s'assurer de la bonne tenue de l'obligation, Elisabeth Borne, après avoir annoncé ces dernières semaines le renforcement des contrôles via 5.000 agents, a expliqué ce mardi que les entreprises récalcitrantes seront soumises à des sanctions administratives. Le gouvernement veut s'attaquer au portefeuille des entreprises en cas de manquement, sans pour le moment préciser le montant des sanctions.

Les syndicats plutôt en phase

"La ministre a annoncé aux partenaires sociaux qu'elle souhaitait proposer un amendement au projet de loi pour mettre en place des sanctions plus dissuasives et plus rapides (de nature administrative)", a fait savoir le cabinet de la ministre à l'issue d'une réunion en présence des partenaires sociaux.

Le projet de loi, qui impose notamment le pass vaccinal au lieu du pass sanitaire, sans toutefois le généraliser dans l'entreprise, comme cela était un temps évoqué, doit être présenté cette semaine à l'Assemblée nationale. Son entrée en vigueur est espérée par l'exécutif pour le 15 janvier.

"Quand les entreprises ne jouent pas le jeu, aujourd'hui, cela passe par des sanctions pénales. C'est long et, pour simplifier cela, des sanctions administratives vont êtres proposées. L'idée, c'est de le mettre en place pour les entreprises qui ne jouent vraiment pas le jeu du télétravail, pas quand il y a un désaccord sur telle ou telle fonction dans un service", a complété Cyril Chabanier, président de la CFTC.

"Les remontées de l'Inspection du travail montrent que certaines entreprises restent réfractaires", à la mise en œuvre du télétravail telle que le prévoit le protocole national en entreprise (PNE), a souligné le ministère.

Protéger la santé des salariés, mais...

Une nouvelle version de celui-ci va être publiée d'ici à jeudi, comportant une "obligation de télétravail de 3 jours par semaine en moyenne pour les postes qui le permettent, pendant trois semaines, à compter du 3 janvier", comme l'a annoncé lundi le Premier ministre Jean Castex. En outre, "est demandé aux entreprises qui le peuvent d'aller au-delà et de porter le télétravail à 4 jours par semaine lorsque c'est possible", précise le ministère.

Comme l'a souligné à plusieurs reprises le ministère, cette "obligation" découle de la nécessité pour l'employeur de veiller à la santé de ses salariés, inscrite dans le code du travail, même si sa traduction concrète dans chaque entreprise relève des directions des entreprises, si possible dans le cadre du dialogue social.

La CGT-TEFP, premier syndicat des agents de l'inspection du travail, réclamait de longue date un durcissement du cadre légal concernant le télétravail, dénonçant la faiblesse des sanctions encourues et le manque d'effectifs pour contrôler les entreprises.

Les entreprises sont-elles prêtes à repasser en configuration télétravail ? Depuis le 1er janvier, selon le ministère du Travail, plus de 2.700 accords de télétravail ont été signés dans les sociétés, contre 1.980 l'an dernier. Toutefois, en dépit des nouvelles habitudes prises par les Français lors des confinements successifs, on constatait ces dernières semaines une volonté des chefs d'entreprise de revoir leur effectif retourner à leur poste de travail.

Désorganisation des entreprises

Pour le Medef, le 100% télétravail complique beaucoup trop l'organisation des sociétés. L'organisation patronale a également alerté sur le fait que cette organisation du travail générait des fractures sociales qui risquent de se creuser au sein des entreprises, entre ceux qui peuvent travailler à distance, essentiellement les cols blancs, et les autres, obligés de venir dans les usines et les sites. Le Medef estimait notamment avoir eu plusieurs remontées de tensions, cet automne. Dans l'industrie, des chefs d'entreprise ont dû demander à leurs cadres de venir plus souvent dans les bureaux pour apaiser le climat social.

Les Français devront de nouveau changer leurs habitudes

Le télétravail génère également aussi des souffrances chez certains salariés, peut parfois être mal vécu par les salariés qui sont victimes de détresse psychologique ou de dépression, liée à la perte de lien social. Il peut aussi être plus difficile pour les femmes, qui souvent ne disposent pas de pièce attitrée dans le logement pour travailler dans de bonnes conditions ou sont plus souvent dérangées que les hommes, notamment, par leurs enfants lorsqu'elles officient à la maison.

L'obligation à trois jours de télétravail imposée par le gouvernement va donc entraîner un nouveau changement dans les organisations et chez les Français. Selon les dernières données de la Dares, rattachée au ministère du Travail, en octobre dernier, 21% des salariés étaient au moins un jour en télétravail hebdomadaire, et à peine 6% l'étaient tous les jours de la semaine. Loin du score de novembre 2020, quand près de 44% étaient en travail à distance toute la semaine (tandis qu'un quart des employés avaient au moins un jour de travail obligatoire).