Terrorisme : la plus grande vigilance est demandée à la sphère financière

Par Fabien Piliu  |   |  1079  mots
La lutte contre le financementdu terrorisme passe notamment par la détection des transfers d'argent en liquide. (Crédits : © Dado Ruvic / Reuters)
Pour assécher le financement du terrorisme, Michel Sapin, le ministre des Finances, et François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, rappellent les obligations de vigilance et de déclaration de soupçon aux organismes financiers. De nouvelles mesures devraient être annoncées en début de semaine prochaine.

Comment asphyxier Daech et ses cellules terroristes ? En attendant que la diplomatie se charge réellement de stopper les trafics de matière première - pétrole, coton et phosphates notamment -, ce qu'elle n'arrive manifestement pas à faire par manque de volonté, la France tente de couper les vivres au terrorisme en demandant aux établissements financiers la plus grande vigilance dans l'observation des flux qu'elles enregistrent.

Ce vendredi matin, Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes publics et François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France et président de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), annoncent en effet la publication de nouvelles lignes directrices conjointes de ACPR et de Tracfin sur les obligations de vigilance et de déclaration de soupçon auxquelles sont tenus les organismes financiers.

Définie par l'article L 561-15 du code monétaire et financier, la déclaration de soupçon oblige de déclarer à Tracfin les sommes ou opérations dont les professionnels du secteur financier " savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ", expliquent Bercy et la Banque de France dans un communiqué, précisant que ces lignes directrices conjointes ACPR-Tracfin se substituent aux précédentes publiées en juin 2010.

Obligations de vigilance et de déclaration de soupçons

Concrètement, elles précisent les obligations qui pèsent sur les organismes financiers (banques, mutuelles, changeurs manuels, intermédiaires en financement participatif, professionnels de la vente d'antiquités et d'œuvres d'art....) soumis au contrôle de l'ACPR : les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, même occasionnelle, d'une part, et les obligations de déclaration de soupçon à Tracfin, d'autre part.

Pour lutter contre le financement du terrorisme, cette révision tient compte de la jurisprudence de la Commission des sanctions de l'ACPR concernant le respect des obligations de vigilance et de déclaration de soupçon en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Elle prend aussi en compte les évolutions législatives et règlementaires en la matière, notamment l'introduction dans le Code monétaire et financier des communications systématiques d'informations (COSI) qui détectent et tracent les transmission de fonds à hauteur de 1.000 euros par opération et 2.000 euros cumulés par client sur un mois calendaire - COSI 1 en vigueur depuis le 1er octobre 2013 - et les versements et retraits d'espèces - COSI 2 -, qui sera en vigueur le 1er janvier 2016 - effectués sur un compte de dépôt ou de paiement, dont les montants cumulés sur un mois calendaire dépassent 10.000 euros ou un montant équivalent dans une autre devises.

Les établissements financiers devront scruter avec la plus grande attention les comportements bancaires de leurs clients, les transferts vers les pays à risques, récurrents ou non, les retraits en argent liquide massifs et brutaux, et réclamer le maximum d'informations à leurs clients, que celles-ci concernent leur identité ou la nature des projets qu'ils souhaitent financer.

De nouvelles mesures bientôt

Selon nos informations, Michel Sapin pourrait annoncer en début de semaine prochaine de nouvelles mesures pour le financement du terrorisme, dans le cadre de la directive européenne relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, dite quatrième directive anti-blanchiment. Les cartes prépayées pourraient être dans le collimateur de Bercy. Pour quelles raisons ? Elles garantissent un anonymat complet à leurs utilisateurs comme le vantent leurs distributeurs, anonymat que Bercy veut aujourd'hui supprimer.

" Dans un contexte de crise où il est impératif de maîtriser son budget et dans un environnement où la discrétion et l'anonymat sont un luxe, la carte "XXXXX" réuni tous ses avantages ", explique la publicité française d'un établissement financier qui détaille avec précision sa cible :

  • Ceux qui ont déjà une carte bancaire mais souhaite une carte non liée à leur compte bancaire
  • Ceux qui souhaitent payer sur internet sans risque
  • Ceux qui souhaitent jouer en ligne.
  • Ceux qui souhaitent maîtriser leur budget (seuls les sommes rechargées peuvent être dépensées)
  • Ceux qui souhaitent éduquer les jeunes au fonctionnement d'une carte de paiement
  • Ceux qui n'ont pas de compte bancaire
  • Ceux qui souhaitent payer des produits ou services sur internet en espèces
  • Ceux qui souhaitent que leurs achats apparaissent uniquement sur un relevé de compte séparé de leur compte principal
  • Ceux qui  souhaitent partager de l'argent entre amis à moindres frais
  • Ceux qui ont une activité ou le besoin d'espèce est important
  • Ceux qui ont une jeune société, PME, auto entrepreneur et qui ont un besoin immédiat d'une carte de paiement au nom de leur société.

La nécessité de compléter le plan présenté en mars

Ces mesures s'intégreraient alors à celles contenues dans le plan de lutte présenté en mars 2015 par le ministre. Celui-ci prévoit notamment l'interdiction de payer plus de 1.000 euros en espèces pour les résidents. Ce seuil est abaissé de 15.000 à 10.000 euros pour les non-résidents. Cette mesure est entrée en vigueur le 1er septembre.

A partir du 1er janvier 2016, les banques devront systématiquement signaler à Tracfin tout dépôt ou retrait d'espèces supérieur à 10.000 euros par mois. Et ce à partir du 1er janvier 2016. A cette même date, les bureaux de change devront réclamer une pièce d'identité lorsqu'une personne veut échanger plus de 1.000 euros de devises.

A partir du 1er janvier 2016 également, les transferts physiques de capitaux par fret et fret express devront obligatoirement être déclarés préalablement à la douane. Jusqu'ici, aucune déclaration n'était réclamée lorsqu'un colis était convoyé par voie postale. Avec cette mesure, c'est la contrefaçon qui est dans le viseur du gouvernement.

Enfin, ce plan prévoit que les comptes de paiement, permettant à des personnes physiques de déposer et de retirer de l'argent en espèces, seront inscrits sur le fichier des comptes bancaires le - Ficoba - au 1er janvier 2016, en plus des comptes en banque et d'épargne déjà fichés. C'est par exemple le cas des 80.000 comptes du type Nickel, que tout à chacun peut ouvrir dans les bureaux de tabac.