UberPop : deux dirigeants d'Uber jugés en correctionnelle

Par Mounia Van de Casteele  |   |  991  mots
Thibaud Simphal, le directeur de la filiale France du géant Uber. Les dirigeants d'Uber sont désormais exposés à un risque pénal.
Il s'agit du du directeur général France, Thibaud Simphal, et du directeur général Europe de l'Ouest, Pierre-Dimitri Gore-Coty, qui étaient déférés au parquet ce mardi après leur mise en garde à vue de la veille.

| Article publié le 29/06 à 16h04, mis à jour le 30/06 à 15h.

La pression monte encore d'un cran dans l'affaire UberPop. Les deux dirigeants du géant américain de la location de véhicules de transport avec chauffeur (VTC) Uber qui ont été déférés au parquet ce mardi 30 juin, après avoir été placés en garde à vue la veille, seront donc jugés en correctionnelle le 30 septembre. Il s'agit du directeur général France, Thibaud Simphal, et du directeur général Europe de l'Ouest, Pierre-Dimitri Gore-Coty.

Traitement illégal de données informatiques

Ils comparaîtront notamment pour pratique commerciale trompeuse, complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, traitement de données informatiques illégal, a indiqué le parquet ce mardi dans un communiqué. Sur le volet données à caractère personnel, il est notamment reproché les conditions de recueil et de conservation de ces données de clients, possiblement en violation de la loi informatique et libertés de 1978.

"Les investigations -nombreuses et complexes- diligentées dans le cadre de cette enquête, ont été conduites parallèlement aux poursuites engagées contre les chauffeurs employés par la société organisatrice pour exercice illégal de la profession de taxi (absence d'autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle)", précise le parquet dans un communiqué.

Au 30 juin, 202 de ces chauffeurs ont fait l'objet de condamnations à des amendes, un autre a été condamné à 15 jours de prison avec sursis et 79 procédures sont en cours de traitement. "Ces procédures à l'encontre des chauffeurs ont permis d'étayer l'enquête ouverte contre la Société Uber France", poursuit le parquet.

Pour rappel, au mois de mars, le siège parisien d'Uber France, dans le 19ème arrondissement de la capitale, avait en effet été perquisitionné sur ordre du Parquet de Paris. Lors de cette perquisition, la police avait saisi des téléphones portables mis à disposition des chauffeurs professionnels pour les mettre en relation avec les clients d'Uber. L'entreprise avait qualifié cet épisode de nouvelle "tentative d'intimidation" "disproportionnée".

Selon le mandat, la justice enquêtait alors sur l'une des activités controversées d'Uber: son application pour smartphones UberPop, contre laquelle les taxis ont largement manifesté ces derniers jours. Ce service met en relation des particuliers et des conducteurs à la base non professionnels (mais ils sont censés tous avoir le statut d'auto-entrepreneur - comme les chauffeurs UberX - d'ici fin 2015, assure Thibaud Simphal). Ce qui est interdit depuis le 1er janvier 2015, date d'entrée en vigueur de la loi dite "Thévenoud", dont la conformité à la constitution française est actuellement à l'étude. Les Sages doivent se prononcer fin septembre. En outre, la maison-mère américaine a déposé deux plaintes contre la France auprès de la Commission européenne, afin d'obtenir l'annulation de cette loi.

Mais en attendant, les actions des taxis et des VTCistes contre l'américain donnent lieu à des dérapages et de telles violences, que le président de la République lui-même a dû intervenir. Tout en condamnant de telles intimidations, François Hollande a ainsi déclaré jeudi soir que le service UberPop devait tout simplement être dissout alors que près de 400 conducteurs non professionnels d'UberPop auraient été verbalisés depuis le début de l'année.

Cela n'a pas fait reculer Uber, qui a toujours clamé haut et fort, ne pas être dans l'illégalité, et qu'il continuerait à rouler, tant que le justice ne trancherait pas.

Véhicule confisqué

En attendant, le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) s'est réuni lundi à Toulouse, sous la coprésidence de Pascal Mailhos, préfet de la région Midi-Pyrénées, préfet de la Haute-Garonne et de Pierre-Yves Couilleau, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse, d'après un communiqué. Selon lequel "le CODAF a été convoqué en urgence à la demande du ministre de l'Intérieur":

"L'objectif de la réunion exceptionnelle de ce 29 juin était de mobiliser les services compétents pour constater le travail dissimulé et de programmer des opérations de contrôle dans le secteur [du transport public particulier de transport] concerné, en ciblant prioritairement les conducteurs de type UberPop ainsi que le non respect par les VTCistes des obligations qui leur sont applicables".

"Ces opérations pourront aller jusqu'à la saisie conservatoire effective, sur autorisation du procureur de la République, des véhicules des conducteurs exerça,t de fait cette activité à titre clandestin et les contrôles entra^neront les sanctions et les recouvrements qui s'imposent"

Sans véhicule du coup, il devient beaucoup plus difficile de rouler...

Toujours est-il que le gouvernement avait promis aux taxis d'agir, et de lutter contre le travail illégal, voici chose faite. Les dirigeants d'Uber sont désormais exposés à un risque pénal. Mais peut-être n'écoperont-ils que d'une amende.Tout dépend de ce que la justice décidera : si cette nouvelle forme de travail (qui concerne aussi les chauffeurs des applications Heetch et Djump) est considérée comme légale ou pas. Bref, Uber va-t-il être condamné "pour l'exemple", alors qu'en Californie, les chauffeurs Uber viennent d'être considérés comme des "salariés" de l'entreprise ? Réponse en septembre, juste au moment où la Cour d'Appel devra se prononcer sur la demande d'interdiction du service low cost d'Uber.

Lire aussi : Taxis contre UberPop : 5 clés pour comprendre le conflit

_____

>>> REPLAY Pierre Dimitri Gore-Coty a accepté de parler à Vox Pop. Retrouvez ici l'intégralité de l'interview qu'il a accordée à John Paul Lepers (mars 2015).

Interview de Pierre-Dimitri Gore-Coty, UBER - OuiShare Fest 2015 (eng)

>>> REPLAY « Uber représente un changement sociétal irréversible » selon Thibaud Simphal, DG Uber France

Interview de Thibaud Simphal, DG d'Uber France, février 2015 (propos recueillis par Laurent Lequien/La Tribune, 13 février 2015)