Une conférence sociale pour faire quoi ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  908  mots
Le risque "d'Uberisation" de la société avec le développement de l'économie numérique sera au coeur des débats de la quatrième conference sociale du lundi 16 octobre
La quatrième conférence sociale du quinquennat se tient lundi 19 octobre. Elle abordera notamment l'épineuse question des conséquences sur les relations sociales de l’émergence de l'économie numérique. Mais le format de ce genre de rencontre est-il toujours adapté ?

Article publié le 17 octobre à 10h.

Ils sont venus, ils sont tous là... ou presque. Pour la quatrième fois depuis le début du quinquennat de François Hollande une "conférence sociale" réunissant l'ensemble des organisations patronales et syndicales se tiendra lundi 19 octobre au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Mais, cette fois, le format est un peu différent, vu le scepticisme qui avait régné à l'issue de la dernière "grande conférence sociale" à l'été 2014.  Cette année, la conférence n'est plus "grande"... elle n'est que sociale. Et, surtout, elle se tient sur une seule journée (au lieu de deux) et se concentre sur des thèmes limités, pour éviter le côté grand messe.... Même si une flopée de ministres seront présents: Myriam El Khomri (Travail), Emmanuel Macron (Economie et Numérique), Najat Vallaud Belkacem (Enseignement)... Sans oublier le premier d'entre eux, Manuel Valls, qui prononcera le discours final.

Un thème central: l'irruption de  l'économie numérique

Après une rencontre entre le Président de la République et les organisations patronales et syndicales où seront évoqués tous les sujets sociaux du moment, la conférence sociale abordera trois thèmes, sous forme de tables rondes, plutôt consensuels. La transformation écologique et la conférence sur le climat COP-21, d'abord. Il s'agira de s'interroger sur les conséquences pour l'entreprise des évolutions en cours énergétiques et climatiques. La responsabilité environnementale et sociale des entreprises sera au cœur du sujet.

La transformation numérique constituera le second sujet de poids. Il y a non seulement l'épineuse question de l'émergence de "l'économie numérique ou "du partage", symbolisée par les méthodes de la société Uber qui font couler tant d'encre. Assiste t-on à la fin du salariat classique? Comment encadrer, socialement et fiscalement, ces nouvelles organisations du travail pour que la loi de la jungle ne règne pas ? Mais il n'y a pas que cela: le spectaculaire développement du numérique fait se poser de nouvelles questions, même pour les métiers les plus traditionnels. Aussi, les enjeux sont énormes en termes de formation et de risque obsolescence des connaissances. D'ailleurs, cette question de la transformation numérique fera également l'objet d'une plénière.

Enfin, la troisième table ronde sera consacrée à la "portabilité des droits", via la création du futur compte personnel d'activité (CPA) qui doit permettre à toute personne qui, contrainte ou volontairement, réoriente sa carrière de garder les droits acquis (assurance chômage, droit à la formation, compte pénibilité, protection sociale", etc.) Un vaste chantier qui va faire l'objet d'un projet de loi début 2016 porté par Myriam El Khomri  afin que les premiers jalons de ce futur CPA puissent être posés à compter du 1er janvier 2017. Ce même projet de loi comprendra aussi les aspects sociaux de la transformation numérique.

Quelle est l'utilité de cette conférence?

Une conférence sociale réduite à un format court, donc. Mais quelle est l'utilité réelle de ce genre de rencontre? C'est d'abord la marque de fabrique de François Hollande qui est en jeu. Voulant rompre avec les pratiques de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui n'avait de cesse de vilipender les "corps intermédiaires" , François Hollande tenait absolument à faire du dialogue social un marqueur de son quinquennat. "Et ça a marché, rappelle t-on dans son entourage. Il ne faut pas oublier que 9 accords interprofessionnels et trois lois sont sortis des précédentes conférences sociales".

Cependant, il y a un léger problème de timing. Alors qu'un consensus semble se dégager chez de nombreux juristes et économistes sur une nécessaire refonte du code du travail, donnant plus de poids aux accords d'entreprise et aux normes décentralisées au plus près du terrain, le fait d'organiser un grand raout parisien et centralisé semble aller totalement à l'encontre de la future réforme du droit du travail. D'ailleurs, il est intéressant de constater que le rapport "Combrexelle" sur le poids à donner aux accords d'entreprise... n'est pas à l'ordre du jour de la conférence sociale. "Le rapport Combrexelle fait l'objet d'une concertation propre qui est actuellement en cours avec le patronat et les syndicats, il n'était donc pas nécessaire de l'inclure dans les sujets à traiter", explique un proche du Président de la République. Certes...

Boycott de la CGT

Enfin, il est dommageable que la première organisation syndicale du pays, la CGT, ne soit pas présente. En effet, la centrale de Philippe Martinez a fait volte face et a annulé sa présence notamment pour protester contre l'arrestation de salariés d'Air France soupçonnés de violences. Une autre organisation syndicale, Solidaires (qui regroupe les syndicats SUD, notamment) boycotte également.

"Ceux qui refusent le dialogue social sont en train de préparer la mise en oeuvre des discours de ceux qui ne veulent plus de syndicats", a réagi Manuel Valls en allusion à des propos tenus par une partie de la droite.

  Au final, sur quoi débouchera la conférence? Comme lors des précédentes réunions de ce genre, l'exécutif  va tracer une feuille de route sur les prochaines réformes sociales. Mais, cette fois, l'élection présidentielle de 2017 pointe à l'horizon. Toute embardée sociale est donc à exclure.