Valls veut rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires

Par Mathias Thépot  |   |  918  mots
Manuel Valls propose de réformer le pacte de croissance européen.
L'ancien Premier ministre a détaillé aujourd'hui ses propositions pour la primaire de la gauche. Au menu notamment : défiscalisation des heures supplémentaires, suppression du 49-3, et instauration d'un service civique de 6 mois.

Ce mardi en fin de matinée, Manuel a réuni ses soutiens dans le très chic septième arrondissement parisien afin de présenter son programme pour la primaire de la gauche qui se déroulera les 22 et 29 janvier. Les membres du gouvernement Patrick Kanner, Jean-Marie Le Guen ou Juliette Méadel étaient notamment présents. L'exercice était politiquement compliqué pour l'ancien Premier ministre. Il doit en effet à la fois assumer le très impopulaire bilan du quinquennat Hollande ; se confronter à ses principaux adversaires à la primaire que sont Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon ; se différencier d'un Emmanuel Macron déjà passé à l'étape d'après ; et rappeler les multiples désaccords avec l'adversaire désigné du premier tour : François Fillon. Bref, Manuel Valls tente de trouver un difficile équilibre politique. C'est pourquoi il a présenté des grandes priorités, plutôt qu'un catalogue précis d'une centaine de propositions.

Priorité Europe

Sa première priorité, la réforme de Europe, rappelle la promesse de François Hollande d'avant la présidentielle de 2012. Comme Hollande, Valls propose de discuter avec l'Allemagne et les autres partenaires européens afin de réformer le pacte de stabilité et de croissance. Il dit refuser « l'application aveugle et mécanique des règles (budgétaires européennes ndlr) qui ne peut conduire qu'à l'austérité », et souhaite définir un grand plan d'investissement qui irait plus loin que le plan Juncker et qui serait centré sur la transition énergétique et la révolution numérique. Pour financer tout cela, il propose « en complément des instruments existants » de créer un livret d'épargne européen qui utiliserait « l'épargne européenne abondante des ménages en l'orientant vers les financements des entreprises et des industries innovantes. »

Autre proposition : instaurer un salaire minimum européen variable suivant les pays (60% du salaire médian). Reste à savoir si l'Allemagne sera d'accord avec ces propositions, elle qui n'a rien laissé passer à François Hollande qui avait pourtant promis en 2012 de renégocier le pacte de croissance européen. Enfin, s'il parvient à l'Elysée, Manuel Valls compte fermer définitivement la porte à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, qu'elle « ne doit pas et ne pourra pas intégrer ».

Comme un air du Sarkozy de 2007 concernant le pouvoir d'achat

Concernant le pouvoir d'achat des ménages, les propositions de Manuel Valls ne sont pas sans rappeler le créneau qui a fait le succès de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007 : revaloriser les petites retraites, récompenser « la prise de risque et l'effort, remettre le mérite en avant», et défiscaliser les heures supplémentaires. Une dernière mesure que Nicolas Sarkozy avait instauré une fois élu en 2007... mais que François Hollande a supprimé en 2012. Une suppression qui était « commandée par la nécessité budgétaire, (...) et correspondait à un engagement de la gauche en accord avec les syndicats », justifie l'ancien Premier ministre. Mais selon lui, la fin des heures supplémentaires « a été incomprises par les salariés qui ont pu être lésés ». C'est pourquoi il souhaite rétablir la mesure.

Par ailleurs, conscient du flot de critiques qui s'est abattu sur lui lors du passage en force pour l'adoption des lois Macron et El Khomri grâce au fameux article 49-3, Manuel Valls souhaite faire amende honorable et le supprimer. Il veut refonder le mode de fabrication des lois, en donnant plus de pouvoirs au Parlement, en associant davantage les citoyens, et en dialoguant plus avec les partenaires sociaux. « La démocratie sociale, il faut la respecter », a-t-il indiqué. Un revirement total pour celui qui a incarné le 49-3 durant le quinquennat.

Pas de nouvelle baisse du coût du travail

Du côté des entreprises, au-delà des facilités d'accès aux crédits bancaires et de la réservation d'une part des marchés publics au PME qu'il propose, Manuel Valls assure qu'il ne prendra pas de nouvelles mesures pour réduire le coût du travail. Il estime en effet que le gouvernement actuel a fait le boulot sur ce sujet.
L'ancien ministre de l'Intérieur souhaite aussi instaurer, s'il est élu, un service civique obligatoire de six mois, diviser par deux en cinq ans de l'écart salarial hommes-femmes, et obliger les multinationales du numérique à payer leurs impôts là où leur chiffre d'affaires est réalisé en Europe.

Enfin, en matière de discipline budgétaire, s'il entend respecter la règle européenne des 3% de déficit public maximum, Manuel Valls n'a pas l'intention de revenir à l'équilibre budgétaire à la fin du prochain quinquennat, jugeant « inopportun » de vouloir réduire le déficit « à marche forcée ». Le candidat à la primaire le justifie par ses priorités budgétaires : la défense (objectif de 2% du PIB en 2025), la sécurité (création d'au moins 1.000 postes de forces de l'ordre par an), la justice (10.000 nouvelles places de prison), l'éducation (hausse du salaire des enseignants), la recherche (1 milliard pour les universités) et surtout le financement d'un « revenu décent » sous conditions de ressources, ouvert au plus de 18 ans, fusionnant les minimas sociaux, et qui coûtera environ 8 milliards d'euros par an à l'État. Toutefois, pour ne pas trop irriter ses voisins européens, Manuel Valls promet de continuer de baisser, à marche modérée, le poids des dépenses publiques dans le PIB (celui-ci croîtrait de 1,9 % par an...).