193 millions de personnes touchées par la faim en 2021, 40 millions de plus en un an, selon l'ONU

Par latribune.fr  |   |  830  mots
Sur ces 193 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë, plus d'un demi-million (570 000) ont été classées au niveau le plus élevé sur l’échelle internationale de la sécurité alimentaire. (Crédits : Reuters)
L'insécurité alimentaire aiguë a frappé 40 millions de personnes supplémentaires en 2021 par rapport à l'année précédente d'après l'ONU. Soit 193 millions de personnes souffrant de la faim dans 53 pays du monde. La guerre en Ukraine risque encore d'aggraver davantage la situation, particulièrement dans les pays dépendants des exportations de céréales ou d'engrais russes et ukrainiens.

Les chiffres du rapport sur les crises alimentaires publié ce mercredi 4 avril par l'ONU sont glaçants. Ils révèlent que 193 millions de personnes dans 53 pays se trouvaient en situation d'insécurité alimentaire aiguë, en 2021, c'est-à-dire qu'elles ont eu besoin d'une aide urgente pour survivre. Soit des niveaux de 3 à 5 sur l'échelle internationale de la sécurité alimentaire (IPC/CH), qui en comporte cinq. Cela représente une augmentation de près de 40 millions de personnes par rapport au nombre déjà record de 2020.

Depuis 2016, date de la première publication de ce rapport réalisé par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial et l'Union européenne, le chiffre n'a cessé de croître. Il a presque doublé entre 2016 et 2021 - si l'on compare les situations sur les 39 mêmes pays examinés dans l'ensemble des rapports - avec des augmentations constantes chaque année depuis 2018. L'ONU précise d'ailleurs que ses chiffres sont tirés vers le haut par l'élargissement de sa couverture géographique, qui inclut de nouveaux États comme la République démocratique du Congo (RDC).

Sur ces 193 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë, plus d'un demi-million (570.000) ont été classées au niveau le plus élevé de l'IPC/CH et ont eu besoin d'une action urgente pour éviter notamment la famine. Il s'agit de personnes se trouvant en Éthiopie, dans le sud de Madagascar, dans le sud du Soudan et au Yémen.

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En cause : les conflits et les crises

La hausse enregistrée en 2021 découle d'une « triple combinaison toxique de conflits, d'événements météorologiques extrêmes, et de chocs économiques », détaille la FAO.

Les conflits restent néanmoins la principale cause de faim aiguë en 2021 pour 139 millions de personnes dans 24 pays/territoires vers une situation d'insécurité alimentaire aiguë (contre 99 millions dans 23 pays/territoires en 2020). Cela concerne notamment les pays en proie à des crises politiques et humanitaires comme la RDC, l'Éthiopie, l'Afghanistan et le Yémen.

Suivent ensuite les conditions météorologiques extrêmes (plus de 23 millions de personnes dans 8 pays/territoires, contre 15,7 millions dans 15 pays/territoires) et les chocs économiques (plus de 30 millions de personnes dans 21 pays/territoires, contre plus de 40 millions de personnes dans 17 pays/territoires en 2020, principalement en raison des retombées de la pandémie de Covid-19).

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1,5 milliard de dollars d'aide financière serait nécessaire pour agir dès maintenant, afin de profiter de la saison des semis pour augmenter la production dans les régions à risque, estime la FAO, qui tient une réunion à ce sujet ce mercredi. Les conclusions du rapport démontrent la nécessité d'accorder une plus grande priorité à l'agriculture paysanne en tant que réponse humanitaire de première ligne, pour surmonter les contraintes d'accès et comme solution pour inverser les tendances négatives à long terme.

En outre, le rapport préconise des changements structurels dans la manière dont le financement extérieur est distribué. Le but étant que l'aide humanitaire, qui doit être plus efficace, puisse être réduite au fil du temps grâce à des investissements de développement afin de s'attaquer aux causes profondes de la faim. Parallèlement, nous devons promouvoir collectivement des moyens plus efficaces et durables de fournir une aide humanitaire.

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L'ombre de la guerre en Ukraine menace l'avenir

Le rapport 2021 ne prend évidemment pas en compte la guerre en Ukraine, qui a démarré le 24 février 2022. Ce conflit promet d'aggraver les fragilités des pays très dépendants des exportations de céréales ou d'engrais russes et ukrainiens, comme la Somalie. Pour David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, la guerre en Ukraine est une « catastrophe dans la catastrophe ». « Nous avons besoin de toute urgence d'un financement d'urgence pour sortir [les millions de personnes au bord de la famine] du gouffre et inverser cette crise mondiale avant qu'il ne soit trop tard », a-t-il déclaré.

Les projections pour 2022, qui n'incluent à ce stade que 42 des 53 pays concernés, estiment déjà que 179 à 181,1 millions de personnes pourraient souffrir d'insécurité alimentaire aiguë.

« La guerre a déjà mis en évidence la nature interconnectée et la fragilité des systèmes alimentaires », souligne la FAO, qui prévient que « les perspectives d'avenir ne sont pas bonnes ». Et de préciser : « Si l'on ne fait pas plus pour soutenir les régions rurales, la magnitude des dégâts liés à la faim et à la dégradation des niveaux de vie sera dramatique. Une action humanitaire urgente et à une échelle massive est nécessaire ».

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(Avec AFP)