A Davos, Bruno Le Maire plaide pour un impôt minimum sur les sociétés dans le monde

Par Philippe Mabille  |   |  734  mots
(Crédits : Gonzalo Fuentes)
Le ministre des Finances a mis la fiscalité équitable des multinationales et la taxation des géants du numérique au cœur du G7 Finances dont la France assure la présidence en 2019.

A quoi reconnaît-on un Français à Davos ? C'est le seul qui, à tout problème, commence par parler impôts... Au-delà de la plaisanterie, entendue dans les couloirs du Forum économique mondial, c'est en effet sous l'angle fiscal que le ministre des Finances français Bruno Le Maire, est venu faire le service avant-vente du prochain sommet du G7 dont la France assure la présidence cette année. Au cours d'une conférence de presse devant la presse internationale, Bruno Le Maire a plaidé ce jeudi pour un impôt minimum sur les sociétés à l'échelon mondial, assurant que la France ferait de la fiscalité la priorité de sa présidence cette année du G7 Finances.

«Nous sommes à la croisée des chemins : l'ancien monde est mort, le nouveau monde émerge et, pour toutes les nations, doit conduire à construire un nouveau capitalisme plus responsable et équitable », a-t-il assuré.

"La crise sociale et politique (...) n'est pas seulement française"

Ainsi, selon Bruno Le Maire, « la crise sociale et politique que connaît actuellement la France avec les Gilets jaunes n'est pas seulement française. On la constate sous des formes différentes dans tous les grands pays développés », a souligné le ministre qui a appelé à agir dès maintenant contre la montée des inégalités. « Nous avons besoin d'un système fiscal international plus juste », a affirmé Bruno Le Maire qui a placé le prochain G7 sous le signe d'une mondialisation « plus équitable ».

« Nous avons besoin d'un impôt minimum sur les sociétés dans tous les pays développés, car nous savons que les grandes multinationales échappent à l'impôt », a-t-il souligné. « Un peu de compétition fiscale, ce n'est pas mauvais. Mais des juridictions qui pratiquent un taux zéro, ce n'est pas acceptable. Cela permet aux entreprises d'échapper à une taxation juste », a-t-il dénoncé.

« Voilà pourquoi nous en ferons la priorité de la présidence française du G7 Finances », a affirmé le ministre, s'en prenant tout particulièrement aux pays qui ne taxent pas ou peu les multinationales, afin notamment d'attirer leurs sièges sociaux.

Selon un récent rapport de l'OCDE, les taux moyens de l'impôt sur les sociétés ont encore baissé dans le monde l'an dernier pour atteindre 21,7%. Les pays pratiquant des taux de moins de 10% étaient au nombre de 13 l'an dernier, contre 10 en 2000, a souligné l'OCDE, qui a pointé 12 juridictions pratiquant des taux zéro, parmi elles les îles anglo-normandes Guernesey et Jersey (en Manche), ainsi que l'île de Man (en mer d'Irlande) et les Îles Vierges britanniques (dans les Caraïbes).

La France se veut en pointe de la régulation du capitalisme

Bruno Le Maire a aussi évoqué la décision de la France de prendre, la première, l'initiative de taxer les géants du numérique, au-delà d'un seuil de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires mondial et de 25 millions en France. Il s'est dit convaincu que le choix français, qui doit rapporter cette année 500 millions d'euros, sera ensuite suivi par l'Europe en attendant que le problème de l'optimisation fiscale des multinationales soit réglé au niveau de l'OCDE. Bruno Le Maire n'a pas évoqué à quel taux minimal le seuil mondial d'imposition des bénéfices des entreprises devra être fixé, mais il s'est dit confiant, évoquant une conversation à ce sujet avec le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin.

Toujours pour réguler le capitalisme, au G7, la France plaidera aussi pour que le terrain de jeu concurrentiel soit plus équitable en matière d'investissement dans les pays émergents, et pour que des mesures de gouvernance permettent de lutter contre les écarts de salaires excessifs dans les entreprises. Beaucoup de vœux, donc, pour l'instant pieux et sur lesquels ils sera difficile de mettre tous les pays d'accord, que ce soit au G7 ou au G20 (présidé par le Japon cette année).

Bruno Le Maire, qui a maintenu à 1,7% la prévision de croissance officielle de la France, malgré le ralentissement mondial, a enfin confirmé la poursuite des réformes des retraites, de l'assurance-chômage et du service public, et réaffirmé que la loi Pacte, en cours d'examen au Sénat, permettra d'importantes privatisations concernant ADP, Engie et la Française des Jeux, afin de financer le fonds pour les innovations de rupture.