Affaire Khashoggi : EDF et Siemens désertent le "Davos saoudien", mais Total y sera

Par latribune.fr  |   |  955  mots
Patrick Pouyanné, le Pdg de Total, en janvier dernier, au Forum économique mondial (WEF, World Economic Forum) de Davos, en Suisse. (Crédits : Reuters)
Le Forum économique mondial élaboré par l'Arabie saoudite pour mettre en valeur ses futures orientations économiques a vu la liste de ses participants se réduire au fur et à mesure des révélations macabres dans l'affaire Khashoggi.

Après les très nombreuses défections annoncées ces derniers jours, parmi les participants au "Future Investment Initiative" le forum économique mondial organisé par l'Arabie saoudite à Ryad du 23 au 25 octobre censé servir de vitrine à ses futures réformes économiques, on attendait de connaître la position d'éminentes personnalités comme le Pdg d'EDF, le patron de Siemens, ainsi que celui de Total. Les réponses à ces trois questions en suspens sont tombées inextremis, juste avant l'ouverture ce matin de cet événement.

Renoncement du Pdg de l'électricien détenu à 84% par l'Etat français

Ainsi, le Pdg D'EDF a renoncé à son tour à se rendre au forum économique organisé cette semaine à Ryad, a indiqué lundi le groupe, alors que cet événement est déserté par des responsables occidentaux après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Jean-Bernard Lévy ne se rendra pas à ce forum organisé du 23 au 25 octobre, a indiqué une porte-parole de l'électricien. Il a en effet prévu d'être présent à l'Elysée mercredi pour la réunion avec les acteurs de l'énergie organisée par le président Emmanuel Macron, a-t-elle expliqué.

EDF est détenu à près de 84% par l'Etat français. Le groupe français a été pré-qualifié pour la construction d'un parc éolien en Arabie saoudite et espère pouvoir y exporter son réacteur nucléaire EPR.

La Future Investment Initiative (FII) en Arabie saoudite, surnommée "Davos du désert", est mise à mal par la crise suscitée par la mort du journaliste Jamal Khashoggi, qui a poussé responsables occidentaux et dirigeants de firmes internationales à boycotter ce forum cher au prince héritier Mohammed ben Salmane.

Des défections multiples et emblématiques

Parmi les défections emblématiques des jours précédents : le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, la patronne du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde et le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire ont déjà annoncé qu'ils ne feraient pas le voyage à Ryad. On notera aussi celles des dirigeants des groupes bancaires BNP Paribas, Société Générale, HSBC, JPMOrgan Chase ou Credit Suisse, des industriels comme Ford, ou encore des sociétés de haute technologie comme Uber ou Google.

Lire aussi : Affaire Khashoggi : le boycott du "Davos saoudien" s'emballe

Airbus et Deutsche Bank absent eux aussi

La semaine dernière, Ulrich Spiesshofer, patron du grand concurrent de Siemens, le suisse ABB, a déclaré qu'il n'irait pas en Arabie saoudite. Airbus et Deutsche Bank ont également décidé de pratiquer la politique de la chaise vide.

L'Allemagne, qui a suspendu ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite, a appelé lundi ses partenaires européens à faire de même. La France a botté en touche.

Pression maximale sur Siemens qui renonce aussi

Le président du directoire de Siemens, Joe Kaeser, a annoncé lundi qu'il ne participerait pas à la conférence sur les investissements dite "Davos du désert" en Arabie saoudite à la suite du décès du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi.

Dimanche, plusieurs voix s'étaient élevées pour lui demander de renoncer et à emboîter le pas à d'autres grandes entreprises.

Après deux semaines de dénégations, Ryad a reconnu samedi la mort du journaliste, qui vivait depuis un an aux Etats-Unis et publiait régulièrement dans le Washington Post des tribunes critiques sur l'action du prince héritier Mohamed ben Salman. Dimanche, le ministre saoudien des Affaires étrangères a parlé de "terrible erreur" à la télévision américaine.

"Siemens est un partenaire fiable et engagé du royaume et de sa VISION 2030. Mais pour le moment, la vérité doit être découverte et la justice appliquée", a déclaré Joe Kaeser, dans un communiqué.

"Le temps nous dira comment les choses évolueront. Et j'espère qu'il y aura clarté, transparence et justice le plus tôt possible", a-t-il déclaré.

Total s'oppose à "la politique de la chaise vide"

Le PDG du géant pétrolier Total Patrick Pouyanné ira comme prévu au forum économique de Ryad, jugeant que la "politique de la chaise vide" ne fait pas avancer les droits de l'homme, et "par fidélité" envers ses engagements avec son partenaire Aramco.

"Je suis intimement persuadé que la politique de la 'chaise vide' ne fait pas avancer les choses, notamment quand il s'agit du respect des droits de l'homme", dit-il dans une déclaration mise en ligne sur le site du groupe, dans le contexte de l'affaire Khashoggi.

"Les politiques de boycott et de retrait de l'investissement ne font que pénaliser les populations", poursuit-il, rappelant que le groupe "n'a jamais été favorable aux mesures de sanctions et d'isolement, par exemple contre la Russie, l'Iran ou le Qatar".

Total "a toujours considéré préférable de maintenir avec ses pays partenaires un dialogue franc et exigeant, dans lequel nous rappelons nos valeurs", assure son PDG.

"J'ai été invité à ces travaux par Khaled al-Faleh le ministre saoudien de l'Énergie, un homme de qualité, pour parler d'énergie", fait aussi valoir M. Pouyanné.

Partenaire "depuis 40 ans" de la société Saudi Aramco, et alors que Total et Aramco ont "récemment annoncé un projet conjoint d'investissement majeur" dans le secteur pétrochimique, le PDG du groupe pétrolier déclare qu'il se rendra au forum "par fidélité pour les engagements pris, par respect pour les dirigeants de cette entreprise que j'estime, par respect pour notre longue histoire commune".

M. Pouyanné "comprend et partage l'émotion suscitée par le drame de la disparition de M. Khashoggi sur laquelle toute la lumière devra être faite", dit-il par ailleurs.

(Avec AFP et Reuyters)