Dette : le coût pour les Etats monte en flèche, « les gouvernements au pied du mur »

Par latribune.fr  |   |  846  mots
Les Etats vont rembourser des dettes émises à une période où les taux d'intérêt étaient bas pour ré-emprunter à des taux désormais bien plus élevés. (Crédits : Reuters)
Les intérêts payés par les Etats pour leur dette ont augmenté le plus rapidement depuis presque 40 ans en 2022 en raison de la brutale remontée des taux et de la hausse du stock d'emprunts.

C'est la « progression la plus rapide depuis 1984 » d'une année sur l'autre ».  Au niveau mondial, les intérêts payés par les Etats ont « monté en flèche » de 20,9% en 2022 par rapport à 2021, selon l'indice annuel de la dette souveraine du gestionnaire d'actifs Janus Henderson. Cette progression reflète selon lui « à la fois la hausse des taux et le gonflement du stock d'emprunts ».  En France, le bond de la charge de la dette est même de 43%.

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Le combat contre l'inflation des Banques centrales explique la hausse des intérêts

Cette explosion des coûts, 1.380 milliards de dollars au total en 2022, est notamment due à la politique des Banques centrales : afin de combattre l'inflation qui a atteint des records depuis les années 1980 dans de nombreux pays occidentaux, elles ont relevé leurs taux directeurs à un rythme effréné. Alors qu'ils étaient juste au-dessus de 0% début 2022, ils étaient passés proches de 4,5% à la fin de l'année aux Etats-Unis. Depuis, la tendance s'est poursuivie et la Banque centrale américaine a procédé à un dixième relèvement consécutif de ses taux, pour les mener vers 5,25% début mai.

Les gouvernements « au pied du mur »

Les gouvernements sont donc « au pied du mur », selon Janus Henderson, qui prévoit que ces coûts « doubleront au cours des trois prochaines années ». En effet, les Etats vont rembourser des dettes émises à une période où les taux d'intérêt étaient bas pour ré-emprunter à des taux désormais bien plus élevés, au plus haut depuis 10 ans dans de nombreux pays d'Europe comme aux Etats-Unis. Le taux de l'emprunt français à 10 ans, qui fait référence, tournait autour des 2,9% lundi, contre 0,19% le 31 décembre 2021.

Par ailleurs, redoutée par le gouvernement, la dégradation de la note de crédit de la France opérée fin avril par l'agence Fitch devrait avoir peu de conséquences immédiates pour Paris, dont la dette reste recherchée par les investisseurs. Pour justifier sa décision, Fitch évoque notamment « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » concernant leur réduction, après trois ans d'abondantes dépenses publiques destinées à amortir le choc du Covid et de l'inflation. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a cherché à rassurer en réaffirmant la volonté du gouvernement de « faire passer des réformes structurantes pour le pays ». Sur la question de la dette, « ne doutez pas de notre détermination totale à rétablir les finances publiques de la nation », a-t-il insisté.

L'Italie menacée d'une dégradation par Moody's

Parmi les grands pays européens, la France est moins bien notée que l'Allemagne (triple A chez les trois grandes agences).  Mais Berlin fait figure d'exception, à l'heure où Moody's menace de dégrader l'Italie d'un échelon pour classer sa dette dans la catégorie peu enviable des investissements spéculatifs. Autre poids lourd de l'économie européenne, l'Espagne est également moins bien notée que la France, au contraire des Pays-Bas (triple A).

En dehors de l'Europe, Fitch a abaissé vendredi d'un cran la note de l'Egypte, de B+ à B, et l'a assortie d'une perspective négative, laissant ainsi entendre qu'elle pourrait l'abaisser encore dans les prochains mois, inquiète de la situation économique du pays.

Aux Etats-Unis, un accord indispensable sur le relèvement du plafond de la dette se fait attendre pour éviter la faillite

Le président démocrate américain Joe Biden reçoit ce mardi des ténors de l'opposition républicaine, sans grand espoir toutefois de dénouer un conflit sur la dette publique, qui pourrait, dans le pire des cas, acculer les Etats-Unis à la faillite. La confrontation elle-même a peu de chances de déboucher sur un accord pour relever le « plafond de la dette », une manœuvre législative indispensable pour que la première économie mondiale puisse continuer de payer ses factures, ses fonctionnaires et ses créanciers. « Clairement, l'écart est immense entre la position du président et celle des républicains », a souligné sobrement lundi la secrétaire au Trésor, Janet Yellen.

« Nous ne voterons pas pour un texte qui augmente le plafond d'endettement sans réformes substantielles du budget et des dépenses publiques », ont affirmé ce week-end une quarantaine de sénateurs conservateurs. Si l'impasse se poursuit après le 1er juin, selon l'administration, les Etats-Unis se trouveraient non seulement dans l'incapacité de payer factures et salaires, mais aussi de rembourser leurs créanciers. Pour la première fois, des porteurs de bons du Trésor américains, le placement roi de la finance mondiale, ne pourraient plus récupérer leur mise. Alors, la Maison Blanche l'assure, finie la reprise robuste dont le président américain s'attribue le mérite : les marchés s'effondreraient, la récession serait historique et le chômage flamberait brutalement aux Etats-Unis - avec des conséquences sur toute l'économie mondiale.

 (Avec AFP)