Etats-Unis : l'arme du dollar, les sanctions financières et l'hégémonie américaine

Par latribune.fr  |   |  797  mots
« Il y a un risque quand on utilise des sanctions financières qui sont liées au rôle du dollar (...), qu'à terme cela puisse saper l'hégémonie du dollar" », a souligné la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen. (Crédits : Reuters)
Depuis plusieurs années, les États-Unis utilisent sans équivoque l'arme du dollar pour faire plier ses ennemis mais aussi certains de ses alliés récalcitrants. Les aveux sans complexe de la ministre de l'Économie et des Finances Janet Yellen.

Les sanctions économiques imposées, à la Russie notamment, par les États-Unis, posent un « risque » pour l'hégémonie du dollar, a reconnu dimanche la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen. Pourquoi ? Les pays visés essaient de trouver une alternative, a-t-elle constaté, tout en estimant cependant qu'ils leur seraient difficile d'y parvenir. « Il y a un risque quand on utilise des sanctions financières qui sont liées au rôle du dollar (...), qu'à terme cela puisse saper l'hégémonie du dollar" », a souligné la ministre de l'Économie et des Finances de Joe Biden, lors d'une interview sur CNN, interrogée sur l'usage du billet vert comme arme.

« Bien sûr, cela crée une volonté de la part de la Chine, de la Russie, de l'Iran, de trouver une alternative. Mais les raisons pour lesquelles le dollar est utilisé comme monnaie mondiale rendent difficile pour d'autres pays de trouver une alternative avec les mêmes propriétés », a-t-elle souligné.

Pour autant, a-t-elle averti, « nous avons des marchés de capitaux et un état de droit très solides qui sont essentiels dans une monnaie utilisée à l'échelle mondiale pour les transactions. Et nous n'avons vu aucun autre pays qui possède (...) une infrastructure institutionnelle qui permettrait à sa monnaie de servir le monde comme ça », a martelé Janet Yellen. D'autant plus que les sanctions économiques sont « un outil extrêmement important », également utilisées contre la Russie par les pays alliés, dans le cadre « d'une coalition de partenaires agissant ensemble ». Depuis 2014, la Chine et la Russie ont officiellement abandonné le dollar comme monnaie d'échange. Depuis l'annexion de la Crimée, le président russe a fait de la réduction de la dépendance au dollar, qui régit le commerce international, une priorité.

Que faire des avoirs russes gelés ?

Par ailleurs, interrogée sur la possibilité d'utiliser les fonds gelés de la banque centrale russe pour reconstruire l'Ukraine, Janet Yellen a estimé que « la Russie devrait payer pour les dommages qu'elle a causés à l'Ukraine ». Mais « il y a des contraintes légales sur ce que nous pouvons faire avec les avoirs russes gelés, et nous discutons avec nos partenaires de ce qui pourrait être fait à l'avenir ». Aux États-Unis, le Congrès se penche sur la manière dont la loi américaine pourrait être changée pour permettre des confiscations permanentes, mais l'administration Biden reste prudente. Les alliés occidentaux ont gelé pour plus de 300 milliards d'euros d'actifs de la Banque centrale russe et plusieurs dizaines de milliards d'euros de biens divers appartenant à des personnes (19 milliards provenant des oligarques russes) ou des entités russes sanctionnées.

Les États-Unis et l'Union européenne ont lancé des réflexions pour savoir si et comment ils peuvent utiliser les avoirs russes gelés pour la reconstruction de l'Ukraine. « Rien n'est simple », avait reconnu fin mars le haut fonctionnaire suédois Anders Ahnlid lors d'un entretien à Stockholm lors d'un entretien accordé à l'AFP. « Il est difficile de trouver les moyens légaux qui soient acceptables », avait expliqué le chef du groupe de travail de l'UE, qui s'est réuni pour la première fois mi-mars. Des citoyens russes visés par les sanctions contestent actuellement en justice le bien-fondé des sanctions les visant. Dans un cas emblématique, le Tribunal de l'UE a suspendu début mars une partie des sanctions visant le pilote russe de Formule 1 Nikita Mazepin, fils du propriétaire et PDG du fabricant de produits chimiques Uralchem.

"Cela prouve que notre Union européenne est fondée sur l'État de droit", souligne Anders Ahnlid sur ces recours.

C'est la première fois dans l'histoire que l'Union ne se contente pas de geler des avoirs, mais compte bien les saisir et en redistribuer le capital ou au moins les intérêts. Même au niveau mondial, les précédents sont rares, en dehors par exemple d'avoirs irakiens saisis par les États-Unis à l'époque de Saddam Hussein, selon Anders Ahnlid. Nommé le mois dernier, le Suédois ne se risque pas à donner un calendrier pour le versement du premier chèque à Kiev prélevé sur les avoirs russes. « Nous espérons obtenir des résultats durant notre présidence » suédoise de l'UE, qui s'achève fin juin, avait-il fait valoir.

« Mais ce sont des dossiers compliqués. Il y aura des aspects de court terme et de long terme"», avait souligné le diplomate suédois. Dans le cas d'avoirs privés, les garde-fous juridiques font que les États occidentaux sont autorisés à les confisquer de manière permanente dans des circonstances très limitées : en général quand il peut être prouvé qu'ils sont le produit d'activités criminelles.