Etats-Unis : un ralentissement économique d'un genre nouveau

Par Ivan Best  |   |  717  mots
Barack Obama, qui quittera la présidence dans un an, va laisser une économie en faible croissance
Les créations d'emplois importantes enregistrées en décembre devraient s'affaiblir au cours des mois à venir. La croissance va fléchir. Aux Etats-Unis, on parle de récession en dessous de 1,5% de hausse du PIB... Un retournement de conjoncture aux causes entièrement nouvelles

L'économie américaine est-elle en phase de ralentissement, comme le laissaient penser les derniers indices publiés, concernant les perspectives de dépenses dans l'industrie, ou reste-t-elle sur une phase ascendante, comme les chiffres de l'emploi peuvent le suggérer ?
Au mois de décembre, ce sont 292.000 créations de postes -nettes- qui ont été enregistrées dans le secteur marchand non agricole, soit un chiffre largement supérieur à celui qui était anticipé. Les économistes interrogés par Reuters s'attendaient à +200.000. En conséquence, le taux de chômage est resté très faible, à 5%, soit le niveau le plus bas depuis sept ans et demi. Tout irait donc pour le mieux... sauf que les indicateurs avancés, qui donnent une idée de la conjoncture à venir, sont beaucoup moins florissants. Ainsi, l'indicateur ISM pour le secteur manufacturier, évalué par enquête auprès des directeurs d'achat, fait état d'une contraction à venir de l'industrie. Quand cet indice se situe au dessus de 50, cela témoigne d'une phase d'expansion, en dessous de 50, c'est la contraction qui prédomine. Cet indice se situait à 55,7 en novembre 2014, il est tombé à 48,2 en décembre 2015. Il faut remonter à juin 2009 pour retrouver un indice aussi faible.

Intentions d'investissement revues à la baisse

Les intentions d'investissement ont été revues à la baisse, ce qui est cohérent avec le recul, pour la première fois depuis 2009, du taux d'utilisation des capacités de production.
Comment l'expliquer ? Comme le souligne l'économiste Patrick Artus, dans une étude récente, les profits des entreprises américaines tendent à plafonner, tandis que les entreprises ne trouvent guère d'opportunité d'investissement. D'où un recul des perspectives d'investissement, qui contribue en lui-même à assombrir les perspectives de production.

Une récession?

Va-t-on, pour autant, vers la récession ? La croissance américaine, qui a dépassé les 2% en 2015 -le chiffre exact n'est pas encore connu-, pourrait se rapprocher de 1,5% en 2016. Un chiffre dont se contenterait le gouvernement français -c'est ce qu'il prévoit cette année-, mais qui paraît bien faible pour les économistes américains. A tel point qu'ils considèrent que, sous les 1,5% de croissance, le pays tombe dans la récession.
Mais la prévision concernant l'économie américaine apparaît bien malaisée.

Un ralentissement économique inédit

Car c'est un ralentissement économique d'un genre nouveau qui se profile aux Etats-Unis, selon une mécanique relativement inconnue. Comme Patrick Artus le relève, les retournements de conjoncture américains ont habituellement lieu sous l'effet des changements de politique monétaire. Pour résumer, quand l'inflation tend à repartir de l'avant, sous l'effet de salaires qui s'échauffent en raison du plein emploi, la banque centrale, la Fed, relève les taux d'intérêt, ce qui tend à assécher rapidement la distribution de crédit. Le pays entre alors en récession. Ce processus, on l'a vu à l'œuvre en 1974, en 1980-81, 1990-91 et 2000.
Or, rien de tel ne se produit aujourd'hui. L'inflation ? Sur 12 mois, elle est limitée à 0,5%, difficile de faire plus faible. Les salaires ? Ils augmentent très peu, de 2% sur un an. Une accélération avait pu se ressentir début 2015, mais le rythme s'est ralenti depuis. Rien à voir avec les hausses habituelles avant la crise de 2008, qui dépassaient largement les 3% l'an.

Si la banque centrale a relevé ses taux d'intérêt, c'est de 0,25% seulement, faisant passer son objectif pour les fonds fédéraux -le prix de l'argent à court terme entre banques- à une fourchette comprise entre 0,25% et 0,5%. Pas de quoi casser d'un coup la dynamique du crédit...d'autant qu'une seule nouvelle hausse des taux pourrait être enregistrée en 2016.

Rachats d'actions plutôt qu'investissement

D'où vient alors le ralentissement économique ? Il est d'abord concentré dans l'industrie. Mais cela a toujours été le cas. Les entreprises industrielles ont beau s'être redressées, leurs profits tendent à plafonner. Du coup, les opportunités d'investissements véritablement rentables sont faibles, en tous cas aux yeux des patrons de grands groupes, qui jugent qu'il n'y a pas mieux à faire que d'utiliser les profits disponibles pour racheter en bourse les actions de leur entreprise. C'est donc un retournement lié à un essoufflement du processus d'investissement qui aurait lieu en 2016, ce qui ne s'était pas vu aux Etats-Unis au cours de la période récente.