Fausses informations : en Russie, Vladimir Poutine promulgue une loi pour confisquer les biens des détracteurs

Par latribune.fr  |   |  742  mots
Au moment de la présentation du texte aux députés, le président de la Douma avait estimé que cette loi contre « les crapules » permettrait de « punir les traîtres » qui « agissent contre leur pays ». (Crédits : POOL)
Ce mercredi, le chef du Kremlin promulgue une loi qui vise à confisquer l'argent et les biens des personnes reconnus coupables de diffusion de fausses informations sur l'armée russe. Depuis le début de la guerre en Ukraine, cet acte est considéré comme illégal et passible d'une peine d'emprisonnement

C'est une nouvelle étape dans la politique de la peur menée par la Russie. Son président Vladimir Poutine a promulgué ce mercredi une loi visant à confisquer l'argent et les biens des personnes reconnues coupables d'avoir diffusé des « fausses informations » sur l'armée russe.

Dans les faits, la loi ne prévoit pas de confisquer absolument tous les biens d'une personne condamnée, mais de saisir son argent et ses fonds « utilisés ou destinés » à financer des activités « criminelles ». Des termes qui restent toutefois très vagues. Le texte prévoit également d'autoriser la justice à retirer toutes les distinctions honorifiques d'État à des personnes condamnées pour « fausses informations ».

Pour rappel, l'accusation de diffusion de « fausses informations » sur l'armée russe est déjà passible d'une peine d'emprisonnement maximale de 15 années. Plusieurs centaines de Russes ordinaires ont déjà été condamnés en vertu de cet article du Code pénal, depuis près de deux ans. Moscou a rendu illégales les critiques à l'encontre de l'armée peu après avoir lancé son assaut contre l'Ukraine le 24 février 2022.

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Une loi contre « les crapules »

Ce nouveau texte législatif a été voté fin janvier à la Douma, la chambre basse du Parlement russe, puis début février par le Conseil de la Fédération, la chambre haute. Et ce mercredi, sans surprise, le décret présidentiel signé de la main de Vladimir Poutine a été publié par les autorités russes.

Au moment de la présentation du texte aux députés, le président de la Douma, Viatcheslav Volodine, avait estimé que cette loi contre « les crapules » permettrait de « punir les traîtres » qui « agissent contre leur pays ». Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui tenté de rassurer ce mercredi :

« Nous aurons l'occasion d'évaluer l'application de la loi. Mais nous considérons que les inquiétudes exprimées a priori sont infondées », a-t-il ajouté à la presse.

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Diplomatie de la peur

Depuis le début de la guerre en Ukraine, des centaines de milliers de Russes ont quitté leur pays. Parmi eux, des figures culturelles de premier plan sur lesquelles Moscou continue de mettre la pression. A l'image de l'écrivain Boris Akounine, qui vit en exil depuis 2014. Il est visé en Russie par une enquête pour « diffusion de fausses informations » sur l'armée et « appel au terrorisme », a annoncé début février la justice russe. Les autorités lui reprochent de « s'être opposé » à l'assaut militaire en Ukraine.

Des membres d'un groupe de rock russo-bélarusse « Bi-2 » ont également été détenus pendant plusieurs jours par les services d'immigration thaïlandais avant d'être libérés début février et de partir pour Israël. Le chanteur du groupe, Egor Bortnik, a accusé l'année dernière sur les réseaux sociaux le président russe de « détruire » le pays. Selon l'opposant en exil Dmitry Goudkov, actif dans la libération des membres de « Bi-2 », Moscou a tenté de les faire expulser en Russie.

L'épisode est donc loin d'être isolé. Le comédien russe Maxim Galkine a raconté en début d'année sur Instagram qu'il s'était vu interdire l'entrée en Indonésie pour un show sur l'île touristique de Bali. Galkine, mari de la star de la pop russe Alla Pougatcheva, a expliqué que les autorités indonésiennes lui avaient montré une lettre du gouvernement russe. Même problème pour le rappeur russe Alisher Morgenshtern, qui a pour sa part affirmé s'être vu récemment interdire d'entrer aux Emirats arabes unis, sans raison officielle. Galkine, Morgenshtern et le chanteur Bortnik sont inscrits sur la liste des « agents de l'étranger » en Russie

« Aux yeux de l'Etat russe, ceux qui sont partis sont non seulement des traîtres et des ennemis, mais aussi un risque pour la stabilité politique de la Russie, un problème de sécurité nationale », explique Tatiana Stanovaya, politologue et fondatrice du centre de réflexion R.Politik.

C'est « une diplomatie de la peur », observe le politologue Sergeï Medvedev. « La Russie cherche à apparaître comme une force toxique et omniprésente qui peut atteindre ses opposants partout dans le monde ».

(Avec AFP)