L'armée chinoise a démarré ses grandes manœuvres militaires autour de Taïwan

Par latribune.fr  |   |  1276  mots
L'armée chinoise a tiré des projectiles non identifiés vers le détroit de Taïwan, d'après l'AFP. (Crédits : Reuters)
En réponse à la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, la Chine a débuté jeudi ses exercices militaires autour de l'île. Les forces armées chinoises ont tiré de « multiples » missiles balistiques. De leur côté, les forces armées de Taïwan ont affirmé « se préparer à la guerre sans chercher la guerre ».

La Chine a mis sa menace à exécution. En représailles à la visite mardi et mercredi de la cheffe des députés américains Nancy Pelosi à Taïwan, l'armée chinoise a débuté jeudi des exercices militaires dans six zones autour de l'île, au niveau de routes commerciales très fréquentées et parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises. Il s'agit des plus importantes manœuvres militaires jamais organisées autour de Taïwan, revendiquée par Pékin comme territoire national. Ces exercices, qui ont débuté jeudi à midi (6h00 heure de Paris), doivent se terminer dimanche à midi heure locale (6h à Paris).

« Les exercices commencent », a indiqué jeudi la télévision d'Etat chinoise, CCTV dans un message posté sur le réseau social Weibo.

Les forces armées chinoises ont tiré « 11 missiles » balistiques de type Dongfeng « entre 13h56 et 16h00 [heure locale] dans les eaux au nord, au sud et à l'est de Taïwan »d'après le ministère de la Défense de Taipei, qui a condamné des « actions irrationnelles qui minent la paix régionale ». L'armée taïwanaise n'a pas confirmé l'endroit précis où les missiles ont atterri ni s'ils ont survolé l'île.

Des missiles auraient atterri dans la ZEE du Japon

De son côté, l'armée chinoise a également confirmé ses tirs de missiles : « un assaut de puissance de feu de missiles conventionnels multirégionaux et multi-modèles sur des eaux prédéterminées au large de la partie orientale de l'île de Taïwan ». « Tous les missiles ont atteint la cible avec précision, testant ainsi la précision des frappes », a ajouté le colonel Shi, un porte-parole des forces militaires chinoises.

Toutefois, « cinq des neuf missiles balistiques tirés par la Chine sont suspectés d'avoir atterri dans la zone économique exclusive (ZEE) du Japon pour la première fois », a déclaré jeudi le ministre de la Défense nippon, Nobuo Kishi. « Le Japon a déposé une protestation auprès de la Chine par la voie diplomatique », a-t-il ajouté, qualifiant l'incident de « problème grave qui affecte notre sécurité nationale et celle de nos citoyens ». Certaines îles du département d'Okinawa, à l'extrême sud du Japon, se trouvent en effet à quelques dizaines de kilomètres seulement de Taïwan.

Peu de temps après le début des exercices militaires, des journalistes de l'AFP avaient constaté des tirs de projectiles, à proximité d'installations militaires, s'envoler dans le ciel vers la mer, suivis de panaches de fumée blanche, vers le détroit de Taïwan, à Pingtan, une île chinoise située près des manœuvres en cours. Des touristes qui se trouvaient en bord de mer, sur cette île touristique, ont assisté aux tirs.

Fureur de Pékin

Le déplacement de Nancy Pelosi, la plus haute responsable américaine élue à se rendre à Taipei en 25 ans, sur ce territoire revendiqué par la Chine, a duré moins de 24 heures. Elle a martelé que les Etats-Unis n'abandonneraient pas l'île, dirigée par un régime démocratique et qui vit sous la menace constante d'une invasion par l'armée chinoise, déclenchant la fureur de Pékin, qui considère Taïwan comme une de ses provinces.

Avant la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, la Chine avait averti qu'elle allait répondre à ce qu'elle considère comme une provocation de la part des Etats-Unis, par des « actions militaires ciblées ». « Qui joue avec le feu y succombera », avait prévenu le ministère des Affaires étrangères chinois. Nancy Pelosi avait finalement atterri à Taïwan mardi 2 août, malgré les avertissements de la Chine, pour qui cette visite était une grave provocation risquant d'enflammer les relations sino-américaines déjà tendues.

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« Préparer à la guerre sans chercher la guerre »

De leur côté, les forces armées de Taïwan ont affirmé jeudi qu'elles se tenaient prêtes à riposter si besoin. « Le ministère de la Défense nationale souligne qu'il respectera le principe de se préparer à la guerre sans chercher la guerre », a indiqué le ministère taïwanais de la Défense dans un communiqué.

La veille, réagissant aux opérations militaires menées par la Chine ces dernières heures, le ministère taïwanais de la Défense a dénoncé « une tentative de menacer nos ports et nos zones urbaines importantes, et de saper unilatéralement la paix et la stabilité régionales ».  « L'armée va assurément rester à son poste et protéger la sécurité nationale. Nous demandons au public d'être rassuré et de soutenir l'armée », a-t-il ajouté. Plusieurs navires américains croisent également dans la région, dont le porte-avions USS Ronald Reagan, selon des sources militaires américaines. Quant à la présidente taïwanaise, Tsai Ing Wen, qui a rencontré Nancy Pelosi mercredi, elle a affirmé que « face à des menaces militaires délibérément accrues, Taïwan ne reculera pas ». « Nous allons (...) continuer à défendre la démocratie ».

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Pour Pékin, ces manœuvres sont « une mesure nécessaire et légitime » après la visite de Nancy Pelosi. « Si les forces taïwanaises viennent volontairement au contact de [l'armée chinoise] et viennent à tirer accidentellement un coup de feu, [l'armée chinoise] répliquera avec vigueur et ce sera à la partie taïwanaise d'en assumer toutes les conséquences », a indiqué à l'AFP une source militaire anonyme au sein de l'armée chinoise. Néanmoins, la Chine n'a toutefois aucune envie que la situation actuelle dégénère, déclarent des experts à l'AFP. Le président Xi Jinping, qui se veut intraitable sur les questions de souveraineté, cherche surtout à isoler diplomatiquement Taïwan en exerçant ainsi une pression militaire croissante sur l'île.

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Les sites web du gouvernement taïwanais visés par des cyberattaques

Des cyberattaques ont précédé cette démonstration de force militaire. Pendant la visite de Nacy Pelosi, les principaux sites internet du gouvernement taïwanais ont été temporairement inaccessibles, dans la nuit de mardi à mercredi. Ces cyberattaques seraient liées à la Chine et à la Russie. Selon le ministère des Affaires étrangères, les attaques contre son site internet et le portail en anglais du gouvernement étaient liées à des adresses IP chinoises et russes qui tentaient d'accéder aux sites internet jusqu'à 8,5 millions de fois par minute dans une tentative apparente de paralyser les sites.

« Comme les cyberattaques de forces hostiles étrangères peuvent toujours se produire à tout moment, le ministère des Affaires étrangères continuera à rester vigilant », a déclaré jeudi à la presse la porte-parole Joanne Ou. L'administration présidentielle a indiqué qu'elle renforcera sa surveillance pour faire face à la « guerre de l'information hybride menée par des forces extérieures ».

Taipei a accusé Pékin d'intensifier les cyberattaques depuis l'élection en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen qui estime que l'île est une nation souveraine et ne fait pas partie de la Chine. Des représentants des autorités ont déclaré que les agences gouvernementales taïwanaises font face à environ cinq millions de cyberattaques et de sondes par jour. En 2020, les autorités taïwanaises avaient affirmé que des hackers chinois ont infiltré au moins 10 agences gouvernementales taïwanaises et ont eu accès à environ 6.000 comptes emails pour y voler des données.

(Avec AFP)