L'Ukraine accuse la Turquie d'acheter du blé volé par la Russie

Par latribune.fr  |   |  594  mots
(Crédits : Reuters)
L'Ukraine accuse depuis plusieurs mois la Russie de voler sa production de blé, bloqué dans les silos de ses ports. Vendredi, son ambassadeur à Ankara a accusé la Turquie d'acheter ce blé volé à la Russie, alors qu'elle se présente comme médiateur du conflit sur l'échiquier diplomatique international.

La ton est monté. Vendredi, alors qu'il s'exprimait à l'occasion du 100e jour du conflit, l'ambassadeur d'Ukraine à Ankara a accusé la Turquie d'acheter du blé ukrainien volé par la Russie. "La Russie vole sans vergogne les céréales d'Ukraine et les exporte depuis la Crimée à l'étranger, notamment vers la Turquie", a dénoncé Vasyl Bodnar dans un message sur Twitter. "Nous avons demandé l'aide de la Turquie pour résoudre le problème", a-t-il ajouté.

L'Ukraine accuse depuis plusieurs mois les troupes russes de s'emparer de sa production céréalière, avec le soutien de ses alliés. Le ministre allemand de l'Agriculture dénonçait à la mi-mai de "répugnants" vols de céréales, en marge d'une réunion du G7 cherchant à aider Kiev à exporter sa production. "La Russie vole et confisque les biens et les céréales dans l'Est de l'Ukraine", déclarait Cem Özdemir aux côtés de son homologue ukrainien Mykola Solsky, estimant que "c'est une manière particulièrement répugnante de mener la guerre".

Avant la guerre, l'Ukraine était en passe juste avant la guerre de devenir le troisième exportateur mondial de blé. Elle produisait 80 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux par an, soit 12% du blé mondial, 15% du maïs et 50% de l'huile de tournesol. Kiev exportait chaque année 65% de sa production.

Lire aussi 6 mnChute de la production, ports bloqués : l'effondrement des exportations céréalières ukrainiennes s'aggrave

La Turquie soigne sa neutralité envers la Russie

La Turquie est considérée comme une allié de l'Ukraine à laquelle elle fournit des drones de combat, mais Ankara veille également à garder une position neutre envers la Russie, dont elle dépend pour ses approvisionnements en énergie et en céréales. Résultat : elle tente de se présenter comme médiateur entre les deux pays.

La Turquie a donc offert son aide, à la demande des Nations unies, pour sécuriser des corridors marins permettant d'exporter les céréales ukrainiennes. Ce point sera discuté lors de la visite du ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov sur son territoire, le 8 juin.

Les silos ukrainiens sont remplis de blé, mais le blocus des ports ukrainiens par la marine russe ralentit massivement les exportations. En conséquence, elles se sont effondrées de plus de moitié en mai par rapport à 2021, et le prix du blé flambe (à plus de 400 euros la tonne). En bout de chaîne, la situation fait planer un risque de famine dans les pays dépendant de la production ukrainienne en particulier en Afrique et au Moyen-Orient.

Face au risque de pénurie et de crise humanitaire, l'Union européenne se mobilise pour débloquer les ports où se trouvent ces millions de tonnes de céréales et matières premières. Mais l'acheminement par voie terrestre s'affaire difficile à mettre en place, notamment à cause de l'incompatibilité des wagons ukrainiens avec les rails de l'Europe de l'Ouest.

"La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique", avait alerté mi-mars la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, sur CBS News. Selon les estimation, la production de blé du pays en guerre devrait également reculer de plus d'un tiers. Pour ne rien arranger à la situation, l'Inde a elle aussi coupé ses exportations, afin d'éviter la famine de sa propre population, ce qui a encore tiré les prix à la hausse.

Lire aussi 5 mnArrêt des exportations de blé : "La décision de l'Inde pèse sur la santé financière des pays importateurs"