L'Ukraine veut devenir le « pays le plus numérique du monde » et éradiquer l'argent liquide

Par latribune.fr  |   |  829  mots
(Crédits : JULIE AKIMOVA - NEWS.PN)
Afin de pouvoir fonctionner, même en pleine guerre, l'Ukraine met les bouchées doubles pour devenir le « pays le plus numérique du monde ». C'est l'une des pistes avancées par Mykhaïlo Fedorov, vice-premier ministre, qui s'exprimait à l'occasion d'une conférence sur la reconstruction du pays à Lugano, en Suisse, qui se poursuit aujourd'hui.

Le numérique pour se relever. L'Ukraine, déjà pionnier dans ce secteur, veut faire encore dans le cadre de sa reconstruction. C'est déjà le premier pays à accepter des passeports et des cartes d'identité entièrement numériques et il dispose d'une application publique pour smartphone, Diaa, utilisées par des millions de personnes pour leurs relations avec les administrations

Comme l'a expliqué Mykhaïlo Fedorov, le vice-premier ministre, à Lugano, dans le cadre de la conférence sur la reconstruction du pays qui s'achève aujourd'hui, « les services numériques ne peuvent pas être détruits par les missiles, spécialement si les données sont stockées chez Amazon ou Microsoft dans des centres de données à l'étranger ».

A titre d'exemple, l'Ukraine veut remplacer tout ou partie de ses services d'accueil du public par des applications sur smartphone. Mieux, il s'agit de permettre à la population de pouvoir faire toutes leurs tâches administratives - enregistrement d'une propriété foncière, d'une voiture, création d'une entreprise ou déclarations aux douane - sans avoir à se déplacer. Développer l'éducation ou les services de santé en ligne font aussi partie des priorités.

Se débarrasser de l'argent liquide

Encore plus loin, sous l'impulsion de Volodymyr Zelensky, le pays veut aussi éradiquer l'argent liquide et le remplacer par de la monnaie numérique, en excluant les cryptomonnaies. Une position pour le moins surprenante, tandis que le pays, dès février, avant la guerre, avait voté une loi pour légaliser les cryptomonnaies et encourager leur adoption. Deux semaines après le déclenchement de la guerre, le gouvernement avait même ouvert un site de dons en cryptomonnaies, le vice-Premier ministre Fedorov soutenant d'ailleurs régulièrement le secteur via son compte Twitter. Fin juin, il remerciait ainsi encore la communauté crypto pour des dons en NFT. Avec son climat hivernal, le pays se positionne aussi parmi les nations leaders pour le minage informatique de ces actifs qui nécessitent une importante puissance énergétique, comme le montre la carte de l'université de Cambridge.

S'exprimant simultanément dans plusieurs villes européennes sous forme d'hologramme, le président avait déjà lancé début juin un appel direct aux principales entreprises tech mondiales « pour l'aider à bâtir un Etat numérique ».

Son vice premier ministre n'a pas mentionné à Lugano ces géants de la tech, mais plutôt émis un appel général aux financements et aux équipements.

Certains projets inquiètent les ONG

L'éducation est l'un des chantiers prioritaires : elle doit se numériser d'ici à un an, pour faire face notamment aux besoins des 4,2 millions d'enfants ukrainiens exilés par la guerre.

Néanmoins, certains projets inquiètent : L'Ukraine a ainsi déjà expérimenté un système d'intelligence artificielle capable de produire des rapports avant procès et avant condamnation, pour évaluer le risque qu'un suspect récidive. Une pratique qui, selon l'ONG Fair Trials « affaiblit les droits fondamentaux de personnes présumées innocentes ».

La reconstruction : un effort colossal qui pourrait durer des décennies

Au-delà de cet ambitieux plan numérique, la conférence de Lugano a démontré qu'il faudrait au moins un budget de 750 milliards de dollars pour reconstruire l'Ukraine. Pour Volodymyr Zelensky, cette « reconstruction » est « la tâche commune de tout le monde démocratique » et « la contribution la plus importante à la paix dans le monde ».

Pour financer en partie cette tâche, Denys Chmygal, premier ministre ukrainien, a la réponse : saisir les avoirs russes gelés dans le cadre des sanctions internationales, qu'il évalue à entre 300 et 500 milliards de dollars.

Le ministre de l'Énergie a, quant à lui, souligné que l'Ukraine était prête à vendre de l'électricité à l'Europe.

L'un des mécanismes proposés par les Ukrainiens est « l'adoption » par un pays allié d'une région spécifique en Ukraine pour être plus efficace. La Conférence doit s'achever aujourd'hui avec l'adoption des principes de Lugano destinés à guider un effort colossal qui pourrait durer plusieurs décennies, selon un diplomate suisse.

L'armée russe contrôle désormais plus de 20 % du sol ukrainien et Vladimir Poutine vient d'ordonner de continuer la guerre. Au lendemain de la prise de Lyssytchansk, le président russe a donné l'ordre aux troupes russes de « mener à bien leur mission» en application des « plans déjà approuvés ». Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky a de son côté expliqué que repousser l'envahisseur demanderait du « temps et des efforts surhumains. »

« Nous devons briser » l'ennemi, a lancé le président ukrainien dans son allocution quotidienne lundi soir, « c'est une mission difficile, qui nécessite du temps et des efforts surhumains. Mais nous n'avons pas d'autre choix ».

 (Avec AFP)