La Chine vise une croissance de 5% en 2024, un objectif « modeste » mais « ambitieux »

Par latribune.fr  |   |  1202  mots
La reprise tant espérée en Chine bute sur une crise de l'immobilier, un chômage record chez les jeunes et le manque de confiance des ménages qui grippe la consommation (Photo d'illustration). (Crédits : Aly Song)
La Chine a annoncé ce mardi viser une croissance d'environ 5% en 2024, l'un de ses objectifs les plus modestes depuis des décennies. Il sera sans doute difficile à atteindre. Et pour cause, la deuxième économie mondiale peine à se relancer depuis les années de crise sanitaire. Elle a aussi fait part, à l'occasion de la session annuelle du Parlement chinois à Pékin, de son intention de gonfler son budget militaire.

La Chine est plus optimiste que le FMI. Selon l'institut, la croissance de la deuxième économie mondiale devrait ralentir à 4,6% cette année. De son côté, l'Empire du Milieu, lui, vise une hausse de 5% de son PIB.

En 2023, elle a enregistré l'une de ses plus faibles croissances (5,2%) depuis les années 1990. Le chiffre de la croissance a été officialisé par le Premier ministre, Li Qiang, lors d'un discours prononcé à l'ouverture de la session annuelle du Parlement chinois à Pékin. Comme l'année dernière cet objectif est bien loin des rythmes à deux chiffres enregistrés dans les années 1990 et 2000.

Mais « il ne sera pas facile à atteindre », a reconnu Li Qiang.

« Nous devons donc maintenir le cap de notre politique, travailler plus dur et mobiliser les efforts concertés de toutes les parties. »

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Un taux de chômage à 5,5%

La reprise tant espérée bute sur une crise de l'immobilier, un chômage record chez les jeunes et le manque de confiance des ménages qui grippe la consommation. Ainsi, l'immobilier, qui a connu deux décennies de croissance fulgurante avec la hausse du niveau de vie de la population, a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine. Pour tenter de relancer l'activité, le pouvoir multiplie annonces rassurantes et mesures incitatives.

Malgré tout, « le secteur immobilier ne montre aucun signe de reprise », remarque l'analyste Ting Lu, de la banque Nomura

Sur le front de l'emploi, Pékin se fixe comme objectif d'en créer cette année plus de 12 millions, un chiffre identique au cap de l'an dernier. Ce chiffre ne concerne que les créations d'emplois en ville. Il ne reflète donc pas la situation en zone rurale, où vivent des millions de travailleurs migrants ou de locaux, aux conditions souvent plus précaires. L'objectif ne renseigne pas non plus sur le nombre d'emplois détruits en Chine du fait du ralentissement de l'économie.

La Chine vise un taux de chômage à 5,5%, exactement comme l'an dernier. Là aussi, ce chiffre dresse un tableau incomplet de la conjoncture. En Chine, le chômage est calculé pour les seuls urbains et il est particulièrement élevé chez les jeunes.

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Renouer avec l'inflation

Pour soutenir l'an dernier une économie en convalescence, le pays avait creusé son déficit à 3% du PIB.  En 2024, ce ratio devra rester le même, a plaidé le Premier ministre chinois, Li Qiang. Quant à l'inflation, l'objectif est fixé à « environ 3% », la même fourchette que l'an dernier, malgré une pression baissière sur les prix. La Chine est depuis quatre mois en déflation. En outre, les prix à la consommation ont connu en janvier leur plus forte contraction depuis 14 ans. Sur l'ensemble de 2023, l'inflation a atteint 0,2%, à rebours des principales économies qui ont encore vu les prix s'envoler.

Faute de demande, les entreprises sont contraintes de réduire leur production et de faire de nouvelles ristournes pour écouler leurs stocks, ce qui pèse sur leur rentabilité et l'emploi. Pour stimuler l'activité, le président Xi Jinping a notamment préconisé de renouveler les biens de consommation, une mesure qui laisse dubitatifs les économistes.

« Pour relancer l'économie, il faut augmenter le patrimoine et le revenu des ménages », estiment les analystes du cabinet Trivium, spécialisé sur l'économie chinoise.

« Les dirigeants chinois ne sont manifestement pas encore prêts à le faire », déplorent-ils dans une note.

Les dépenses publiques vont croître avec un budget fixé à 28.500 milliards de yuans (3.649 milliards d'euros). C'est 1.100 milliards de yuans (141 milliards d'euros) de plus que l'an dernier. La Chine va également émettre pour 1.000 milliards de yuans (128 milliards d'euros) d'obligations d'Etat pour « renforcer (ses) capacités » dans des domaines clés.

Parallèlement, 3.900 milliards de yuans (près de 500 milliards d'euros) d'obligations seront émises pour soutenir les collectivités locales. Leurs finances sont exsangues après trois ans de dépenses faramineuses pour lutter contre le Covid. Et la crise de l'immobilier les prive d'une importante source de revenus.

L'activité des services reste robuste

Par ailleurs, l'an dernier, les investissements étrangers en Chine ont chuté de 82%, selon les chiffres officiels. Il s'agit de leur niveau le plus bas depuis 1993, d'après le cabinet SinoInsider, basé aux Etats-Unis. L'appétit des investisseurs pour la Chine a un impact direct sur la santé générale de l'économie.

« Nous faciliterons la tâche des étrangers qui travaillent, étudient ou voyagent en Chine », a assuré le gouvernement, sans toutefois présenter de mesures concrètes.

Rare bonne nouvelle sur le front de l'économie, l'activité dans les services en Chine est restée robuste en février, quoique plus modérée que le mois précédent, selon un indice indépendant publié ce mardi qui souligne une reprise économique inégale du géant asiatique.

L'indice d'activité des directeurs d'achat (PMI) pour les services, calculé par le cabinet S&P Global et le média économique chinois Caixin, s'est établi à 52,5 points, contre 52,7 en janvier. Ce secteur crucial de la deuxième économie mondiale continue donc de progresser à un rythme soutenu : un chiffre au-dessus de 50 témoigne d'une expansion de l'activité, et en deçà d'une contraction.

Malgré une baisse des effectifs dans les entreprises de services, la première en trois mois, le secteur est en croissance pour le 14e mois consécutif, souligne le rapport. Ce secteur, vers lequel la Chine entend rééquilibrer son modèle économique, constitue plus de la moitié du PIB du pays et est pour elle un moteur de croissance essentiel.

Le budget militaire va augmenter de 7,2%

Entre relancer l'économie et renforcer la sécurité, le choix est vite fait, selon des analystes. Le budget militaire de la Chine, le deuxième plus important au monde bien qu'environ trois fois inférieur à celui des Etats-Unis, augmentera lui de 7,2%, à 1.665,5 milliards de yuans (231,4 milliards de dollars). Pékin a largement étendu l'an dernier sa définition de tout ce qui constitue de l'espionnage et a perquisitionné plusieurs sociétés étrangères de consultants, d'audit et de recherche.

Peu avant cette session parlementaire, la notion de secret d'Etat a elle aussi été élargie, « un signal clair de l'importance de la sécurité dans l'agenda du pouvoir cette année », selon Diana Choyleva, cheffe économiste au cabinet Enodo Economics.

La hausse constante du budget militaire chinois s'inscrit dans un contexte de corruption dans l'armée et de tensions persistantes autour de Taïwan et en mer de Chine méridionale.

« Nous nous opposons vigoureusement aux activités séparatistes visant à l'indépendance de Taïwan et aux ingérences extérieures », a rappelé mardi le Premier ministre, deux mois après l'élection à Taïwan de Lai Ching-te, président qui considère l'île comme indépendante de facto.

Un nouvel incident a par ailleurs éclaté mardi avec une collision entre deux navires des garde-côtes philippin et chinois, Manille dénonçant des « manœuvres dangereuses » tandis que Pékin affirme avoir seulement pris des « mesures de contrôle » après ce qu'il considérait comme une « intrusion ».

(Avec AFP)