La croissance démographique de la Terre n'est « pas tenable » alerte l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat

Par latribune.fr  |   |  785  mots
Ancien secrétaire d'État de Barack Obama et candidat malheureux à l'élection présidentielle américaine de 2004 face à George W. Bush, John Kerry est l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat depuis janvier 2021. (Crédits : MOHAMMED SALEM)
L'ONU s'attend à compter près de dix milliards d'êtres humains en 2050 sur la planète. Une croissance démographique mondiale qui n'est « pas tenable », estime l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat. John Kerry exclut toutefois de demander à ses compatriotes de réduire leur consommation de viande, pourtant l'un des principaux leviers d'action mis en avant par les scientifiques. Il prône plutôt de recourir aux « nouvelles technologies » et à des « pratiques d'agriculture régénératrice ».

Le cap des 8 milliards d'habitants sur Terre a été franchi en novembre, soit plus du triple de personnes que la planète comptait en 1950. Et alors que les besoins en nourriture et énergie mettent déjà en péril les ressources et le climat de la planète, ce chiffre devrait frôler les 10 milliards au milieu du siècle et même les dépasser dans les années 2080, selon les projections de l'ONU.

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Une situation que John Kerry, l'envoyé spécial des États-Unis pour le climat, juge « pas tenable » dans un entretien à l'AFP réalisé mardi 6 juin à Oslo. « Nous devons déterminer comment gérer la question de la durabilité et du nombre de gens dont nous devons nous occuper sur la planète », considère l'ancien secrétaire d'État de Barack Obama et candidat malheureux à l'élection présidentielle américaine de 2004 face à George W. Bush.

« Je suis allé dans un certain nombre de pays africains où ils sont très fiers de la hausse de leur taux de natalité, mais le fait est que ce n'est pas tenable pour la vie aujourd'hui, et encore moins avec les futurs chiffres », fait valoir John Kerry.

Il précise pour autant ne pas « préconiser une diminution de la population ». « Je pense que nous avons la vie que nous avons sur la planète et nous devons respecter la vie mais on pourrait le faire mieux de tellement de manières », ajoute l'Américain de 79 ans.

À contrecourant des scientifiques

Les scientifiques n'ont de cesse de le répéter : une partie des efforts pour lutter contre le réchauffement climatique passe par un changement des habitudes à l'échelle individuelle. En évitant par exemple un voyage en avion, consommant moins de viande, améliorant l'isolation de son logement... Actuellement, environ 40% des gaz à effet de serre responsables du changement climatique sont dus à l'élevage et au gaspillage alimentaire, le reste étant lié à la production de riz, l'usage d'engrais ou encore la conversion des terres et la déforestation.

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L'un des principaux leviers d'action : que les plus gros carnivores s'en tiennent à moins de 500 grammes de viande rouge par semaine. Or, pas question pour John Kerry d'appeler ses compatriotes à lever le pied sur leur consommation de viande.

« Non, je pense que c'est aux gens de choisir pour eux-mêmes (...) mais ce que je recommanderais de faire, c'est de changer nos pratiques sur la façon dont on nourrit le bétail », souligne-t-il. « Il y a aujourd'hui beaucoup, beaucoup de nouvelles technologies et de pratiques d'agriculture régénératrice : on pourrait produire toutes sortes de produits agricoles avec beaucoup moins de perturbations pour la terre et une consommation de ressources bien moindre ».

Au risque de prendre nombre d'experts à contrepied, John Kerry rejette les changements du quotidien dictés d'en haut. « Je ne pense pas qu'il faille demander des sacrifices dans le mode de vie afin d'accomplir ce qui doit l'être. On peut avoir un meilleur mode de vie, manger mieux et nourrir plus de monde si l'on arrête de gaspiller autant de nourriture qu'on ne le fait. Il y a plein d'options disponibles sans qu'on ait à dire à quelqu'un: "hé, on va vous obliger à... " ».

1 personne sur 5 exposée à une chaleur dangereuse d'ici 2100

Il y a néanmoins urgence à agir. Car, au rythme actuel où la Terre se réchauffe - elle a déjà gagné environ 1,2°C depuis l'ère pré-industrielle - 2 milliards de personnes vont être exposées à des chaleurs extrêmes et potentiellement mortelles d'ici la fin du siècle, soit une personne sur cinq, selon une étude parue fin mai dans la revue Nature Sustainability. Ce seuil de « chaleur dangereuse » a été fixé dans l'étude à 29°C de température annuelle moyenne - à titre de comparaison, il a été de 14,1°C en France en 2020, année classée la plus chaude dans le pays sur la période 1900-2020.

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Tout n'est cependant pas perdu. En limitant le réchauffement à 1,5°C, comme le veut l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris de 2015, le nombre de personnes exposées à ces risques serait réduit à moins d'un demi-milliard de personnes. Chaque centième de gagné compte, comme le souligne l'auteur de l'étude. « Pour chaque réchauffement de 0,1°C au-dessus des niveaux actuels, ce sont 140 millions de personnes supplémentaires qui seront exposées à une chaleur dangereuse », alerte Tim Lenton.

(Avec AFP)