"Le Brésil a pour horizon la récession"

Par Sarah Belhadi  |   |  486  mots
La semaine dernière, le gouvernement brésilien a annoncé une coupe budgétaire de 20 milliards d'euros dans les dépenses de cette année. Mais malgré la détermination du gouvernement à réformer le pays, d'autres mesures seront nécessaires, pour l'économiste Juan Carlos Rodado.
Le PIB de la septième puissance économique mondiale a reculé sur un an de 0,2% au premier trimestre 2015, et de 1,6% par rapport au dernier trimestre de 2014. Pour la cinquième année consécutive, le Brésil subit un ralentissement de l’activité économique, qui devrait se poursuivre, comme l’explique Juan Carlos Rodado, économiste de Natixis et spécialiste de l’Amérique Latine.

La Tribune : Le PIB du Brésil a reculé de 1,6% au premier trimestre 2015 par rapport au dernier trimestre 2014. Quelles sont les raisons de cette nouvelle dégradation de la situation économique au Brésil ?

Juan Carlos Rodado : Ce recul de l'activité n'augure rien de bon, le pire est devant nous. Ces chiffres sont révélateurs de l'impasse dans laquelle se trouve le Brésil qui enregistre sa plus mauvaise performance économique depuis 2009. Depuis la réélection de Dilma Rousseff à la tête du pays en octobre 2014, la Banque centrale a relevé son taux directeur de 225 points de base (soit 2,25 points de pourcentage) afin de contrer l'inflation. Une mesure qu'elle devrait réitérer la semaine prochaine en relevant son taux directeur de 50 points de base. Résultat : il y a moins de crédits accordés et l'activité du pays recule.

 Quelles sont les perspectives pour la situation économique du pays ?

Le taux de chômage atteint 6,4% en avril, alors qu'il était de 4,3% en décembre dernier. Et devrait dépasser les 7% sur la seconde partir de l'année. A cela il faut ajouter une consommation des ménages qui se contracte de -0,9% au premier trimestre 2015 alors qu'elle était de 1,3% au quatrième trimestre 2014. Le moral des ménages est donc au plus bas, et ce recul devrait se poursuivre en 2015 et en 2016.

Le nouveau ministre de l'Economie, Joaquim Lévy, économiste de formation et symbole du tournant de la rigueur, est un homme apprécié des marchés. Il a une volonté affirmée de faire des réformes nécessaires au pays : pour exemple, il a normalisé le prix de l'électricité que Dilma Rousseff avait baissé de 28% lors de son premier mandat. Mais malgré cette dynamique et cette bonne volonté, le Brésil a pour horizon la récession. Et si certains économistes locaux misent sur 1% de croissance en 2016, ce chiffre me parait difficilement atteignable dans un contexte de politique budgétaire d'austérité.

Après une hausse d'impôts, un durcissement des conditions d'indemnisation au chômage, la baisse des subventions publiques du prix de l'électricité, le gouvernement a-t-il d'autres cartes à jouer ?

Tous ces ajustements vont prendre du temps compte tenu des distorsions générées ces dernières années. Le pays doit adapter son train de vie à un contexte de récession. Autrement dit, le financement de la politique sociale en vigueur sous le président Lula avec une croissance à 4,5% n'est plus possible.

Mais même si la détermination affichée pour réformer est forte, de nouvelles mesures seront sûrement annoncées en raison de la faiblesse des recettes fiscales du Brésil. Le gouvernement doit aussi s'attaquer à ses problèmes structurels dont le pays a du mal à se défaire : comme la corruption dont le scandale Petrobras en est l'exemple, le manque d'infrastructures, ou encore ses taxes à l'import très élevées.