Les réformes de la fiscalité de l'OCDE sont un échec, selon l'ONG Tax Justice Network

Par latribune.fr  |   |  593  mots
Le siège de l'OCDE à Paris. (Crédits : Reuters)
Tax Justice Network estime à 472 milliards de dollars les sommes qui échappent chaque année à l'impôt, en augmentation de 45 milliards de dollars par rapport à 2020.

Alors que la question de la fiscalité des grandes fortunes et des multinationales fait débat, l'ONG Tax Justice Network dresse un constat sévère quant au bilan de l'OCDE en matière de réformes fiscales. L'institution internationale a « échoué » à réformer le système fiscal international pour le rendre plus équitable, juge l'ONG britannique dans un rapport publié mardi.

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« L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le club des pays riches, fixe les règles fiscales internationales depuis les années 1960. Au cours de la dernière décennie, elle s'est efforcée de mettre en œuvre des réformes significatives », concède le TJN.

« Mais l'OCDE a échoué », pointe l'ONG, spécialisée dans la lutte contre les « injustices fiscales » dans le monde. « Elle n'a pas inclus les non-membres (de l'OCDE, NDLR) dans ses décisions (...) et elle n'a pas produit de mesures efficaces pour freiner l'abus fiscal », dénonce-t-elle.

1.100 milliards de bénéfices dans les paradis fiscaux, malgré la réforme à 15%

La réforme phare qu'elle a portée d'un impôt minimal mondial sur les sociétés, dont le taux a été fixé à 15% après des années de négociations sous l'égide de l'OCDE, n'a eu l'effet escompté selon TJN. En octobre 2021, les Etats du monde entier avaient consenti à instaurer un impôt minimum mondial à 15% sur les entreprises, censé limiter la concurrence fiscale internationale et générer 220 milliards de dollars (198,6 milliards d'euros) de recettes fiscales supplémentaires chaque année selon l'OCDE.

Dans les faits, « les sociétés multinationales transfèrent chaque année des bénéfices d'une valeur de 1.100 milliards de dollars (993 milliards d'euros ndlr) dans des paradis fiscaux ». Ces transferts font « perdre aux gouvernements du monde entier 301 milliards de dollars 271,7 milliards d'euros ndlr) par an en recettes fiscales directes », estime l'ONG. Quant aux plus fortunés, « le monde perd 171 milliards de dollars américains (154 milliards d'euros ndlr) par an à cause de l'évasion fiscale offshore liée à la seule richesse financière », avance le TJN.

472 milliards de dollars échappent chaque année à l'impôt

Tax Justice Network estime à 472 milliards de dollars les sommes qui échappent chaque année à l'impôt, en augmentation de 45 milliards de dollars (40,6 milliards d'euros) par rapport à une précédente estimation de l'ONG datée de 2020, qui les évaluait alors à 427 milliards, dont 245 du fait des entreprises et 182 à cause des particuliers.

Le rapport est publié une dizaine de jours après une nouvelle annonce de l'OCDE, qui vante cette fois un premier projet d'accord « historique » entre 138 pays, qui se sont entendus pour mieux répartir les recettes fiscales tirées des bénéfices des multinationales.

Face aux retombées limitées des réformes de l'OCDE, le Tax Justice Network exhorte les décideurs politiques à créer un « organe fiscal » rattaché à l'ONU, en charge de mettre fin aux « abus » fiscaux. L'ONG milite aussi pour l'« échange automatique » d'informations financières entre les Etats et « la transparence de la propriété effective, pour mettre fin au contrôle anonyme des sociétés et autres véhicules juridiques ».

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« Si l'impôt peut être négligé, voire mal-aimé », il reste « la seule source de revenus durable pour des Etats indépendants et souverains » et un outil « essentiel » pour lutter contre les inégalités, insiste l'avocate ougandaise Irene Ovonji-Odida, la présidente du TJN.