Budget : le bras de fer se durcit entre Bercy et le patronat sur les impôts de production

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a laissé entendre qu'il pourrait décaler la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au-delà de 2024. Cet impôt de production est particulièrement contesté au sein des organisations patronales. Mais le gouvernement va devoir affronter une baisse drastique des recettes fiscales en raison du ralentissement de l'économie et de l'inflation. Et il va surtout devoir financer une montagne d'investissements pour la transition écologique.
Grégoire Normand
Bercy doit rendre ses derniers arbitrages pour le budget 2024 dans les prochains jours.
Bercy doit rendre ses derniers arbitrages pour le budget 2024 dans les prochains jours. (Crédits : Reuters)

Les derniers arbitrages pour le budget 2024 s'annoncent tendus. À la veille de la fête nationale du 14 juillet, les comptables du ministère de l'Economie et des Finances s'arrachent les cheveux pour tenir les objectifs du gouvernement. Ce mercredi, se sont tenus les Dialogues de Bercy, une instance d'échanges entre les parlementaires, des élus locaux et partenaires sociaux déjà organisée à l'automne dernier. A l'époque, plusieurs participants interrogés par La Tribune avaient pointé « le coup de com' » du gouvernement et « le flou » des objectifs.  Dans ce contexte brûlant, le patronat est monté au front ces derniers jours sur les impôts de production.

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Sur l'antenne de RTL ce mercredi 12 juillet, le nouveau président du Medef, Patrick Martin, s'est dit « préoccupé » par les dernières positions de l'exécutif sur la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée). Aux manettes de l'organisation paritaire depuis seulement quelques jours, Patrick Martin compte bien mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il baisse encore la fiscalité sur les entreprises.

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Lors des rencontres d'Aix-en-Provence le week-end dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé que « le rythme »  des futures baisses d'impôts en France dépendra du niveau de croissance attendu pour le pays, qui sera révisé en septembre pour les années 2023 et 2024. Cette annonce a pu surprendre alors que le ministre de l'Industrie Roland Lescure avait confirmé sa suppression dès le prochain budget 2024 dans les colonnes de La Tribune il y a seulement quelques semaines.

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Les entreprises de taille intermédiaire vent debout

Rapidement, le mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) a réagi vivement aux propos du ministre de l'Economie. L'organisation patronale, dans un communiqué, a mis en garde «contre tout report des engagements pris en matière de baisse de la fiscalité de production. Il s'agit en effet d'une réforme structurelle de compétitivité majeure ».

Pour rappel, l'exécutif s'était engagé dans un premier temps à supprimer la CVAE en une seule fois, avant d'étaler cette suppression sur 2023 et 2024. Ce nouveau report « signerait l'affaiblissement durable d'un tissu productif français en rémission », rapporte le METI.

Depuis le passage de la réforme contestée des retraites au 49-3 au Parlement, le gouvernement a fait de la réindustrialisation son cheval de bataille. Il compte bien poursuivre sa politique économique de l'offre en baissant la fiscalité sur les entreprises. Mais l'exécutif va devoir faire face en parallèle à des dépenses colossales en matière de transition écologique et énergétique notamment.

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L'équation budgétaire se complique pour le gouvernement

Cette montagne d'investissements va nécessiter des recettes publiques substantielles évaluées à plusieurs dizaines de milliards d'euros par an. Dans un rapport remis à Matignon en mai, l'économiste Jean Pisani Ferry et l'inspectrice générale des finances publiques Selmah Mafouz ont évalué les coûts de cette transition à 70 milliards d'euros par an dont 30 milliards d'euros d'argent public. Dernièrement, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé 7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en faveur de la transition.

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En 2021 et 2022, le gouvernement avait pu compter sur des recettes relativement dynamiques en raison du rebond économique post-Covid. Mais la guerre en Ukraine a complètement chamboulé l'équation budgétaire de l'exécutif. L'Etat a dû mettre en place le bouclier tarifaire et plusieurs ristournes sur le carburant pour aider les ménages et les entreprises à faire face à l'envolée des prix de l'énergie. L'extinction des différentes aides devrait permettre à Bercy de faire des économies. Lors de la revue annuelle des dépenses en juin, le gouvernement avait expliqué qu'il voulait faire entre 10 et 12 milliards d'euros d'économies chaque année. Cette ambition pourrait s'avérer complexe à remplir. En effet, la croissance économique ne cesse de s'essouffler depuis plusieurs trimestres et la moindre inflation pourrait freiner les recettes fiscales de TVA notamment.

Et les prévisions de croissance du PIB du gouvernement de 1% en 2023, déjà contestées à l'automne par de nombreux économistes, sont de moins en moins crédibles aux yeux de la Cour des comptes. Dans un rapport récent consacré aux finances publiques, les magistrats ont étrillé sévèrement les projections de l'exécutif.

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Une croissance atone compliquerait sérieusement la tâche de Bercy qui s'est engagé à ramener le déficit sous la barre des 3% d'ici 2027 et de baisser la dette publique. Après la fiscalité sur les entreprises, le gouvernement pourrait reporter sa promesse de baisse d'impôts sur les classes moyennes de 2 milliards d'euros.

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Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 13/07/2023 à 7:52
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"Et il va surtout devoir financer une montagne d'investissements pour la transition écologique." Et il est clair que ce n'est pas en commençant par jeter 800 milliards par les fenêtres qu'ils nous exposent une volonté farouche de protéger les caisses...

à écrit le 12/07/2023 à 20:36
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Bonjour, Je remarque que dans notre pays la production augmente... -mécanisation des chaine d'assemblage.. -accélération des cadences ... Mais , les entreprises regles toujours moins d'impôts... Bien sur ils ne faut pas le dire...

à écrit le 12/07/2023 à 17:11
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Nos parlementaires, qui n'ont jamais brillé dans l'exercice, se montreront-ils enfin capables d'équilibrer - au moins - les comptes; ce serait mieux si un léger excédent était réalisé, surtout en étant riches d'une pluie d'Inspecteurs des Finances (q...

à écrit le 12/07/2023 à 17:09
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Un Etat en faillite virtuelle à plus de 3.000 milliards de dettes en capital, sans les intérêts qui, cette année, représentera au moins le coût d'un Ministère comme la Santé ou l'Education, ne peut baisser ni les impôts ni les prélèvements obligatoir...

le 12/07/2023 à 17:50
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Vous savez il y a des pistes d'économies colossales si on veut bien avoir une peu courage. Prenez la contribution de l'Etat à l'équilibre des régimes de retraites et les sur cotisations des fonctionnaires ( jusqu'à entre 64 et 120% du brut en cotisa...

le 12/07/2023 à 18:39
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Nous avons le record de dépenses sociales et donc un reservoir d'économies sans égal dans le monde pour redresser notre compétitivité. Ces dépenses sociales (RSA, retraites, AF, APL etc...) ont détruit le tissu social du pays. 100 milliards d'économi...

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