Malaise en Europe : la Hongrie se jette dans les bras de Poutine pour acheter du gaz russe

Par latribune.fr  |   |  674  mots
Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Russie et son homologue Peter Szijjarto, lors d'une conférence de presse à Moscou, en 2014. (Crédits : REUTERS/Sergei Karpukhin)
Au lendemain de l'annonce du plan de Bruxelles de diminuer de 15% la demande européenne de gaz, la visite très officielle de Budapest dans la Russie en guerre est un coup de poignard pour l'UE. Une conférence de presse commune, entre le représentant de la Hongrie et ses homologues russes, a même eu lieu dans l'après-midi. Prise en étau, la Hongrie a annoncé l'achat de 700 millions de mètres cubes de gaz supplémentaires.

C'est un coup de poignard pour l'Union européenne, censée faire front commun pour sanctionner la Russie en guerre en Ukraine. Alors que l'Europe tente de se dégager de sa dépendance au gaz russe en nouant de nouveaux contrats, et que les bombes russes tombent toujours sur son voisin, la Hongrie est en visite officielle ce jeudi à Moscou pour assurer son approvisionnement en gaz. Le chef de la diplomatie hongroise Peter Szijjarto s'est rendu dans la capitale russe pour confirmer l'achat de "700 millions de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel en plus des quantités déjà prévues dans les contrats de long terme", écrit le parti Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orban dans un message posté sur Facebook.

Une conférence de presse entre Peter Szijjarto et son homologue russe s'est même tenue dans l'après-midi, et retransmise sur les chaînes de télévision de l'Etat russe. Celle-ci s'est déroulée de manière très officielle devant les journalistes, pupitres et drapeaux des deux nations l'un à côté de l'autre, avec le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont les prises de parole ont jusqu'ici servi à tendre les échanges avec les Occidentaux ou l'Union européenne. Mais sur les écrans, les plans larges de la télévision russe montrent les deux émissaires côte à côte.

En réponse, "cette requête (d'achat de gaz supplémentaire) sera immédiatement transmise et étudiée", a déclaré M. Lavrov.

Surtout, la Russie veut développer sa relation "stratégique" avec la Hongrie malgré les sanctions, a ajouté le ministre de Vladimir Poutine.

"J'apprécie réellement nos relations. Nos discussions aujourd'hui ont confirmé leur nature durable et stratégique. Et nous allons les développer de toutes les façons possibles", a déclaré M. Lavrov.

Un partenaire de longue date

Peter Szijjarto, ancien ministre des Affaires étrangères de la Hongrie et Sergueï Lavrov se connaissent de longue date. Depuis 2015, les rencontres entre les deux hommes ont été nombreuses sur divers sujets dont la relation russo-américaine, les migrants ou encore l'énergie.

La visite est d'autant plus symbolique qu'elle intervient au lendemain de la présentation par Bruxelles d'un plan visant à diminuer de 15% la demande européenne de gaz pour surmonter la chute des livraisons russes et s'affranchir de Moscou.

Plus que jamais, Viktor Orban, qui a condamné l'invasion de l'Ukraine, entretient une position ambigüe vis-à-vis de la Russie. Le Premier ministre hongrois ne cesse de blâmer cette politique de sanctions pour la détérioration de la situation hongroise.

L'UE "s'est tiré une balle dans les poumons", avait-il lancé vendredi, appelant les dirigeants de l'UE à changer de cap.

L'Europe désunie sur la riposte face à Poutine

Comme l'Allemagne, la Hongrie est ultra dépendante des hydrocarbures russes et importe 65% de son pétrole de Russie, et 80% de son gaz. Un "état d'urgence" a été décrété la semaine dernière.

La fissure avec le reste de l'Europe est d'autant plus marquante que, le même jour, Berlin a accusé Moscou d'être un "facteur d'incertitude croissant" sur le marché énergétique en Europe, après le redémarrage du pipeline Nord Stream à un niveau de livraison "faible" et "pas fiable".

De premières données publiées par l'opérateur allemand du réseau, Gascade, montrent que le débit est identique à celui d'avant la maintenance, autour de 40% des capacités.

Trop peu pour Berlin : "Ces faibles niveaux d'envoi parlent une langue politique claire, confirmant que nous ne pouvons pas nous fier à ces livraisons", a martelé M. Habeck.

En pleine guerre en Ukraine menée par le Kremlin, les visites de dirigeants politiques à Moscou sont plutôt rares. Le dernier représentant européen de poids à s'y être rendu fut Gerhard Schröder, en catimini, pour établir le contact avec ses homologues russes et avec Vladimir Poutine.

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 (Avec AFP)