Face à la chute du rouble, la Banque centrale de Russie rehausse son taux directeur à 12%

Par latribune.fr  |   |  983  mots
« Cette décision a été prise afin de limiter les risques pesant sur la stabilité des prix », a indiqué la BCR dans un communiqué, à l'issue d'une réunion d'urgence annoncée la veille. (Crédits : Maxim Shemetov)
La Banque centrale russe (BCR) a dû relever son taux directeur de 8,5% à 12% ce mardi. Cette décision intervient alors que l'inflation redémarre et que la monnaie a chuté au plus bas depuis mars 2022 par rapport à l'euro et au dollar.

[Article publié le mardi 15 août 2023 à 10h02 et mis à jour à 12h21] La Banque centrale russe (BCR) a relevé son taux directeur de 8,5% à 12%, ce mardi 15 août. « Cette décision a été prise afin de limiter les risques pesant sur la stabilité des prix », a indiqué la BCR dans un communiqué, à l'issue d'une réunion d'urgence annoncée la veille. Face à « la pression inflationniste (qui) continue d'augmenter » (4,4% au 7 août sur un an), la BCR a ainsi dit considérer nécessaire le relèvement de son taux directeur de 3,5 points de base afin de viser « un retour de l'inflation à 4% en 2024 et sa stabilisation proche de 4% dans le futur ».

Elle a également affirmé se réserver le « droit de prendre de nouvelles décisions » dans les prochaines semaines « en tenant compte de la dynamique de l'inflation réelle [et] de la réaction des marchés ». « En cas de renforcement des risques inflationnistes, une augmentation supplémentaire du taux directeur est possible », a ainsi déclaré la BCR, citée par les agences de presse russes.

Le rouble relève la tête mardi, mais reste encore proche de son plus bas depuis mars 2022 face au dollar et à l'euro. Vers 09h25 GMT (11h25 à Paris), le rouble grimpait de 2,22% face au billet vert, à 98,593 roubles pour un dollar.

La BCR, dont la prochaine réunion sur les taux était initialement prévue mi-septembre, a ainsi été contrainte d'intervenir fortement, alors qu'elle s'y refusait jusqu'alors. Elle procède ainsi à la deuxième hausse de son taux directeur en moins d'un mois. Elle avait en effet déjà relevé son taux principal de 7,5% à 8,5% le 21 juillet dernier, une première depuis février 2022.

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Il faut dire que le rouble fondait lundi 14 août face au dollar. La devise est ainsi tombée au plus bas depuis mars 2022 lorsqu'elle s'était effondrée après l'invasion de l'Ukraine par Moscou. Selon les chiffres de l'agence Bloomberg, le rouble s'est affaibli depuis le début de l'année de plus de 25% par rapport au dollar et à l'euro. A la Bourse de Moscou, rassurée par l'annonce de la BCR, il fallait débourser 97,2 roubles pour obtenir un dollar et 106,1 roubles pour un euro à 10h51 locales (07h51 GMT), après que les seuils de 100 et 110 ont été dépassés respectivement lundi.

La politique monétaire critiquée

Pour justifier cet affaiblissement de la monnaie russe, le Kremlin avait jusqu'ici désigné la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale russe. « Il est dans l'intérêt de l'économie russe d'avoir un rouble fort », avait affirmé à l'agence de presse TASS Maxime Orechkine, conseiller économique de Vladimir Poutine, considérant que « le taux de change actuel s'est considérablement écarté des niveaux fondamentaux et sa normalisation est attendue dans un avenir proche », sans préciser comment cette normalisation allait advenir.

La semaine dernière, l'institution monétaire a décidé d'arrêter les achats de devises étrangères jusqu'à la fin de l'année. Objectif affiché, stabiliser la monnaie et réduire la volatilité. Pour l'instant, ces mesures n'avaient pas eu l'effet escompté pour enrayer le mouvement de dépréciation.

« Le rouble est en baisse régulière, une tendance qui s'explique vraisemblablement par une diminution des recettes énergétiques et par une fuite des capitaux. Le rouble se déprécie régulièrement depuis plus d'un an, une tendance qui s'est accélérée depuis le coup d'Etat avorté de Wagner, probablement du fait d'une accélération des sorties (pourtant contrôlées) de capitaux. La baisse des recettes énergétiques explique également cette tendance qui, si elle se poursuivait pourrait stimuler l'inflation en Russie », relevait déjà à la mi-juillet Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Asterès, dans une note d'analyse sur la devise russe.

Les conséquences du plafonnement du prix du baril russe

La baisse des prix du baril de pétrole et du gaz naturel conjuguée aux effets de l'embargo européen et du plafonnement du prix du baril de brut russe à 60 dollars sur le marché international a entraîné une réduction des recettes générées par les hydrocarbures. Or, elles représentent la principale source de revenus pour le budget public.

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Selon le rapport mensuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) publié la semaine dernière, au mois de juillet les ventes de pétrole brut et de ses produits raffinés ont rapporté à la Russie 15,3 milliards de dollars, c'est 2,5 milliards de dollars de plus qu'en juin, mais 4,1 milliards de moins qu'en juillet 2022. Et la moyenne des revenus mensuels cette année devrait être largement inférieure à celle atteint en 2022, à 19,6 milliards de dollars, voire à celle de 2021, qui s'élevait à 15,7 milliards, aucun mois de 2023 n'ayant dépassé pour le moment cet étiage.

La Banque de Russie a également attribué la forte baisse du rouble cette année à la diminution de la balance commerciale de la Russie, l'excédent de la balance courante ayant fondu de 85% en glissement annuel entre janvier et juillet. C'est aussi la raison pour laquelle Moscou s'associe à l'Arabie saoudite dans sa décision de réduire leurs productions respectives pour faire remonter les prix du baril.

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L'affaiblissement continu du rouble fait craindre à de nombreux Russes une baisse de leur niveau de vie, d'autant que l'inflation repart à la hausse depuis avril dernier. Elle s'affichait officiellement à 4,4% sur un an en juillet contre 3,4% en juin. L'économie du pays subit également les restrictions liées aux sanctions occidentales ainsi que le coût financier croissant du conflit ukrainien qui se poursuit.

(Avec AFP)