Pétrole : l'Arabie saoudite déterminée à pousser les prix du baril vers les 100 dollars

L'annonce de Riyad de prolonger sa réduction de 1 million de barils par jour en septembre, voire au-delà, montre que sa décision unilatérale prise en juin vise non pas le seuil des 80 dollars le baril, mais davantage celui des 100 dollars. Ce vendredi, le prix du baril de Brent évoluait autour de 86 dollars, soit une hausse de plus de 9% en un mois. L'Arabie saoudite peut compter sur Moscou pour soutenir sa politique. Conséquence, les prix de l'essence remontent et pourraient contrarier les efforts des banques centrales pour calmer l'inflation.
Robert Jules
Ce vendredi en début d'après-midi, le prix du baril de Brent, la référence internationale, évoluait au-dessus des 86 dollars, soit un gain de près de 9% sur un mois.
Ce vendredi en début d'après-midi, le prix du baril de Brent, la référence internationale, évoluait au-dessus des 86 dollars, soit un gain de près de 9% sur un mois. (Crédits : Reuters)

En annonçant mardi vouloir poursuivre la réduction de son offre de 1 million de barils par jour (mb/j), appliquée en juillet et août, en septembre, voire au-delà si besoin, montre que l'Arabie saoudite ne vise pas un objectif de 80 dollars, le seuil de référence pour équilibrer son budget public, mais plutôt de 100 dollars, selon de nombreux analystes.

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En effet, ce vendredi en début d'après-midi, le prix du baril de Brent, la référence internationale, évoluait au-dessus des 86 dollars, soit un gain de près de 9% sur un mois, après s'être rapproché dans la semaine des 88 dollars, son plus haut niveau depuis 6 mois. Celui du baril de WTI, la référence américaine, cotait 83,3 dollars, s'appréciant de plus de 10% sur un mois, et se rapprochant de son plus prix le plus élevé depuis 9 mois. Quant au panier de l'Opep, sa dernière cotation s'affichait à 87,61 dollars, son meilleur cours depuis la mi-avril 2023.

Une demande mondiale record

D'autant que cette réduction de l'offre saoudienne intervient alors même que « la demande mondiale de pétrole a atteint un record de 103 mb/j en juin et qu'août, elle pourrait connaître un nouveau pic », indique l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans son rapport mensuel publié ce vendredi. Celle-ci prévoit de fortes tensions d'ici la fin de l'année, estimant le déficit du marché à 1,7 mb/j sur ce deuxième semestre. Certains analystes prévoient même jusqu'à 2 mb/j de déficit, obligeant les pays consommateurs à puiser dans leurs stocks.

Cela traduit clairement l'objectif de Riyad d'avoir des prix élevés pour financer non  seulement son budget public, mais surtout les coûteux projets de modernisation du pays voulus par le prince héritier MBS, dont la ville futuriste de Neom, qui demande quelque 500 milliards de dollars d'investissements.

Chute des revenus

Or, les revenus sont en baisse. Au deuxième trimestre, Aramco, la compagnie royale, a vu ses bénéfices se réduire de 36% sur une an, à 30 milliards de dollars, principalement en raison de la baisse des cours. Une chute qui suit une baisse de 19,25% au premier trimestre.

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L'effort consenti en matière de réduction de parts de marché par Riyad est important. Selon le rapport mensuel de l'Opep publié jeudi, l'offre de l'organisation est tombée à 27,31 mb/j en juillet, soit une perte de 836.000 b/j par rapport à juin, imputable principalement à la réduction de 968.000 b/j de la seule Arabie saoudite, qui voit son offre tomber à 9 mb/j.

Néanmoins, cela n'affaiblit pas la position du Royaume. Cela renforce même le rôle central qu'elle occupe sur le marché pétrolier mondial, en augmentant mécaniquement sa capacité de production de réserve, désormais supérieure à 3 mb/j, mobilisable en moins de 3 semaines, en cas de forte demande mondiale. Aujourd'hui, seuls les Emirats arabes unis ont des capacités de production de réserve substantielles, de 1 mb/j. Ils ont d'ailleurs été le seul pays à voir son quota de production relevé en juin lors de la réunion de l'Opep+.

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Du côté de la demande, l'Arabie saoudite dépend notamment de la Chine, premier importateur mondial de brut, dont l'économie peine à décoller depuis la fin de la politique « zéro Covid ». Pourtant, selon l'AIE, sa demande atteint un record de 16,6 mb/j. En juin, ses principaux fournisseurs étaient la Russie (20%), l'Arabie saoudite (15%) et la Malaisie (11%), selon le rapport mensuel de l'Opep.

Toutefois, les données du mois de juillet sur les importations publiées par le Bureau national des statistiques (BNS) chinois indiquent qu'entre juin et juillet les importations de brut ont baissé de 19%. Même si le chiffre est à relativiser, le mois de juin ayant enregistré un niveau record des importations de pétrole, il n'a pas empêché les stocks chinois de brut d'augmenter, autre signe manifeste de la faiblesse de la consommation. En effet, plusieurs indicateurs conjoncturels montrent que l'économie chinoise marque le pas, le pays se trouvant confronté à une déflation, ce qui accroît les incertitudes sur les perspectives du géant asiatique.

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Pour mener sa politique, Riyad peut par ailleurs compter sur l'appui de la Russie, l'autre acteur majeur du partenariat Opep+ qui réunit les 13 membres de l'organisation et 10 autres pays exportateurs de pétrole. Alexander Novak, le vice-président du gouvernement, a indiqué la semaine dernière que la Russie réduira de 300.000 b/j son offre en septembre, rappelant la réduction prévue en août de 500.000 b/j. La Russie reste soumise à des sanctions imposées par les économies développées, notamment un embargo européen et un plafonnement du prix de son baril à 60 dollars sur ses ventes internationales. Si ses parts de marché se réduisent, Moscou visera également un prix élevé du baril pour générer les revenus nécessaires au financement de la guerre qu'elle mène contre l'Ukraine depuis fin février 2022.

Des prix élevés qui alimentent l'inflation

Les cours élevés commencent à peser sur les économies développées. D'ores et déjà, les prix du gaz naturel sont repartis fortement à la hausse en Europe, soutenus notamment par les perturbations des livraisons de GNL en provenance d'Australie en raison de grève dans le secteur. Sur la plateforme TTF européenne, les prix ont gagné près de 40% en un mois. Avec les prix du pétrole en hausse, l'inflation que les banques centrales des économies développées peinent à calmer avec une succession quasi ininterrompue de hausse des taux pourrait à nouveau accélérer, l'envolée des prix de l'énergie agissant en effet comme une taxe qui s'applique à tous les segments de l'activité économique.

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Ainsi, en France, par rapport à début juillet, le gazole et l'essence sans plomb SP95-E10 affichent une hausse moyenne de 14 et 11 centimes, selon les dernières statistiques du ministère de la Transition énergétique.

Robert Jules
Commentaires 32
à écrit le 16/08/2023 à 13:21
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Une aubaine pour le financement pétrolier du parti républicain?

à écrit le 13/08/2023 à 15:26
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Le problème majeur est que ça va surtout aider Poutine à financer sa guerre. Россия иди домой

à écrit le 13/08/2023 à 9:35
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.....et les retours de manivelles vers les exportations des occidentaux vers l'Arabie Saoudite c'est pour QUAND ? .....question d'équilibre économique !

à écrit le 13/08/2023 à 8:22
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Bonjour, le probleme de la baisse de la production et une reduction d'entrée d'argent... Les saoudiens tous comme les russes ne sont pas les seuls producteurs... donc la concurrence est importante sur se marché... et la hausse du cours n'est pas ce...

à écrit le 12/08/2023 à 18:55
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MBS, un agent de Poutine? :)

le 13/08/2023 à 8:33
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Les américains ont tout aussi intérêt à un pétrole à 100 dollars car le pétrole de schiste n'est rentable qu'à un certain prix assez élevé.

à écrit le 12/08/2023 à 17:22
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Bénis soient les saoudiens

à écrit le 12/08/2023 à 11:01
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La baisse de la production entraine la hausse du prix; mais jusqu'où?

à écrit le 12/08/2023 à 8:52
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Ah la loi de l'offre et de la demande ! Une escroquerie de plus.

le 13/08/2023 à 12:21
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@Dossier 51. D'une manière plus générale, ce n'est pas la "loi de l'offre et de la demande" qui est une escroquerie de plus, mais précisément son changement de paradigme depuis l'ère du néolibéralisme (la "guerre des prix et des profits"). La "Supply...

le 14/08/2023 à 8:15
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En ce qui concerne le pétrole, rien que l'OPEP et l'OPEP plus expose que son cours ne repose pas sur la loi de l'offre et de la demande, les déclarations mêmes de producteurs de pétrole avouent sans le moindre problème influer sur les cours pour leur...

le 14/08/2023 à 16:21
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@Dossier 51. Lisez jusqu'au bout ce que "votre vieux" écrit lorsque il aborde la géopolitique : "Et qui mène le bal avec le pétrole car il a en main le levier de l'offre (sur une ressource dite épuisable et dont l'effet rareté dessine aussi la format...

le 14/08/2023 à 18:17
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Tu m'épuises.

à écrit le 11/08/2023 à 16:43
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Voilà une merveilleuse nouvelle, un prix du brut élevé assure la croissance des bénéfices des compagnies pétrolières et par suite celle des dividendes 🥳

le 11/08/2023 à 19:32
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Ce sera aussi une rentrée d'impôt sur les bénéfices et sur les dividendes taxées à 30 %. Achetez des actions pour en profiter.

à écrit le 11/08/2023 à 16:24
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Comment la consommation de pétrole peut-elle être aussi élevée alors que la Chine est en berne ? Que va-t-il se passer quand elle se réveillera ? 110 millions de bl/j ? Qui est donc le goinfre qui sirote tout le pétrole ? L'Inde ? les USA ? Tout l'oc...

le 11/08/2023 à 23:53
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En effet il faudrait analyser la consommation de petrole pour comprendre les causes de cette augmentation.

le 12/08/2023 à 16:49
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Vous êtes au courant que la population mondiale augmente constamment ?

le 13/08/2023 à 0:38
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La réponse : les spéculateurs qui achètent à découvert …. Dont les acheteurs occidentaux: usa Londres Paris Amsterdam … ils en ont rien a foutez des autres consommateurs seuls leurs bonus comptent!!!

à écrit le 11/08/2023 à 15:39
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Bein oui et vous vous attendiez à quoi? Vous croyez que le plan Vision 2030 initié en 2016 par MBS allait se financer sans tout seul, alors que la crise géopolitique en Ukraine - débutée en 2014 avec l'annexion de la Crimée - et les sanctions interv...

le 11/08/2023 à 15:55
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@Raymond. Le pétrole...ça brûle et à trop jouer avec le feu on finit par se brûler. L'Arabie Saoudite joue avec le feu. Malgré tous ses investissements dans tous les domaines et les montagnes de petro dollars dont elle dispose elle reste une puissa...

le 12/08/2023 à 9:41
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Oui, Russie, Arabie Saoudite, Algérie, Venezuela, Angola, etc. Que des grandes réussites économiques et démocratiques.

le 12/08/2023 à 16:32
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@Alain d. Peu importe, là n'est pas la question, car il faut appréhender la situation globale sur le plan de la géopolitique (et au-delà du pétrole comme seul outil de répression économique). C'est-à-dire cette nouvelle cartographie du monde qui se d...

le 13/08/2023 à 13:05
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Globalement? Les nations les plus avancées, principalement Occident et alliés, donc y compris l'UE, vont faire la transition énergétique en tête. Les dictatures citées (et etc.) vont plonger, déjà parce que le changement, donc les révolutions techno...

le 13/08/2023 à 16:26
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@Alain d. Je respecte votre point de vue: "Les nations les plus avancées, principalement Occident et alliés, donc y compris l'UE, vont faire la transition énergétique en tête". Toutefois, je ne partage pas votre certitude car de mon point de vue, il ...

le 14/08/2023 à 10:40
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@Raymond Oui, vous avez bien raison, rien n'est encore joué, mais si j'affiche du pessimisme, ça va impacter négativement. Avec tous les trolls qui opèrent ici et ailleurs, en services commandés ou pas, je m'autorise le droit de gonfler mes comment...

à écrit le 11/08/2023 à 15:15
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Pour nous libérer des saoudiens nous n'avons qu'un moyen: diminuer la consommation. Etvpour diminuer la consommation nous n'avons qu'un moyen efficace: faire monter le prix de l'essence par l'impôt à 3-4 euros, (idem avec le kérosene et le diesel) et...

le 11/08/2023 à 16:09
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votre commentaire se tient mais y a un hic ! c est a partir de quel seuil de prix que les consommateurs accepterons de se faire dépouiller quand aux retraités eux ils votent ne l oublier pas ,ça c est le coté obscure de la chose .n oubliez pas l etat...

le 11/08/2023 à 17:55
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@ adieu BCE. Être retraités,ça veut dire avoir travaillé et cotisé 40 ans et n’être pas destinés à être confinés.

le 11/08/2023 à 20:50
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"faire monter le prix de l'essence par l'impôt à 3-4 euros" pourquoi l'impôt ? La TICPE est là, mais figée pendant une année entière, on pourrait l'augmenter d'un coup. 4€/L ça devrait être le prix du carburant synthétique zéro carbone (en bilan, car...

le 11/08/2023 à 22:16
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Ah pour sur c'est intelligent.. se libérer des saoudiens qui nous achètent beaucoup, pour produire des articles que de fait... les saoudiens n'achèteraient plus ( par manque de ressources.. par rétorsion etc.. ).. les flèches sont dans les commentai...

le 12/08/2023 à 9:58
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@Photo73: vous avez raison, il ne faut pas augmenter les impôts mais la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) @Fg: on pourra baisser les cotisations et l'impôt sur le revenu: sur les premières aucun avantage pour les...

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